« Une procédure qui suit son cours ». Lors du Conseil municipal du 27 mars dernier, le groupe d’opposition AMC a posé une question orale sur le projet d’implantation d’une usine de paracétamol sur l’île d’Empalot, en plein cœur de Toulouse.
Sans réponse à ce jour, les élus dénoncent « une violation explicite du réglement intérieur du Conseil municipal », qui impose une réponse publique à chaque question orale déposée sous quinze jours, et « un manque de transparence sur un projet industriel à risque ».
Un projet d’usine qui suscite des inquiétudes
Portée par la société Ipsophene, la construction de la première usine européenne de production de paracétamol marque une avancée majeure dans la stratégie de relocalisation des médicaments en France.
Soutenu par l’État à hauteur de trois millions d’euros, le projet s’inscrit dans le cadre du plan France 2030, destiné à renforcer l’indépendance sanitaire du pays. À terme, l’usine produira le principe actif du paracétamol, un médicament largement consommé en France.
Malgré les bénéfices économiques et sanitaires mis en avant, le projet d’usine suscite des inquiétudes. En cause : son classement Seveso, un label attribué aux sites industriels présentant des risques majeurs liés à la manipulation de substances dangereuses.
En effet, le site où sera implanté le bâtiment de 5.000 m², sur l’île d’Empalot, en plein cœur de Toulouse, est déjà exploité par ArianeGroup, dont l’usine produit du perchlorate d’ammonium, principal carburant de la fusée Ariane.
Pour mener à bien ce projet, la société Ipsophene a déjà levé entre 28 et 30 millions d’euros auprès d’industriels et de financeurs privées et publics. La Région Occitanie a investi 4,2 millions d’euros en capital, en subventions, en avances remboursables et en prêts participatifs.
L’usine pourrait être installée sur une plateforme de l’ex-groupe SNPE qui a déjà eu des activités de chimie fine pharmaceutique dans le passé, avant l’accident d’AZF, en 2001. Ipsophene viserait un bâtiment qui a été utilisé pendant deux ans.
Avec 3.400 tonnes de paracétamol, l’entreprise pourra répondre à 38 % de la consommation française ou 7 % de celle de l’Union européenne. Jusqu’ici, pour fabriquer le Doliprane, Opella devait se fournir aux États-Unis, en Chine ou en Turquie.
Une consultation publique jusqu’au 4 juillet
Le 27 mars dernier, le groupe d’opposition AMC a demandé à l’exécutif municipal s’il entend rendre un avis favorable à cette nouvelle activité industrielle à risque sur un site déjà classé Seveso haut, en zone inondable, et à proximité de quartiers habités.
Pourtant inscrite à l’ordre du jour, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc n’a pas encore apporté de réponse publique. Contacté par L’Opinion Indépendante, le porte-parole d’Aimer Toulouse Pierre Esplugas-Labatut a apporté quelques précisions.
À ce stade, aucune décision d’implantation n’est prise. La procédure suit son cours. Nous nous prononcerons une fois que tous les éléments techniques et de sécurité seront analysés, au terme de l’enquête publique », a expliqué l’élu.
Avant d’ajouter : « Sur le fond, j’ai tendance à penser que l’on devrait plutôt se réjouir d’un projet porteur d’emploi et de progrès. Or, je constate une fois de plus que les écologistes sont contre une forme d’industrie de la même manière qu’ils sont contre l’avion ».
Pour appuyer ses propos, le porte-parole d’Aimer Toulouse a déclaré « comprendre » les propos du président de Safran Olivier Andriès qui « ne construira pas d’usine dans les villes gérées par des écologistes ».
Début 2024, le groupe parisien a dévoilé son projet d’installer une nouvelle usine à Rennes, pour fabriquer des pièces de moteurs d’avion (des aubages de turbine), aussi bien pour les marchés civils que militaires.
Si le président de Safran salue l’accueil réservé par les collectivités locales, il reproche aux militants écologistes d’avoir vivement critiqué le projet d’implantation et en appelle à la défense de l’intérêt général.
Dans sa question, le groupe d’opposition AMC pointe également la (potentielle) circulation de plus de 2.000 camions de matières dangereuses par an sur le chemin de la Loge, qui devrait être couvert par le Réseau Express Vélo (REV) d’ici 2030.
Sur ce point, Pierre-Esplugas-Labatut est formel : « Nous sommes là dans une forme de technicité à laquelle ni vous ni moi ne sommes en mesure de répondre. Et pas plus AMC ». Pour rappel, une consultation publique est ouverte jusqu’au 7 juillet prochain.
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