Une dynamique de résultats sans précédent. En 2024, la CPAM de la Haute-Garonne a détecté et stoppé 11,98 millions d’euros de fraudes, un chiffre en hausse de 27 % par rapport à 2023. Cette progression, qualifiée de « record », est le fruit d’une stratégie résolument offensive. Pour la direction départementale, le message est clair : « Une lutte contre les fraudes efficace doit intervenir le plus en amont possible, avant que l’Assurance Maladie ne subisse un préjudice plutôt qu’après sa survenue ».
Outre les montants détectés, le préjudice évité (c’est-à-dire les sommes bloquées avant paiement) atteint 4,6 millions d’euros, soit une augmentation de 25 % en un an. Des chiffres qui traduisent une nette montée en puissance des contrôles préventifs.
« 56,3 % des fraudes détectées et stoppées sont commises par des assurés »
Comme pour les années précédentes, les assurés représentent la majorité des fraudeurs. Ainsi, en Haute-Garonne, 56,3 % des fraudes et activités fautives détectées et stoppées en 2024 étaient commises par des assurés, suivis des professionnels de santé (27,7 %), des établissements (15,9 %) et des employeurs (0,2 %). Cependant, « leur impact financier [est] proportionnellement inférieur aux autres fraudes ». Les assurés ne représentaient donc que 19,4 % des montants des fraudes, contre 72,7 % pour les professionnels de santé et 7,8 % pour les établissements.
Professionnels de santé : les dérives ciblées
Longtemps considérés comme marginaux, les comportements frauduleux chez les professionnels de santé se sont imposés comme un enjeu majeur. Comme dit précédemment, en 2024, 72,7 % des montants des fraudes détectés en Haute-Garonne provenaient de cette catégorie d’acteurs, bien qu’ils ne représentent que 27,7 % des cas en nombre.
La fraude aux audioprothèses constitue un exemple révélateur :
Le préjudice détecté et stoppé atteint 1,8 million d’euros en Haute-Garonne, contre 41.440 euros en 2023″, annonce la CPAM.
Les méthodes employées vont de l’usurpation d’identité aux facturations fictives, en passant par l’exercice illégal de la profession.
En réponse, l’Assurance Maladie indique que « le contrôle des demandes de conventionnement de nouveaux centres d’audioprothèses a été renforcé« . Ainsi, ce sont presque 100 dossiers qui ont été refusés en 2024. Par ailleurs, le renforcement des sanctions pénales aussi a été acté, avec 29 procédures engagées dans ce seul secteur.
Arrêts de travail : une vigilance accrue
Les inspecteurs ont aussi été mobilisés pour les fraudes aux indemnités journalières, alors que l’Assurance maladie constate une recrudescence des faux arrêts de travail. Elle observe d’ailleurs la vente en ligne de kits « prêts à l’emploi » comprenant de faux certificats et des bulletins falsifiés.
Résultat : « Les montants détectés au titre des faux arrêts de travail s’élèvent ainsi à près de 427.000 euros en 2024, contre 17.500 euros en 2023″. En conséquence, les assurés fraudeurs ont été ciblés par des sanctions exemplaires, et l’un d’eux s’est même vu notifier un indu de 9.082,15 euros, auquel s’est ajouté « une pénalité financière de 4.128 euros« , précise l’Assurance Maladie haute-garonnaise.
Une stratégie contentieuse renforcée
Face à l’ampleur des dérives, la CPAM de Haute-Garonne indique avoir musclé sa réponse judiciaire :
400 actions contentieuses ont été menées en 2024, contre 151 en 2023″.
Parmi elles, 199 procédures pénales ont été engagées, dont 140 signalements au procureur. Les sanctions administratives quant à elles n’ont pas été en reste :
157 pénalités financières ont été notifiées en 2024, soit le double de 2023, pour plus d’1,5 million d’euros. »
Le tout dans un cadre pénal durci, au sein duquel une pénalité plafonne désormais à 300 % du préjudice.
Les centres de santé dans le viseur
Au cours de l’année écoulée, les centres de santé n’ont pas été épargnés : 12 établissements dentaires et un centre d’ophtalmologie ont été contrôlés en Haute-Garonne, avec 260.342 euros de fraudes stoppées. À l’échelle nationale, ce sont 30 centres qui ont été déconventionnés, dont 25 dans le cadre de task forces visant les réseaux organisés.
Désormais, lorsque la fraude est avérée, c’est l’ensemble des centres du réseau qui est visé par des déconventionnements massifs », complète l’Assurance Maladie.
Cette dernière précise qu’une grande partie de la progression des résultats « provient des contrôles sur la double facturation des mêmes soins ». Ces derniers ont alors permis de détecter et de stopper 935.000 euros de préjudice financier en Haute-Garonne en 2024, contre 543.000 l’année précédente.
Une nouvelle ère de lutte contre les fraudes numériques
La grande nouveauté de 2024 réside dans la lutte contre les escroqueries numériques, avec la création de six pôles interrégionaux d’enquêteurs judicaires (PIEJ). Dotés de pouvoirs étendus, ces agents peuvent « enquêter sous pseudonyme, infiltrer des réseaux frauduleux et intervenir le plus en amont possible ».
Ces équipes ont d’ailleurs déjà traité des dossiers sensibles, comme un « trafic de fausses ordonnances » pour des anticancéreux, ou encore des cas de « fraude à l’identité » sur fond de faux documents et de phishing (ou hameçonnage).
Ainsi, la guerre contre les fausses ordonnances passe aussi par des solutions numériques. Le téléservice ASAFO-Pharma permet par exemple aux pharmaciens de signaler les documents suspects.
En l’espace de sept mois depuis le 1er août 2024, 7.300 suspicions de fausses ordonnances ont déjà été transmises (349 en Haute-Garonne) », précise la CPAM.
À cela s’ajoute la montée en puissance des ordonnances numériques (56 millions déjà créées) et la généralisation prévue des Cerfa sécurisés pour les arrêts papiers, dotés d’hologrammes et de QR codes.
Une dynamique qui s’appuie aussi sur les assurés
L’un des piliers de cette nouvelle stratégie repose sur la mobilisation des assurés eux-mêmes. Ainsi, le compte Ameli permet désormais de signaler un acte suspect, et bientôt chaque assuré recevra un e-mail à chaque remboursement effectué à son nom.
L’objectif est alors de responsabiliser chacun face aux dérives :
L’Assurance Maladie encourage tous les assurés à une vigilance accrue, notamment par la consultation régulière des relevés de remboursements. »
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