Une invitation à ralentir. Depuis plus de deux décennies, le Marathon des mots transforme la métropole toulousaine en agora vibrante, où la littérature s’écoute, se partage, se vit. Cette année encore, le festival convie auteurs, artistes et lecteurs à ralentir, à réfléchir ensemble. Dalia Hassan et Serge Roué, aux manettes du festival, l’écrivent sans détour :
Le Marathon des mots n’est pas une course contre la montre, mais une invitation à ralentir, à écouter, à lire et à penser ensemble. »
La programmation 2025 reflète cette ambition. En donnant la parole aux écrivains venus d’Europe, des États-Unis ou du bassin méditerranéen, le Marathon des mots creuse son sillon singulier : « À travers chaque rencontre, chaque texte lu, c’est un lien singulier qui se tisse entre les écrivains, les artistes et le public ».
Le monde sous la loupe littéraire
Crises climatiques, tensions géopolitiques, mutations sociétales… Le monde d’aujourd’hui ne manque pas de matière pour la littérature. Le festival s’en empare avec un sens aigu de l’actualité, comme en témoigne le cycle « Est-Ouest ». Comment renouer le dialoguer entre deux pôles géopolitiques qui semblent « tout prêts de se déchirer comme aux pires heures du XXe siècle » ? En posant les mots sur les maux, les auteurs invités éclairent notre époque.
Le Russe Filipp Dzyadko, avec Radio Vladimir, donne la parole à une dissidence muselée. Le Letton Jānis Joņevs propose Tigre, recueil d’histoires absurdes post-soviétiques. En miroir, Benjamin de Laforcade nous plonge dans l’Allemagne de l’Est avec Berlin pour elles, et l’Américain Justin Torres fouille les archives queer effacées dans Blackouts, récompensé par le National Book Award.
Justin Torres, né en 1980 à New York, s’est imposé comme l’une des voix majeures de la littérature américaine contemporaine. Son premier roman, We the Animals (2011) a connu un grand succès critique et a été adapté au cinéma en 2018. © JJ Geiger
Hommages et mémoire vive
Cette 21e édition sera également marquée par une série d’hommages vibrants. Maryse Condé, disparue en 2024, est célébrée dans une création portée par les comédiennes Astrid Bayiha et Marie Razafindrakoto. « Voix majeure de la littérature mondiale », l’autrice guadeloupéenne laisse une œuvre traversée par l’histoire, la mémoire et l’identité.
Marie Razafindrakoto lira La vie sans fards de Maryse Condé le 28 juin à l’Espace Jack-Roubin de Fenouillet. © Lisa Lesourd
Autre moment fort : les lectures de correspondances à la Chapelle des Carmélites, qui donneront à entendre les voix de Sarah Bernhardt, Marlene Dietrich ou Françoise Sagan. Car comme le rappelle le président de l’association, Olivier Poivre d’Arvor :
Notre monde est en crise, le chaos succède au chaos. […] Alors tenons, tenons bon, pour que […] le Marathon des mots continue à faire des étincelles et à porter haut les mots des écrivains. »
La relève en scène
Du côté de la jeune génération, le Marathon n’est pas en reste. Le festival accueille pour la première fois de jeunes auteurs à peine primés. Simon Chevrier, tout frais lauréat du Goncourt du premier roman, fera ses débuts avec une lecture inédite de Photo sur demande. Un précieux tremplin pour « permettre à de jeunes auteurs, lauréats ou non, de faire leurs premiers pas sur la scène littéraire ».
De même, le cycle « Écrivains du réel », en partenariat avec la Scam, donne la parole à des auteurs engagés, dont Fabrice Arfi, Adèle Yon et Patricia Tourancheau. Ils incarnent une écriture « au plus près du réel », entre journalisme, faits divers et tragédies contemporaines.
Normalienne et chercheuse en études cinématographiques, Adèle Yon est l’autrice de Mon vrai nom est Elisabeth, qui mêle enquête familiale, récit de soi, road-trip et essai. © Charlotte Krebs, Julliard
L’Occitanie en lettres capitales
Fidèle à ses racines, le Marathon met aussi à l’honneur la scène littéraire d’Occitanie. Jean-Baptiste Del Amo, Pascal Dessaint, Baptiste Beaulieu ou Élise Costa porteront leurs mots aux quatre coins de la métropole. Et pour les lève-tôt, des matinées littéraires animées par les étudiants du Master Création littéraire de l’Université Toulouse Jean-Jaurès se tiendront à la librairie Ombres blanches.
Médecin généraliste et romancier toulousain, Baptiste Beaulieu s’est notamment fait connaître avec son blog Alors voilà. Il milite activement contre le racisme, le sexisme et l’homophobie dans le milieu médical. © Lucile Boiron
Comme le souligne le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc :
À travers la parole des auteurs du monde entier et par la force de la littérature et de l’imagination, le Festival international de littérature toulousain nous permet […] d’écouter, de lire et d’observer pour mieux comprendre le monde. »
Les lettres en musique
Le Marathon, c’est aussi des créations hybrides où les mots se mêlent à la musique. Citons Le Feu au cœur, fruit d’une collaboration entre Cali, Didier Goupil, Augustin Charnet et Mathilda, autour des lettres d’amour de Nicolas de Staël. Ou encore Tous les jours, Suzanne, un récit épistolaire de La Grande Sophie, décliné en spectacle intime. Et bien sûr, L’espion qui venait du froid de John Le Carré, lu par Pierre Rochefort et accompagné du duo Puce Moment.
Acteur et chanteur français, Pierre Rochefort a été nommé aux Césars dans la catégorie du Meilleur espoir masculin en 2015 pour le film Un beau dimanche. © Nabil Abouda
Une flamme qui ne faiblit pas
Qu’il s’agisse d’écrire l’intime, d’interroger la mémoire ou de décrypter l’actualité, le Marathon des mots ne se contente pas de faire entendre des voix : il crée des rencontres, ouvre des fenêtres, éclaire les marges. Son secret ? Peut-être ce mélange unique de rigueur littéraire et d’ambiance chaleureuse, de débats pointus et de plaisirs partagés.
Le festival é été créé en 2005 par Olivier Poivre d’Arvor, et est aujourd’hui programmé et dirigé par Serge Roué et Dalia Hassan. © DR
Comme le résume Philippe Wahl, PDG du groupe La Poste, partenaire historique :
En deux décennies, ce festival hors du commun est devenu un rendez-vous littéraire majeur. […] Par la diversité du parcours qu’il propose, le Marathon des mots sera, comme chaque année, une fenêtre ouverte sur l’histoire qu’écrit notre monde. »
Rendez-vous est pris. À vos agendas, à vos livres, à vos billets !
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