Dans un monde où tout s’accélère, le Festival Convivencia choisit de ralentir. Depuis 29 ans, ce rendez-vous estival sillonne les eaux du canal du Midi à 5 km/h, transformant une péniche de 30 mètres en scène flottante. Du 28 juin au 21 juillet, l’édition promet une nouvelle traversée vibrante d’émotions, de sons venus d’ailleurs, et de rencontres humaines au fil de 14 escales occitanes. Une façon douce et joyeuse de célébrer la musique du monde et de construire des ponts là où d’autres dressent des murs.
Le festival débutera à Montech (Tarn-et-Garonne) le 28 juin. © SBENSIZERARA
Un voyage artistique au fil de l’eau
Convivencia ne se contente pas de programmer des concerts : elle tisse un véritable récit, chaque escale étant un chapitre où se rencontrent les patrimoines culturels, les récits d’exil, les luttes et les espoirs du monde entier. Cette année, « la 29e édition met en lumière des voix puissantes », soulignent les organisateurs, à commencer par celle de Christine Salem. Figure emblématique de La Réunion, elle transforme le maloya en cri de liberté, portée par un quintette exclusivement féminin.
Christine Salem sera accompagnée de Fanny Lasfargues (basse), Anne-Laure Bourget (percussions), Héloïse Divilly (batterie) et Mathilda Haynes (guitare). © Alexandre Lacombe
Autre moment fort : la présence de Sara Curruchich, première artiste maya à rayonner sur la scène internationale.
Sa musique et celle de ses musiciennes emportent les luttes et la résistance de son peuple. »
Sara Curruchich est née dans une communauté kaqchikel de la région des hauts plateaux du Guatemala. © Sandra Sebastian
Le Palestinien Bashar Murad, figure de la pop engagée, promet un live intense mêlant « résistance et amour », et porté par un message fort sur l’égalité des genres.
Le voyage musical se poursuivra avec Kolinga, Rita Rita, Fleuves ou encore Aïtawa, qui incarnent chacun à leur manière un patrimoine vivant, en mouvement, enraciné mais tourné vers demain. Car « ce festival est une invitation à la rencontre et à la réflexion, un espace où ralentir nous permet de nous retrouver, d’écouter et de rêver ensemble ».
Toulouse au cœur du tempo
Escale-phare du Convivencia, Toulouse accueillera les 3 et 4 juillet plusieurs temps forts. Côté musique, les festivités débuteront avec le trio genevois Roshâni, composé de Roxane Dumont (chant), Inès Mouzoune (basse et clavier) et Yavor Lilov (batterie). Ensemble, ils créent une « pop électronique » infusée de différentes cultures, avec des paroles tant en farsi (persan iranien) qu’en espagnol et en français.
Le trio s’inspire de rythmes venus du monde entier, tantôt rock ou disco orientale, tantôt cumbia psychédélique ou dem bow caribéen. © Laureat Bakolli
Suivra le DJ Aziz Konkrite en featuring avec le percussionniste Walid Rakik pour une ambiance à la croisée des sonorités Chaâbi, Aïta, Raggada, Amarg et Gnaoua.
Place à Christine Salem le vendredi, décrite comme « la diva du maloya » pour une soirée exceptionnelle, conclue par le groupe breton Fleuves.
En plus de ces pépites musicales, l’escale toulousaine comprendra tables rondes et balades. Organisée en partenariat avec l’AFAHC Occitanie, un premier moment questionnera « la place de l’arbre dans la ville » en présence de spécialistes de la biodiversité et sera suivie d’une promenade commentée du Bassin des Filtres jusqu’au Port de l’Embouchure, berceau du festival.
À quelques encablures de Toulouse, à Ramonville-Saint-Agne, le SMA (Syndicat national de la filière des Musiques Actuelles) célèbrera ses 20 ans le 1er juillet. Au programme : un plateau d’exception avec le rappeur palestinien Shamaly, en résidence depuis cinq mois, Bashar Murad et un DJ set de La Louuve. Une soirée haute en couleurs qui mettra à l’honneur la culture palestinienne, avec comme fil rouge cette question essentielle : « Comment s’engager aux côtés d’artistes en zone de conflit ? ».
© SHAMALY (YouTube)
Des actions culturelles au long cours
Convivencia, ce n’est pas qu’un alignement de concerts. C’est aussi un puissant levier d’inclusion culturelle, sociale et générationnelle. L’initiative « Des Histoires en Musiques », par exemple, sort les résidents d’EHPAD de l’isolement en créant des ponts entre artistes et écoles de musique locales. Les jeunes ne sont pas en reste, grâce à Radio Convivencia, qui leur permet d’interviewer les artistes, de découvrir les métiers de la radio et d’explorer le patrimoine fluvial.
Chaque année, le festival anime sa propre émission de radio, enregistrée en direct depuis les berges du canal. © Miss Jena
Le programme « Voix d’Eaux », quant à lui, porte la voix des personnes en situation de handicap. Des ateliers de chant menés par l’artiste Gérald Toto sur deux ans donneront naissance à une brigade vocale aquatique pour les 30 ans du festival.
L’art de la lenteur, la force de l’engagement
Ce qui fait la singularité du Festival Convivencia, c’est son ancrage dans une démarche de transition écologique, sociale et artistique. « Le festival est le seul en France à compter dans son équipe un capitaine et deux matelots », rappelle l’équipe, non sans humour. Mais derrière cette navigation poétique, il y a des engagements concrets : alimentation locale et végétarienne avec la « Foodivencia », buvettes en circuit court, mobilier réutilisable, sensibilisation aux violences sexistes, égalité femmes-hommes, mobilité douce…
En 2025, trois « convois à vélo » collectifs seront organisés, et le retour collectif après les concerts deviendra un rituel éco-responsable. « À la fin des concerts, départ collectif accompagné par les bénévoles Convivencia jusqu’à l’arrêt de transport le plus proche », précisent les organisateurs.
Trois parcours vélos seront proposés cette année, dont un entre Toulouse et Montech les samedi 28 et dimanche 29 juin. © Miss Jena
Un horizon de sons et de sens
Festival citoyen, nomade, festif, mais aussi profondément politique au sens noble du terme, Convivencia n’a jamais cessé de relier les gens, les cultures, les histoires. Son ambition ? « Travailler avec des artistes venu·e·s d’ailleurs, ce n’est pas seulement un acte de solidarité : c’est ouvrir des espaces de rencontre, faire dialoguer les imaginaires, et contribuer à une création plus vivante, plus libre, plus connectée au monde. »
Avec ses 14 escales, ses 400 kilomètres de navigation, ses dizaines d’artistes venus des quatre coins du globe et ses milliers de festivaliers, Convivencia 2025 s’annonce comme une édition où le mot « partage » prendra tout son sens. Rendez-vous sur les berges, casque sur les oreilles ou verre de vin local à la main. Car ici, on prend le temps.
Au total, le festival fera deux escales dans le Tarn-et-Garonne, six en Haute-Garonne, cinq dans l’Aude et une dans l’Hérault. © C. Vidal
>> Infos pratiques :
L’escale du festival Convivencia à Toulouse aura lieu les jeudi 3 et vendredi 4 juillet, au Port de l’Embouchure.
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