Ensemble, Eric Giacometti et Jacques Ravenne écrivent des romans historiques fascinants, comme le fameux « Livre des merveilles ». Aujourd’hui, c’est en solo, pour respectivement « Les Éveillées » et « Les Ressuscités », que les deux Toulousains reviennent dans l’actualité livresque. L’explosif duo sera ce jeudi 19 juin à la Fnac Wilson. Interview croisée.
Comment travaillez-vous ? Comment un duo existe-t-il dans l’exercice si solitaire de l’écriture ?
EG : Nous bâtissons un plan du livre et chacun se chargera d’une partie précise, comme le ferait une équipe de scénaristes de séries.
JR : Nous débutons toujours par la quête d’une intrigue et donc d’un mystère dont il faut imaginer la solution. Nous créons ensuite un plan précis, divisé en parties et chapitres. Je rédige la partie historique et nous échangeons nos chapitres afin de lisser nos différences d’écrit. Bien sûr, certains personnages évoluent au fil de l’écriture mais la fin et ses révélations sont décidées dès le début. Travailler à deux a un grand avantage à mes yeux : le regard et l’analyse de l’autre permettent d’éviter de se fourvoyer dans des erreurs de narration et… de s’obstiner !
Quelle est la clé de votre succès ? Qu’attendent les lecteurs de vos livres ?
JR : Nous écrivons les livres que nous aimerions lire ! Il s’agit d’une littérature d’évasion qui permet à nos lecteurs d’ouvrir, ou de découvrir, leur imaginaire à travers des thèmes universels comme la quête ou le secret. Ils peuvent entamer une seconde lecture qui est de vérifier et/ou approfondir les informations, parfois inédites, souvent méconnues, que nous livrons dans notre récit.
EG : Nous révélons des faits étonnants et cachés de la grande histoire, avec deux pincées d’ésotérisme et de science et une intrigue de thriller. Les lecteurs ont soif de merveilleux surtout dans une époque anxiogène. Notre passion de l’ésotérisme est née à Toulouse, sur les bancs du lycée Berthelot. Toulouse et l’Occitanie sont des terres de mystères et de légendes. Ce fut une chance : si nous nous étions rencontrés à Roubaix, notre destin aurait été bien différent…
Très précis et documentés, vos romans nécessitent une masse de documentation colossale. Comment vous répartissez-vous ce travail ?
EG : Cela représente quatre mois de recherche pour chaque livre – et presque un an pour « Les Éveillées. »
JR : Je m’intéresse aux traditions orales et aux documents anciens. Je suis toujours en quête du légendaire d’un lieu ou d’une région, surtout quand il prend progressivement la dimension d’un mythe, comme dans le cas de la région de Rennes le Château. Je passe beaucoup de temps à compulser des archives, que je collectionne, et la région Occitanie à la particularité de disposer de plusieurs fonds d’archives exceptionnels, en particulier dans les villes d’origine médiévales. C’est souvent dans une archive, un texte, que je trouve l’origine d’un futur roman. Ainsi, le thème des « Ressuscités » provient d’un récit manuscrit médiéval qui raconte l’incroyable histoire vraie d’un chevalier, neveu de la Reine, censé être mort au combat et qui ressuscite des années après en plein Paris… Un merveilleux sujet pour un roman !
On devine en vous lisant le plaisir que vous prenez à jouer avec la curiosité et l’excitation du lecteur…
EG : C’est le propre du thriller !
JR : C’est un jeu du chat de la souris qui fait le bonheur de nos lecteurs, mais aussi le nôtre, car on y retrouve son âme d’enfant. Ensuite, d’un point de vue narratif, c’est un subtil dosage entre le désir d’égarer le lecteur pour son plus grand plaisir et la volonté de ne pas le perdre…
L’un est journaliste, l’autre historien : avez-vous l’ambition de distraire autant que de transmettre des connaissances ?
JR : La rigueur est au cœur de notre formation intellectuelle. Nous créons toujours des intrigues à partir d’éléments vérifiés et l’ambiance d’une époque est écrite au plus près des savoirs les plus récents. C’est en créant ce pacte de confiance avec le lecteur qu’on peut développer une fiction et transformer l’imaginaire en plaisir de lecture.
EG : Je suis ex-journaliste ! Nous avons en effet cette ambition, et aussi celle de faire réfléchir sur certains sujets. Nous adorons quand les lecteurs nous envoient leurs propres recherches à l’issue de leur lecture.
Lorsque vous écrivez en solo, comme pour vos derniers livres, l’autre est-il le premier et plus « fiable » lecteur ?
JR : Nous avons choisi, cette fois-ci, d’écrire intégralement en solo, sans le regard de l’autre. Nous avons découvert les livres de chacun quand le manuscrit a été définitif. Cette « solitude » d’écriture nous a ainsi permis d’exprimer plus nettement des choix narratifs, plus difficiles à réaliser, en duo. J’ai toujours voulu écrire une saga centrée sur des personnages d’une famille, c’est ce que j’ai pu faire en plaçant l’action au cœur de la famille royale de l’époque, celle de Philippe le Bel, celle des Rois maudits.
Vous fêtez 20 ans d’amitié et de travail en collaboration : que diriez-vous, chacun, de l’autre, de ce qu’il apporte au tandem que vous formez ?
EG : Jacques est ma deuxième moitié de cerveau.
JR : Éric a la capacité presque instantanée de distinguer un bon sujet de livre et celle de voir aussitôt ce qui ne va pas dans un chapitre, un personnage pas développé, une description trop longue… De plus, il incarne très bien, par l’écriture, un personnage comme c’est le cas pour le personnage féminin d’Agathe dans son roman. Quand je lisais les dialogues où elle intervenait, je croyais l’entendre parler.