Une prouesse technologique inédite. À Agen, le 27 mai dernier, Alpha Impulsion a marqué l’histoire de la propulsion spatiale. En allumant avec succès le plus grand moteur-fusée autophage jamais conçu, la start-up toulousaine a démontré la viabilité d’un système qui, jusqu’ici, relevait presque de la science-fiction. Pendant 17 secondes, le moteur a fonctionné à plein régime, validant la combustion de son fuselage combustible (une spécificité de cette technologie de rupture).
Dans un moteur autophage, ce n’est pas seulement le carburant qui brûle, mais également la structure même de la fusée.
Le véhicule progresse en se consumant lui-même à la manière d’une bougie », explique la start-up.
Résultat : une charge utile augmentée et un engin plus léger à l’arrivée. Si le banc d’essai a connu quelques avaries mineures (notamment sur la protection thermique des équipements électroniques) le test reste un véritable succès. Étanchéité, tenue à la pression, combustion, insertion du fuselage combustible : tout a fonctionné comme prévu.
Banc d’essai. © Alpha Impulsion
Une ambition européenne assumée
Derrière cette réussite, il y a l’engagement d’une équipe réduite mais audacieuse, qui évolue en dehors des grands circuits financiers habituels.
Je suis extrêmement fier de mon équipe pour avoir atteint ce milestone si décisif. […] Je pense que ça montre bien que l’Europe n’a pas encore dit son dernier mot dans la course à l’innovation, en tout cas en propulsion spatiale », déclare Marius Celette, cofondateur et PDG de la start-up.
Fondée en 2022 à Toulouse et Turin par Marius Celette, Vincenzo Mazzella, Lisa Buxton et Martin Gros, Alpha Impulsion a pu compter sur le soutien du CNES via quatre contrats institutionnels. Ces appuis ont permis d’initier une première campagne d’essais dès 2023, posant les bases de l’essai de mai 2025.
L’équipe d’Alpha Impulsion. © Alpha Impulsion
Un moteur qui consomme sa propre structure
La propulsion autophage ouvre des perspectives inédites dans le spatial. En remplaçant les réservoirs classiques par une structure qui sert elle-même de carburant, Alpha Impulsion bouleverse les règles du jeu.
Le système permet un gain de performance impressionnant. En remplaçant les réservoirs et la structure par plus de carburant, on peut gagner jusqu’à 40 % de charge utile supplémentaire, et on divise les coûts de production par cinq », précise Lisa Buxton, directrice produit.
En clair, une mission coûteuse avec une fusée conventionnelle pourrait, grâce à cette technologie, devenir beaucoup plus abordable, tout en offrant des performances accrues. Une promesse qui séduit déjà les acteurs du spatial.
Opération de remplissage. © Alpha Impulsion
Des projets concrets et des ambitions claires
Alpha Impulsion ne compte pas s’arrêter à cet exploit technique. L’entreprise développe actuellement deux produits phares : Opale, destiné à la propulsion de satellites, et Grenat, un futur lanceur léger. Les premières pièces d’Opale sont en cours de fabrication, avec un essai prévu avant fin 2025 et une campagne de qualification dès 2026.
Pour appuyer cette stratégie, la start-up a par ailleurs récemment intégré le Space Business Catalyst, l’incubateur de Thales Alenia Space. Une collaboration qui devrait renforcer son accès à des infrastructures de pointe, et ainsi accélérer son développement commercial.
Vers une nouvelle ère du lancement spatial ?
L’objectif à long terme d’Alpha Impulsion est limpide : « capitaliser sur ses compétences techniques, industrielles et commerciales de motoriste pour développer Grenat, un lanceur orbital ». Ce lanceur ambitionne une révolution économique : diviser par dix le coût de lancement des petits satellites. Un défi très stratégique alors que le marché mondial des satellites connaît une croissance exponentielle.
La première campagne commerciale est attendue à l’horizon 2028. Si les délais sont tenus, Alpha Impulsion pourrait s’imposer comme un acteur majeur d’une nouvelle génération de propulsion spatiale, à la fois plus écologique, performante et économiquement viable. Et si l’Europe retrouvait, grâce à elle, un nouveau souffle dans la conquête de l’espace ?
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