Atmo Occitanie, organisme agréé pour la surveillance de la qualité de l’air en Occitanie, revient sur l’amélioration de la qualité de l’air à Toulouse. Elle appelle à « poursuivre les efforts » face aux seuils plus stricts fixés par la future directive européenne de 2030.
Émilie Dalix, présidente d’Quelle est la situation de la qualité de l’air à Toulouse et en Haute-Garonne ?
En 2024, on a observé une tendance générale à la baisse de tous les polluants atmosphériques réglementés, notamment le dioxyde d’azote (NO 2) et les particules fines PM2.5. Ces diminutions sont réelles et significatives. Elles traduisent une amélioration concrète de l’air ambiant, en particulier à proximité du trafic routier, même si ces zones restent encore trop exposées.
Si on regarde l’air ambiant, notamment la concentration annuelle à laquelle les habitants sont exposés à leur domicile sur la métropole de Toulouse, on voit une amélioration nette : on est passés de 10 à 9 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle. C’est un indicateur important, parce qu’il reflète l’exposition réelle des gens.
Cette amélioration a-t-elle un impact sanitaire mesurable ?
Oui, très clairement. À Toulouse, la baisse des concentrations en PM2.5 a permis d’éviter 86 décès par an. Entre 2009 et 2019, on est passés de 159 décès attribuables à cette pollution à 73. C’est une réduction de 54 %. On a aussi observé une division par deux des cas d’asthme chez les enfants, par exemple.
Et concernant les pics de pollution ?
Là aussi, on note une baisse significative. Les valeurs maximales mesurées sont passées d’environ 100 à 45 microgrammes par mètre cube. C’est quasiment divisé par deux. C’est essentiel de le souligner, parce que parfois on doute de l’efficacité des actions engagées. Mais ces chiffres le montrent : quand on agit, ça fonctionne. Les politiques publiques ne sont pas inutiles, bien au contraire.
Combien de personnes sont encore exposées à des niveaux supérieurs aux normes ?
Tout dépend des seuils de référence. Par rapport à la réglementation française actuelle, on estime entre 400 et 1 150 personnes exposées à des dépassements des valeurs limites pour la santé. Si on prend les seuils européens, c’est beaucoup plus : entre 50 000 et 86 000 personnes. Et si on se réfère aux recommandations de l’OMS, ce sont encore bien davantage.

Comment avez-vous obtenu ces résultats ?
Grâce à un travail de modélisation réalisé avec le CREAI-ORS. On a fusionné leurs données de santé publique avec nos données de pollution pour chiffrer très concrètement les bénéfices sanitaires de la baisse de pollution.
Cette amélioration est-elle liée aux politiques publiques ?
Oui, elle est le résultat d’efforts conjoints. Les industriels ont engagé des démarches de décarbonation, les citoyens ont réduit leur consommation d’énergie, et les pouvoirs publics ont accompagné ces transitions, notamment par des aides et des régulations. Ces efforts ont porté leurs fruits.
Pourtant, on assiste actuellement à un recul de certaines politiques écologiques : remise en cause des ZFE et de MaPrimeRénov’, moratoire sur l’éolien et le solaire… Est-ce inquiétant ?
Oui, clairement. Remettre en cause des dispositifs comme MaPrimeRénov’ ou imposer un moratoire sur les éoliennes, c’est aller à rebours des objectifs sanitaires et climatiques. Toutes les politiques mises en place jusqu’ici ont été utiles. Il faut continuer, pas reculer.
Certains discours cherchent à flatter les opinions au lieu de s’appuyer sur les données. Mais les faits sont là. Nous, on travaille avec des données scientifiques. La qualité de l’air s’est améliorée grâce à des efforts collectifs. Il ne faut pas casser cette dynamique.
Et sur le terrain, qui reste le plus exposé à la pollution ?
Les populations vivant près des axes routiers, notamment en périphérie toulousaine. Ce sont souvent les plus fragiles socialement. Les politiques publiques, comme la ZFE, ont surtout bénéficié au centre-ville. Il faut veiller à ce que la transition écologique ne laisse personne de côté.
Quels sont les défis à venir, notamment en vue des nouveaux seuils européens ?
L’OMS a abaissé ses valeurs guides en 2021. L’Europe suit cette direction avec de nouveaux seuils à respecter d’ici 2030. Ces valeurs sont quasiment divisées par deux par rapport aux seuils actuels français. Il faudra donc continuer à réduire fortement le dioxyde d’azote et les particules fines. Ce sont nos principaux polluants aujourd’hui, surtout en bordure des routes.
Pour les particules fines, on parle de 178 000 à 820 000 personnes encore exposées à des dépassements des valeurs limites sur la métropole. C’est énorme, et ça montre bien l’ampleur de l’effort encore nécessaire.
Vous restez optimiste malgré tout ?
Oui, je crois qu’il faut garder un récit mobilisateur, positif. C’est possible de répondre aux enjeux climatiques et sanitaires. Mais ça demande des efforts supplémentaires. Et surtout, il faut arrêter de dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre.
Il faut dire la réalité, avec pédagogie, en s’appuyant sur la science.Mettre un coup d’arrêt aux outils actuels, ce n’est pas la bonne réponse aux défis de demain. Ce qu’il faut, c’est améliorer ces outils, corriger leurs faiblesses, mais surtout ne pas renoncer.