Avec 38°C attendus cette deuxième semaine de juin, l’enjeu de la chaleur en ville n’aura pas échappé aux Toulousains, ni au reste des citadins. En France, près de 80 % de la population vit en ville. Cette concentration humaine et de bâtiments rend les zones urbaines particulièrement sensibles aux effets du changement climatique, notamment en matière de chaleur. Les villes comme Toulouse, qui conjuguent densité, bitume et faibles surfaces végétalisées, subissent de plein fouet un phénomène bien connu des climatologues : l’îlot de chaleur urbain (ICU). Ce phénomène, essentiellement nocturne, se traduit par des températures en ville significativement plus élevées qu’en périphérie rurale.
Les matériaux des bâtiments et des surfaces urbaines emmagasinent l’énergie solaire le jour et la restituent à l’atmosphère urbaine une fois le soleil couché », explique Météo-France.
Résultat : l’air se rafraîchit beaucoup moins la nuit en ville. Cette chaleur persistante complique la récupération des organismes après des journées déjà caniculaires, constituant alors un enjeu de santé publique.
Fontaine du Square Charles-de-Gaulle. © Paolatoulousina/Flickr
Climat toulousain : une tendance globalement chaude
Selon Pierre Bonnin, climatologue à Météo-France, les prévisions saisonnières à trois mois révèlent « une tendance plus chaude que la normale probable » pour l’été à venir. Il précise :
On estime qu’on a une chance, je ne sais pas si c’est une chance, mais une probabilité sur deux, d’être au-dessus de la normale pour ce trimestre-là. »
L’Occitanie, et Toulouse en particulier, ne font pas exception à cette dynamique globale. Les températures estivales de la ville sont en moyenne supérieures à celles des décennies passées, en partie à cause du changement climatique.
Le changement climatique, dans ce genre de situation, a tendance à prendre le pas sur les effets de la circulation atmosphérique générale », détaille le climatologue à L’Opinion Indépendante.
© Insee
La menace est particulièrement pressante pour l’Occitanie, où « un réchauffement de 1,8°C a déjà été constaté sur la période 2001-2020 par rapport à la période 1901-1920″, supérieur au réchauffement moyen observé à l’échelle du globe (1,59 °C). En tant que première région agricole de France, la multiplication des sécheresses (qui pourraient augmenter de 25 % d’ici la fin du siècle, selon le GIEC) constitue une problématique centrale. Ce sont alors plus de 64.000 exploitations réparties sur 3,1 millions d’hectares de surfaces agricoles qui sont aujourd’hui gravement menacées.
Sans compter l’augmentation et l’intensification des inondations, dont le Sud-ouest a déjà fait les frais il y a de cela quelques semaines…
Des étés plus longs, plus chauds, plus fréquents
D’après les données de Météo-France, les vagues de chaleur sont devenues un phénomène récurrent.
Il y a eu quatre fois plus de vagues de chaleur ces 38 dernières années que les 38 précédentes », note l’institution.
À l’avenir, la situation n’ira pas en s’arrangeant : la France pourrait connaître une augmentation de +4 °C d’ici 2100, si les politiques actuelles d’émissions de gaz à effet de serre ne changent pas.
Les vagues de chaleur seraient plus nombreuses, plus longues, plus intenses et plus sévères », prévoit Météo-France.
Et dans une France à +4 °C, la tristement célèbre canicule de 2003 ferait presque figure d’anecdote…
L’ICU, une réalité même dans les villes moyennes
Météo-France confirme que toutes les villes sont concernées par l’ICU, même si son intensité dépend de plusieurs facteurs entre morphologie urbaine, densité de bâti, matériaux utilisés ou encore présence de végétation. Et Pierre Bonnin précise même : que l' »on peut avoir des îlots de chaleur urbains pas forcément dans des très grandes villes ».
À partir du moment où on va avoir du béton, de la brique et pas suffisamment de végétation, on peut avoir un îlot de chaleur un peu partout. »
En journée, l’îlot de chaleur urbain de Toulouse peut prendre une forme allongée, modulée par la direction du vent prédominant. © AUAT
Mais il insiste aussi sur les leviers d’atténuation :
S’il y a beaucoup de parcs, de jardins, ou si les bâtiments sont relativement aérés, l’accumulation de chaleur se fait un peu moins. »
La végétalisation massive est donc une des réponses clés, tout comme le choix de matériaux mieux réfléchissants ou encore la désimperméabilisation des sols.
L’Université Toulouse Capitole s’apprête à lancer la désimperméabilisation de son parking principal. Ici un croquis de l’ambiance souhaitée. © Atelier CAP
La Ville rose à l’épreuve de la chaleur
Si Toulouse n’est pas Paris, elle n’est pas pour autant épargnée. La ville a d’ailleurs pris le sujet très au sérieux en mettant en œuvre un plan de 30 actions d’ici 2030 pour rafraîchir la ville. Parmi les mesures déjà visibles : la plantation de 75.000 arbres en cinq ans, la création de nouveaux espaces aquatiques et l’installation d’ombrières urbaines qui, en 2023, ont permis d’abaisser localement la température jusqu’à 5 °C.
Les arbres plantés lors de la rénovation de la rue de Metz l’ont été selon le principe des tranchées de Stockholm, qui favorise la récupération des eaux de pluie. © Toulouse Mairie – Métropole
Pour s’adapter, Météo-France distingue ainsi trois types de solutions :
- Vertes, fondées sur la nature (végétalisation, plans d’eau) ;
- Grises, concernant les infrastructures (matériaux, mobilier urbain) ;
- Douces, basées sur les usages (réduction du trafic, climatisation raisonnée).
À Toulouse, c’est un cocktail de ces trois approches qui est aujourd’hui testé. Et pour accompagner les élus, l’Ademe met à disposition la plateforme numérique « Plus fraîche ma ville », destinée à promouvoir les bonnes pratiques.
Face aux projections peu réjouissantes, une chose est sûre : le climat urbain devient un enjeu central de la politique locale. À Toulouse comme ailleurs, adapter la ville à la chaleur est un défi climatique, mais aussi sanitaire et social. Car ce sont souvent les populations les plus fragiles qui trinquent les premières en cas de surchauffe. Pour anticiper demain, il faut donc agir aujourd’hui.
La connaissance du climat urbain est un enjeu majeur pour rendre les villes plus résilientes. »
>> À LIRE AUSSI : En 2025, Toulouse poursuit son ambition pour rafraîchir la ville