On ne devient (visiblement) pas recteur par hasard. D’abord, parce que « tout le monde n’en a pas envie », et puis, parce que « ce sont des responsabilités ».
Nommé en Conseil des ministres le 12 mars dernier, Karim Benmiloud, Breton d’origine, succède à Mostafa Fourar en tant que recteur de l’académie de Toulouse. C’est donc le 26 mars 2025 qu’il a officiellement pris ses fonctions au sein de la région académique Occitanie, rajoutant ainsi une nouvelle corde à son arc. La preuve.
Des premiers pas en Bretagne
Karim Benmiloud est né en Bretagne (à Vannes) et a commencé sa scolarité au Lycée Émile-Zola de Rennes. « J’ai envie d’en parler parce que l’académie de Rennes, c’est un peu comme l’académie de Toulouse, c’est une académie dans laquelle l’école compte énormément, disons qu’elle fait partie des bonnes académies en termes de résultats scolaires », commence-t-il par raconter à l’Opinion Indépendante.
L’école, ça a été un pilier de ma vie […] c’était l’univers de ma mère. D’abord institutrice, puis professeure des écoles, elle a fait beaucoup de maternelle et d’élémentaire donc la classe, l’école, les apprentissages, c’est quelque chose qui avait du sens pour moi et ce, dès le plus jeune âge », confie Karim Benmiloud.
Passionné par la littérature, les langues vivantes, l’histoire-géographique, le latin, la philosophie, Karim Benmiloud a eu envie de poursuivre toutes ses passions « sur un pied d’égalité, comme on peut le faire en classes préparatoires, en CPGE littéraire, donc en Hypokhâgne (première année) et en Khâgne (deuxième année) ». Il a donc été admis au (très bon) Lycée Chateaubriand de Rennes.
Pour la suite, « j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeurs d’espagnol, dont un professeur de classes préparatoires qui a été très inspirant ; grâce à lui, j’ai présenté le concours de l’Ecole normale supérieure (ENS) en Espagnol à Fontenay-Saint-Cloud« , se rappelle-t-il.
Puis de 1997 à 2000 , après un voyage d’un an « coup de cœur » au Mexique, Karim Benmiloud est devenu doctorant à l’Université Sorbonne-Nouvelle (Paris) ; l’époque où il a écrit sa thèse sur la littérature mexicaine, intitulée « Vertiges du roman mexicain contemporain : Salvador Elizondo, Juan Garcia Ponce, Sergio Pitol », sous la direction du professeur et traducteur, Claude Fell.
J’ai eu la chance, comme je dis souvent, à la fois en Bretagne (dans le Morbihan), d’être scolarisé dans un milieu très rural, pour une partie de ma scolarité, avec le ramassage scolaire, la petite école communale… Et de vivre dans de très grandes villes comme Mexico et Le Caire, où j’ai fait les extrémités du spectre, avec Paris au milieu. Ce qui m’a permis de voir la diversité du monde, mais aussi les différents systèmes éducatifs ».
De thésard à (jeune) Professeur des Universités
Après avoir soutenu sa thèse, Karim Benmiloud a été nommé à son premier poste, c’était à Bordeaux-Montaigne, une université dans laquelle il a passé sept ans comme maître de conférences. C’est à 37 ans, qu’il a été promu (jeune) Professeur des Universités sur un poste qu’il a occupé sur une chaire de littérature mexicaine au sein de l’université Paul-Valéry (Montpellier).
En 2010, soit trois ans après, ce chercheur passionné a été nommé président de l’agrégation interne d’espagnol, avant d’être nommé membre junior de l’Institut universitaire de France pour une durée de cinq ans (2011-2016) ; l’occasion, pour lui, de reconnecter avec le second degré, avec tout ce qui relevait du Ministère de l’Éducation nationale.
Autant de responsabilités qui ne l’ont pas empêché de publier des articles dans des revues scientifiques (dont le dernier date de 2022), mais aussi d’encadrer des thèses de doctorat. « À l’heure où je vous parle, j’ai encadré 21 thèses » ; et il lui en reste encore une, parce « je n’ai pas voulu couper avec cette dimension du travail de l’enseignement et de la recherche qui me passionne tant », assure-t-il, celui-ci voulant également respecter ses engagements auprès des doctorant(e)s.
Quand Karim Benmiloud devient recteur de Clermont-Ferrand…
Nouvelle année, nouveau challenge pour le spécialiste de la littérature. En effet, le 22 juillet 2019, Karim Benmiloud a été nommé recteur de l’académie de Clermont-Ferrand. Pourquoi Clermont-Ferrand ? « En général, quand vous êtes nommé recteur pour la première fois, vous êtes nommé sur des petites ou moyennes académies et sur un territoire neutre. », explique-t-il à L’Opinion Indépendante.
