Auteur d’une saison pleine, l’arbitre haut-garonnais sera au sifflet, ce samedi 28 juin au Stade de France, pour le rendez-vous tant attendu entre les deux meilleures équipes de la saison de Top 14.
J-5 avant le grand jour. Pour Toulouse, Bordeaux-Bègles et Pierre Brousset. Car il n’y a pas de grande finale sans grand arbitre. Ce sera la première du Rieumois, à seulement 36 ans, quand la moyenne des dernières décennies se situe plutôt autour de la quarantaine (âgés de 29 ans, le baron Pierre de Courbertin en 1892, et Charles Durant en 1950, ne sont toutefois pas près d’être détrônés).
Une désignation que le Rieumois « accueille avec beaucoup de joie et de fierté parce que c’est un honneur de pouvoir officier sur la finale de Top 14 ». Après un premier match dans le Tournoi en février (Angleterre – Écosse) et une demi-finale de Champions Cup le mois dernier (Leinster – Northampton), ce choix relève d’une logique implacable de la part de la cellule de haute performance de l’arbitrage, venant « valider et récompenser des années de travail ». Et surtout le choix d’avoir renoncé très jeune au plaisir de jouer avec les copains.
« Je me souviens des débuts, des premiers pas, de mon premier match au TEC, à Toulouse, de la découverte de ce milieu, des différentes discussions sur le choix de continuer de jouer ou d’arrêter pour se consacrer à l’arbitrage, rembobine-t-il. C’est vrai que quand je regarde en arrière, j’ai une pensée pour certaines personnes, que ce soit Yves Soulan, Jean-Paul Vermande, qui m’ont accompagné dans cette décision-là. Aujourd’hui, on peut dire que le choix était le bon. »
Poite : « C’est le numéro 1 français »
Dans son ascension, le seul arbitre masculin professionnel du rugby français – en attendant d’être rejoint par Luc Ramos (qui l’assistera à Saint-Denis avec Ludovic Cayre) la saison prochaine – a évidemment pu compter sur sa rigueur et sa force de travail pour gravir rapidement les échelons.
Mais aussi sur la présence de Romain Poite, ami devenu patron depuis cette saison. « Quand on a un arbitre de cette qualité-là qui est désigné à World Rugby, évidemment que la continuité de ses performances aussi en Top 14 fait que c’est le numéro un français et qu’il a largement gagné et mérité de faire une finale de Top 14 », justifie ce dernier.
Et de se souvenir : « À l’origine, on avait détecté des dispositions qui pouvaient en faire un arbitre de haut niveau. Yves Soulan m’avait demandé de visionner ses vidéos avec lui et de le faire progresser à partir du moment où il serait en Fédérale 3. On a construit une relation petit à petit au fil des années jusqu’à mon arrêt de carrière, en 2022, où on travaillait tous nos matchs ensemble. »
Sans oublier les deux séances d’entraînement hebdomadaires partagées. « Toutes les sessions terrains, on les faisait ensemble et comme c’est quelqu’un de très athlétique, vu mon âge, j’avais un peu plus de mal », sourit-il, dressant le portrait de quelqu’un de « très sérieux, très bosseur, très intelligent, très athlétique et qui se challenge beaucoup ». Un talent qu’il a ensuite pris sous son aile en Coupe d’Europe « pour qu’il commence à voir comment ça se passait ».
« On a un petit peu associé nos deux caractères, c’est-à-dire l’exigence de travail, l’exigence de la règle, en l’adaptant au jeu en fonction des niveaux dans lesquels il progressait et on ajustait tout ça, reprend celui qui dirige l’arbitrage français avec Mathieu Raynal. Et après, il a volé de ses propres ailes même si déjà il savait voler tout seul sans que j’aie besoin de lui apprendre quoi que ce soit. C’est plus dans le développement qu’on s’est rapproché. »
Biberonné à la mamelle de l’humilité
Au moment de s’avancer vers le match le plus prestigieux d’une carrière en France, Pierre Brousset, biberonné à la mamelle de l’humilité, ne compte rien changer à ses habitudes, toujours très clinique dans son approche des matchs. « Je vais essayer tout simplement de rester moi-même et faire des choses qui ont du sens avec une préparation classique, à la fois physique, technique, légèrement mentale également. Et aussi mettre un focus sur notre travail d’équipe, nous les arbitres, afin de performer, d’être prêt le jour J. Mais je ne veux surtout pas révolutionner mes habitudes. Cela reste un match de rugby, avec un enjeu un peu plus important, bien sûr, mais le plus simple à mes yeux, c’est de faire ce qu’on sait. »
« Il faudra se servir de l’atmosphère pour avoir de l’énergie »
Et alors que tout a été mis au clair avec les staffs professionnels, à Loudenvielle l’été dernier, sur le fait que n’importe quel arbitre pouvait diriger chaque équipe du Top 14, il ne craint pas l’amalgame qui pourrait être fait par l’environnement extérieur sur sa proximité géographique avec le club « rouge et noir ». « Ça peut arriver, j’en ai conscience, avoue-t-il. Mais en fait, la chose qui m’importe, c’est de me concentrer sur moi, sur mes convictions, sur ce qui fait mes forces. On sait très bien, dans la fonction d’arbitre, qu’on ne peut pas satisfaire tout le monde. Que ce soit Toulouse ou une autre équipe, ça ne change rien. J’arbitre une équipe A contre une équipe B. Ce qui m’importe, c’est d’être performant parce que notre performance est scrutée et qu’on joue notre carrière également. »
Reconnaissant qu’il faudra « se servir de l’atmosphère » avant le match « pour avoir de l’énergie » plutôt que d’en perdre en étant « parasité par tout ce qui peut se passer à l’extérieur et au cours des cérémonies un peu particulières », celui qui découvrira le Stade de France au centre sera « focalisé sur (s) es process et (s) a conduite du match ».
Avec comme vœu « un beau match de rugby, où l’équipe qui doit gagner gagne, où on ne parle pas de l’arbitre, où toutes les grosses décisions ont été bien prises et bien traitées ». Sa définition d’une finale réussie. Et de l’accomplissement, en attendant les matchs internationaux de l’été, d’une saison déjà très aboutie.