« On vient de me dire que des personnes avaient fait un feu cette nuit, alors que le parc est fermé », confie, dépitée, Émilie Marsaud, garde et animatrice nature et territoriale au sein de la réserve. Avec l’arrivée des beaux jours, la fréquentation explose et les incivilités qui vont avec. Entre mai et septembre, ce sont au moins 60 000 visiteurs qui viennent trouver de la fraîcheur dans cet espace naturel. Pourtant, « les gens l’ont vraiment découverte pendant les confinements liés au Covid », souligne-t-elle.
Il faut dire qu’avec ses 579 ha répartis sur onze communes de Haute-Garonne, la réserve naturelle régionale Confluence Garonne-Ariège, qui fête ses 10 ans en 2025, est le poumon vert de l’agglomération toulousaine.
Un abri pour 2 100 espèces dont 1 200 végétales
« C’est une réserve périurbaine avec une mosaïque de milieux, des cours d’eau aux zones humides des anciennes gravières, en passant par les prairies, les coteaux secs, les espaces boisés ou les espaces agricoles », énumère Émilie Marsaud. Elle abrite 2 100 espèces, dont 1 200 végétales. « 10 % sont protégées et à fort enjeu environnemental », précise-t-elle.
Et en 10 ans, grâce aux efforts de protection, la nature a vraiment repris ses droits. « On est passé d’un individu à cinq couples d’aigles bottés, il y a plusieurs couples de hiboux grand-duc. Avec la restauration des bras morts, on a vu réapparaître le brochet et, cette année, on a pu observer des loutres », se réjouit Émilie Marsaud, toujours à l’affût lorsqu’elle parcourt le Parc naturel de Portet-sur-Garonne, l’un des six sites à découvrir de cette réserve qui s’étend sur 17 km depuis le sud de Toulouse. Ici une tortue, « peut-être une cistude d’Europe, protégée mais menacée par la tortue de Floride », là une couleuvre verte et jaune qui glisse entre les herbes hautes…
Mais l’objectif de l’association Nature en Occitanie, qui a la gestion de la réserve, n’est pas de mettre cet espace sous cloche. « Nous avons cinq missions : la gestion de l’espace naturel ; le suivi scientifique, en collaboration avec des laboratoires locaux ; la sensibilisation pédagogique, dans les établissements scolaires des communes de la réserve ; la gestion de la signalétique, des sentiers, l’accueil et la sensibilisation du grand public ; et, enfin, des missions de police, avec des agents assermentés qui peuvent délivrer des amendes. »
« La gestion des déchets est problématique »
Il faut donc gérer la cohabitation avec l’humain, qu’il s’agisse de riverains venus se promener, de Toulousains qui cherchent le frais ou viennent se baigner alors que c’est interdit, de photographes amoureux de la nature, il faut échanger, éduquer, sensibiliser. « Les plus anciens, qui ont connu le site avant la mise en place de la réserve, se plaignent de l’arrivée d’un règlement. La gestion des déchets est aussi problématique, tout comme le fait de garder les chiens en laisse », pointe la garde, qui a même stoppé un riverain venu se servir en bois de chauffage cet hiver sur la commune de Pinsaguel. D’autres, alors que de nombreux espaces ne sont pas tondus ou débroussaillés, craignent de croiser des serpents. « C’est pour cela que l’on a des renforts saisonniers et des équipes d’écogardes qui font de la pédagogie. »
Trois jeunes, avec une canne à pêche, veulent justement accéder au fleuve. « On peut pêcher ici ? », interrogent-ils. Contrôle de la carte de pêche, échange autour des espèces présentes et ils repartent avec une consigne claire. « Tant que vous relâchez tout, ça me va. » Pour Émilie, ce travail de sensibilisation, comme avec les kayakistes qui ont des endroits pour accoster sur les îlots où nichent les petits gravelots.
Une ancienne sablière
Samuel, en formation BPGEPS option Éducation à l’environnement vers le développement durable à Toulouse, profite d’un déplacement avec sa promo pour découvrir la réserve. Photographe amateur, de jeune Ariégeois tente d’immortaliser un loriot, une grive ou un milan noir, dans « ce super coin, longtemps anthropisé, où la nature profite ».
Car le Parc naturel de Portet-sur-Garonne était autrefois une sablière. Giovanni Moreau, ancien chef d’atelier, habite à proximité depuis 50 ans et connaît le parc comme sa poche. Il a travaillé près de 20 ans à rendre ses droits à la nature et continue à parcourir cet espace tous jours. « Malgré l’indiscipline des gens avec leurs chiens, le public est un peu plus éduqué qu’autrefois, plus respectueux », souligne-t-il. « Mais je n’avais jamais vu de feu à l’endroit de cette nuit. » Preuve s’il en fallait que le travail de pédagogie est loin d’être fini.