Youssou N’Dour et le Super Étoile de Dakar inonderont la prairie des Filtres de leur efficace mbalax qui chamboule tous les corps, pour rendre la fête plus belle encore. Rencontre enjouée avant la folie de sons et de rythmes attendue samedi à Rio Loco.
La Dépêche du Midi : Vous serez à Toulouse samedi 14 juin pour le festival Rio Loco qui vous avait déjà accueilli en 2006, quel souvenir en gardez-vous ?
Youssou N’Dour : Je me souviens très bien de Rio Loco, c’est un festival que j’aime beaucoup et Toulouse est une ville que j’adore parce que j’ai beaucoup d’amis qui y habitent, dont le fils de Doudou N’diaye Rose, avec qui j’avais joué en 2006. Donc il y a beaucoup d’amis à qui je vais pouvoir rendre visite. Quand j’ai entendu le nom du festival parmi les propositions de dates de tournée, j’ai dit oui ! Je suis content de revenir, même si mon ami Jimi Mbaye (musicien sénégalais disparu le 12 février 2025, ndlr) n’est plus là depuis quelques mois. C’est difficile mais nous continuons à lui rendre hommage en jouant, nous pensons tout le temps à lui. Dans notre répertoire, qui peut changer, les fondamentaux sont là et Jimi est toujours avec nous, après plus de 40 ans d’amitié.
L’atmosphère de votre nouvel album traduit-elle celle du monde qui a évolué depuis la parution de « Mbalax » en 2021 ?
Oui, avec la manière dont le monde tourne en ce moment et depuis la période de la Covid-19, des questions se sont posées dans beaucoup de domaines, mais surtout au niveau artistique. On s’est tous enfermés pendant la pandémie et l’album essaie de pousser la réflexion, la composition, les idées et les sonorités. L’album « Éclairer le monde » se situe dans ce sillage. Et il n’y a pas la même ambiance sur les deux disques en effet. L’album « Mbalax », sorti en 2021, est un disque très local qui met en avant le mbalax, la musique populaire du Sénégal qui est dansée et qui est vraiment très aimée dans mon pays. Alors qu' »Éclairer le monde » joue sur le registre de la world music, qui a été créée avec l’apport de tout le monde. La musique africaine, la pop music, la musique de l’Asie amènent chacune quelque chose et elles ont favorisé les rencontres avec Paul Simon ou Peter Gabriel par exemple.
La création du label Real World par Peter Gabriel en 1989 est-elle un acte fondateur ?
Tout à fait. Des artistes comme Peter Gabriel ont osé toucher à d’autres sonorités et c’est ce qui a favorisé l’éclosion de ce que l’on appelle aujourd’hui la world music. Real World a joué un grand rôle. Le label a permis à des artistes de se rencontrer, de faire des tournées ensemble, de jouer au festival Womad (World of Music, Arts and Dance fondé en 1980, la première édition a eu lieu en 1982 à Shepton Mallet au Royaume-Uni, ndlr). Beaucoup d’initiatives sont nées à partir de là. C’est une période où on parlait et on écrivait beaucoup autour de la world music. Récemment un peu moins parce qu’en réalité tout le monde fait de la world music maintenant, mais les gens n’en parlent pas. Nous, comme nous avons été des précurseurs de la world music, nous pensons que ce que nous apportons aujourd’hui est une source de la world music qui peut servir aux autres tendances de la musique. Maintenant, on ne demande plus « Vous faites quelle musique ? » Tout le monde fait de la world music !
Vous vous définissez comme un architecte qui continue de bâtir cet édifice de la world music avec, cette fois, l’aide du bassiste et guitariste Michael League…
Oui, un album comprend toujours une partie sombre et une partie lumineuse et, à chaque fois, je travaille cette manière pour qu’il soit homogène au final. Et effectivement je me sens comme un architecte qui dessine une maison. Quant à Michael, il peut revendiquer l’album. Il a beaucoup apporté à ce disque et je peux dire que c’est un album de Youssou N’Dour avec Michael League dont je salue le travail, l’implication, la technicité, les arrangements, les choix.
Beaucoup de jeunes musiciens vous accompagnent sur ce disque, la relève est là ?
Il y a une nouvelle génération de musiciens africains sur les instruments traditionnels, qui avaient un peu disparu de la scène moderne et urbaine parce qu’ils sont pour la plupart mono-gammes. Donc, durant un concert par exemple, si vous utilisez une kora, vous êtes obligé de la réaccorder après chaque chanson pour trouver une autre gamme. Mais, aujourd’hui, les jeunes prodiges de la musique traditionnelle africaine, comme Momi Maïga qui figure sur l’album, ont résolu ce genre de problème. Ils peuvent jouer sur toutes les gammes automatiquement sans perdre du temps. Ils ont acquis une technicité qui amène le renouveau de ces instruments traditionnels.