Mobilisation citoyenne en gare de L’Isle-Jourdain. Les habitants du Gers ne comptent pas regarder passer le train sans réagir. Alors que la ligne ferroviaire reliant Auch à Toulouse est menacée de fermeture, la mobilisation s’organise. À l’initiative de la Plateforme Citoyenne Lisloise (PCL) et de L’Isle Jourdain en Transition (LIJET), un appel est lancé à toutes les forces vives du territoire : usagers, travailleurs, lycéens, étudiants, associations, entreprises, élus… tous sont invités à se rassembler le vendredi 20 juin à 17h48 devant la gare de L’Isle-Jourdain.
Cette ligne SNCF est vitale pour les usagers et notre territoire. Sous le joug d’une dérogation qui, si elle n’était pas levée, peut entraîner la fermeture de la ligne. Elle doit perdurer ! » alertent les organisateurs dans un communiqué commun.
Leur ambition est de peser sur les décideurs en montrant que la ligne Auch-Toulouse n’est pas un vieux souvenir ferroviaire, mais une nécessité quotidienne.
Quatre millions d’euros en jeu
Ce combat est aussi une bataille financière. En cause : les quatre millions d’euros nécessaires à la levée de la dérogation qui menace la ligne. Cette somme doit être débloquée conjointement par la Région, l’État et SNCF Réseau. Mais selon les mobilisés, les garanties manquent cruellement.
Nous demandons la garantie que les 4M€ nécessaires aux travaux urgents soient bien disponibles par les cofinanceurs », exigent les collectifs PCL et LIJET.
Ils appellent aussi à plus de transparence :
Une réunion du Comité de ligne dédié aux usagers est nécessaire pour discuter en transparence du risque de fermeture et de la ligne en général. »
Des annonces régionales jugées insuffisantes
Du côté des politiques, La France Insoumise du Gers (LFI 32) monte également au créneau. Dans un communiqué publié début juin, le mouvement dénonce (en réaction aux déclarations de Carole Delga du 26 mai) un manque de clarté et un jeu d’annonces peu rassurant autour du financement.
« La Région, qui s’était initialement engagée pour 14,4 millions d’euros sur 18 millions d’euros programmés, ne s’engage désormais que pour 2,67 millions sur 4 millions d’euros. (…) Ce n’est plus un projet, c’est un tour de passe-passe comptable ! » fustige LFI 32, accusant les pouvoirs publics de noyer le débat dans des chiffres changeants.
Et d’ajouter :
Rien, absolument rien, dans nos précédents constats n’a été contredit, preuve que nous avions visé juste. Mais justement, le sujet est bien trop important pour être noyé dans des déclarations en pointillés. »
Un désengagement budgétaire pointé du doigt
Le parti insoumis va plus loin, en appelant l’État à assumer ses responsabilités. Il rappelle que deux parlementaires (le député Hadrien Clouet (LFI) et le sénateur socialiste Franck Montaugé) ont déjà interpellé le ministre des Transports sur le sujet fin mai.
LFI 32 tacle aussi ouvertement le député Jean-René Cazeneuve :
Il a été de 2017 à 2024, le grand artisan du désengagement budgétaire de l’État vis-à-vis des collectivités… Il connaît donc très bien le mode d’emploi pour ne pas payer. »
Des effets d’annonce jugés irréalistes
Autre point de crispation : la proposition de reclasser la ligne comme « réseau structurant », une idée avancée par la présidente de Région Carole Delga. Pour les Insoumis, cette démarche ne repose sur rien de concret :
Ce serait effectivement bénéfique mais est aujourd’hui irréaliste. (…) Aucun projet justifiant une telle demande, par exemple relier Auch à Agen, ou encore Mont-de-Marsan ou Tarbes, n’a été présenté, ni même envisagé. »
Pire : « La situation actuelle met surtout en lumière l’abandon du ferroviaire dans le Gers et ailleurs, et il est temps que ça change ! »
Des choix régionaux sous le feu des critiques
LFI 32 ne manque pas non plus d’épingler les grands projets d’infrastructure régionaux qui grèvent, selon eux, les marges financières disponibles pour des lignes comme Auch-Toulouse :
RN 124 sans la moindre étude en intermodalité ferroviaire, la future LGV à plusieurs milliards, L’A69 projet ruineux, inutile, imposé et destructeur de l’environnement. Et pendant ce temps-là, notre ligne Auch-Toulouse rame pour survivre. »
Au-delà des querelles techniques ou budgétaires, les défenseurs de la ligne rappellent ce qui est en jeu : un vrai projet global pour le territoire. La ligne Auch-Toulouse pourrait (et devrait), selon eux, devenir une colonne vertébrale d’une mobilité durable et accessible à tous.
Nous œuvrons dans ce sens : cadencement plus élevé, des trains de 5h à 22h, des directs, des horaires de connexion appropriés, des connexions en intermodalité… bref un projet gersois global de mobilités pour tous. »
Et de conclure :
Le train, ce n’est pas qu’un sujet technique, c’est une question de service public, d’écologie, de justice sociale et territoriale. »
Pour le moment, le Gers ne compte qu’une ligne de train, celle reliant Auch à Toulouse. © Réseau liO
« Petites lignes, grandes causes »
De son côté, la Région a réaffirmé sa volonté de ne pas délaisser les petites lignes occitanes, dont près de 1.000 km seraient menacés d’ici 2032 sur le territoire. Dans une conférence de presse datée du 11 juin, la présidente de Région revendiquait une mobilisation constante en faveur du ferroviaire, dans un contexte qu’elle juge marqué par le désengagement de l’État. Carole Delga rappelait que « depuis 2008, nous avons investi près de 900 millions d’euros pour sauvegarder un réseau appartenant à l’État. Aujourd’hui encore, une ultime enveloppe d’urgence est mobilisée pour préserver des lignes essentielles et empêcher leur fermeture (Toulouse-Auch, Quart Nord-Est toulousain, Nîmes-Alès, Nîmes-Le Grau du Roi, etc.) ».
Pour la seule ligne Toulouse-Auch, la Région prévoit d’engager 4,5 millions d’euros supplémentaires d’ici 2027, dans un effort de sauvetage des dessertes fines du territoire. Une somme qui s’ajoute aux 71,9 millions d’euros déjà investis depuis 2008, représentant 70 % du montant engagé pour la ligne gersoise.
Carole Delga était présente le 11 juin à Montpellier, aux côtés de Jean-Luc Gibelin, vice-président en charge des transports et membre du groupe Communiste Républicain et Citoyen, pour présenter ses propositions. © Maxime Alessandrini – Région Occitanie
Appel à un « New Deal ferroviaire »
La Région insiste aussi sur la nécessité de réformer en profondeur le financement des transports. Elle rappelle que les Régions supportent aujourd’hui la majorité des dépenses pour entretenir un réseau dont l’État est pourtant propriétaire. À l’image de ce qui avait été fait en 2022 (mais resté lettre morte), Carole Delga propose un « new deal ferroviaire » de 100 milliards d’euros sur dix ans, cofinancé par l’Europe, l’État, la SNCF et les collectivités locales. Elle appelle également à flécher de nouvelles recettes vers le rail, comme une part des quotas carbone européens ou une écotaxe sur les transports routiers internationaux.
Le rail est un pilier de notre souveraineté, de notre cohésion, de notre transition écologique. Il est temps de lui redonner sa juste place dans notre stratégie nationale », plaide-t-elle.
La Région a lancé le 11 juin une pétition « pour défendre chaque kilomètre de voies ferrées sans distinction ». © Région Occitanie
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