Ce qui m’a intéressé dans ces fonctions, c’est la dimension de pilotage et de portage des politiques publiques. Quand vous êtes dans l’enseignement et la recherche, vous êtes plus tourné vers vos étudiants, vers le monde de la recherche et la diffusion du savoir. Quand vous êtes sur des fonctions comme celle de recteur, vous portez des politiques publiques« .
Et pour cause, être recteur, c’est assurer la bonne organisation du temps scolaire, l’application des réformes, la dimension RH (humaine), l’organisation à l’échelle de son académie le concours de recrutement de professeurs des écoles, le repérage des talents pour les chefs d’établissement…
… Puis de Toulouse, le 26 mars 2025, avec les missions qui vont avec
C’est une nomination à discrétion du gouvernement. C’est le ministre, dans son champ de compétences, qui propose au président de la République qu’il signe le décret de nomination. Il faut donc une validation à trois niveaux : un accord à la fois du ministre, de Matignon et du président de la République », fait savoir Karim Benmiloud à propos de sa nomination toulousaine.
Après un passage à Clermont-Ferrand et suite au départ de Mostafa Fourar, Karim Benmiloud a donc été muté du côté de la Ville rose. Depuis le 26 mars 2025, et comme dans toutes les académies, il gère l’ensemble des écoles, des collèges et des lycées de Toulouse, mais aussi des huit départements de l’ex-Midi-Pyrénées : « l’académie de Toulouse, c’est 54.000 agents : des professeurs des écoles, professeurs des collèges et lycées, la vie scolaire, les AED, les CPE, les AESH, les infirmières scolaires, les chefs d’établissement, les corps d’inspection… C’est toute une foule de métiers », relate Karim Benmiloud.
Karim Benmiloud, le nouveau recteur de l’académie de Toulouse, dans son bureau. © Pauline Boucher/L’Opinion Indépendante
1) Les priorités ministérielles
Et de nous révéler les priorités de son poste, dont certaines sont définies par le ministère ou la Ministre de l’Éducation nationale (actuellement Élisabeth Borne). À commencer par faire en sorte que l’égalité des chances soit réelle, que les élèves soient traités de la même façon, avec les mêmes chances de réussite. « C’est un des enjeux principaux » à l’échelle nationale.
Il faut savoir qu’à Toulouse, on a les deux extrémités du système éducatif : un maillage scolaire qui peut être très éparpillé, avec beaucoup d’écoles rurales, de petites structures scolaires et de l’éducation prioritaire d’un côté et du très urbain, avec des très gros établissements, de l’autre ».
Parce que l’actualité des établissements scolaires évolue, « le grand sujet qui nous occupe également beaucoup en ce moment, c’est le contrôle des établissements privés, sous contrat ou hors contrat« .
Sans oublier les nouvelles réformes à mettre en place, dont celle de la formation initiale, c’est-à-dire le recrutement des professeurs à Bac + 3 (au lieu de Bac +5, ndlr). « C’est une grande nouveauté. On est au tout début de cette réforme », nous confie celui qui a été membre du jury de l’agrégation externe d’espagnol de 2005 à 2009.
2) Les priorités personnelles
En tant que « serviteur de l’État », Karim Benmiloud a plusieurs intentions plus personnelles – parce qu’il y a un cahier des charges national à respecter, et puis il y a cette sensibilité que le recteur d’académie peut apporter en tant qu’individu.
Très important pour lui, le recteur a envie de porter le sujet de l’égalité filles-garçons. « Car on a (encore) beaucoup de problématiques, notamment en termes d’orientation et de réussite scolaire », défend-il.
Professeur des Universités littéraire avant tout, il y a un autre sujet que « je porte également très fortement : l’éducation artistique et culturelle. Le rôle de l’école, c’est vraiment d’ouvrir tous les enfants à la culture. D’abord, parce que c’est un facteur d’équilibre, d’épanouissement, et on est là pour favoriser l’équilibre et l’épanouissement des enfants, des élèves, mais aussi parce que c’est un facteur de réussite. » Tel un droit fondamental de l’être humain, l’accès à la culture est donc une des priorités de Karim Benmiloud.
Et troisième point, il concerne « le sport, l’activité physique, et la santé au sens large« , des domaines dans lesquels « on doit progresser, pense le recteur. Il y a presque une rupture anthropologique de ce point de vue-là, avec un risque majeur de santé publique pour les enfants de cette génération. Et l’école doit jouer un rôle primordial dans ce socle qu’elle doit fournir aux élèves ».
S’il se donne plusieurs années pour mener à bien toutes ses missions personnelles comme ministérielles, une chose est sûre : Karime Benmiloud a « reconnecté avec le monde de l’école, et de l’Éducation nationale, » dans lequel il est (même) né.
>> À LIRE AUSSI : Classement des meilleurs lycées : voici le palmarès du Tarn-et-Garonne