Retraité des terrains depuis 2017 et du ballon rond – recruteur puis coordinateur sportif, toujours au Toulouse FC – il y aura bientôt cinq années, Pantxi Sirieix (45 ans) vit une reconversion réussie : conseiller patrimonial pour Le Conservateur. « Je vais boucler ma troisième année. Franchement, je me régale dans ma seconde vie : tout est basé sur le relationnel, la confiance. Pour rien au monde je ne reviendrais dans le football. Je suis sur Toulouse et j’ai mes parents au Pays basque. » Ce qui n’empêche pas le milieu formé à Auxerre (où il évolua jusqu’en 2004 avant de rejoindre les bords de Garonne) d’ouvrir bien volontiers la boîte à souvenirs sur ses treize saisons joueur dans la Ville rose. Une rareté. Échange passionné, passionnant, passionnel.
Pantxi, on est en plein dedans. Racontez-nous ce fameux Père Noël secret sous Alain Casanova !Alors, ça se passe la première année de Casa, hiver 2008-2009. L’anecdote est facile à dater car c’est « Carrass » (Cédric Carrasso) qui avait ramené la tradition si on peut dire de Marseille d’où il venait d’être transféré. Le principe est que chacun devait acheter un cadeau – sous dix jours, de préférence humoristique – à un coéquipier ou un membre du staff tiré au sort en amont. Par contre, naturellement, l’heureux récipiendaire ignorait de qui venait le présent.
Donc, Gignac tire Bergougnoux…Exactement. Le Jour J, à la fin de l’entraînement, chacun dépose son paquet en douce à l’étage du Centre technique, dans la salle de détente où on faisait à l’époque les séances vidéo. Enfin, en douce, pas pour Dédé qui arrive avec une sorte de caisse qui bouge ! Il ne pouvait pas passer inaperçu… Survient le tour tant attendu, ainsi, de Bryan qui ouvre : et là, c’est un petit cochon qui sort de la cage ! Tout excité, il s’échappe et détale partout : la folie dans le vestiaire, vous imaginez sans peine…

Pourquoi un cochon ?Les deux n’arrêtaient pas de se traiter de « gros » vu leur corpulence. Ils étaient costauds : voilà le clin d’œil, tout simplement.
Et qu’est devenu l’animal ?Bryan ne l’a pas gardé, forcément. Juste deux-trois jours puis il l’a donné à quelqu’un, je crois. Et sinon, moi, j’avais tiré Casa ! Je lui ai offert un costume de militaire, un joli treillis kaki. Ça lui allait bien et il avait même fait une conférence de presse avec (sourire).
André-Pierre Gignac, c’est le joueur le plus « fêlé » que vous ayez côtoyé, non ?Ouais, un top gars hyperactif. Ascendant chambreur. Ultra-sérieux sur le terrain, pas du genre à tricher ; toujours dans la déconne en dehors, par contre. Ah, il faisait vivre le vestiaire ! Je me souviens de Carrass encore qui était avec nous depuis pas plus de dix jours. On est en stage de préparation à Luchon dans les Pyrénées comme d’habitude. On fait des petits jeux et en l’espace de dix minutes Dédé lui met deux ou trois saillies du genre : « Oh, tu n’es plus à l’OM, là, hein ? » Après, la première année (2007-2008) n’avait pas été rose pour Dédé. C’est Elmander qui jouait, lui était exilé sur le côté droit. Le club voulait s’en séparer, ça l’avait blessé. Casa saura comment le relancer. Dédé avait du potentiel, tu le voyais : du physique, un vrai pied et, surtout, un mental de malade.
Le plus rigolo, maintenant ?Ben Bryan, il va de soi ! Un supermec, généreux à souhait qui nous faisait mourir de rire avec ses talents d’imitateur. Quand il mimait la petite voix de Lolo Batlles ou, mieux encore, lorsqu’il jonglait comme Diego Maradona en prenant sa cambrure…
« Totof, c’était le boss ! »
Au niveau du charisme ?Il n’y a pas de débat : Christophe Revault, Totof pour les intimes. Quand je suis arrivé en 2004, à mes yeux le boss du club c’était lui. Carrément. Avec sa bouille rassurante, le brassard, il était resté pour guider les Pitchouns. Respect, total. Vraiment quelqu’un qui m’a marqué, oui. Et je dirais exactement la même chose s’il était encore parmi nous (Revault est décédé en 2021 d’une péritonite, ndlr).
Et question tempérament ?Si Mauro Cetto était un compétiteur, Serge Aurier avait énormément d’impact sur l’équipe. Un peu à l’image d’Étienne Capoue. Lorsque Sergio était décidé… il avait horreur de la défaite et il emmenait tout le monde dans son sillage. Lui c’était efficacité-efficacité alors qu’Étienne était plus dans le beau geste, le côté joueur. Serge était arrivé en janvier 2012 et il va faire deux grosses saisons et demie : il ne mesurait pas 1m90 mais il avait des jambes de feu. Il n’arrêtait pas de faire des allers-retours dans son couloir.
Quel coéquipier était le plus facile techniquement ?Wissam (Ben Yedder) sans souci. À l’entraînement je n’étais pas trop dans sa zone. En revanche, en tant que remplaçant, il était souvent en duel avec Aymen (Abdennour) qui à l’époque était une machine physique ; et Wiss lui mettait la misère. Avec son centre de gravité très bas. Waouh : pied droit, pied gauche, contrôle de l’exter, prise de balle… Je me rappelle d’une séance où il avait mis des crochets à péter les reins aux défenseurs. Et à la fin je lui dis : « Tu ne te rends pas compte, mais là, même Benzema ne fait pas ce que tu as fait aujourd’hui. » À vrai dire, il y eut deux Wissam au Tef.
Comment ça ?J’ai en mémoire la trêve 2011-2012 : ça faisait un an et demi que Wissam était avec nous, il ne s’imposait pas ; Casa lui dit que le club va le prêter à Luzenac en National. Et dans sa tête, il dit non. À partir de ce moment-là, il s’est transformé. Il a monté le curseur. Bref, il fallait le piquer. Ensuite, lui trouver une place sur le terrain et tout le mérite en revient à Casa qui a eu le flair. De prime abord, c’était sous le 9 mais cela nécessite de beaucoup courir, se replacer, faire un travail défensif. Il sera intronisé attaquant de pointe avec le succès que l’on sait.
Quel joueur vous a impressionné athlétiquement ?Il y a différentes formes de physique. On en parlait tout à l’heure ; je trouve qu’Étienne Capoue, dans son style, était hyper-complet : grand, il prenait presque tous les ballons de la tête ; il avait un volume de jeu incroyable, une agressivité au max’. Aymen (Abdennour), aussi, en pleine possession de ses moyens, pas mal du tout. Moussa (Sissoko) était un monstre de percussion.
Au fait, ado, vous aviez des posters dans votre chambre ?Ah, moi c’était la grande époque de l’OM : Jean-Pierre Papin et Chris Waddle, le maillot Panasonic. Ce sont eux qui m’ont fait aimer le foot…

Qui est devenu votre pote de vestiaire ?« Douche ». Et de bringues, ça va de pair (rires). Oui-oui, c’est Nicolas Douchez, aujourd’hui entraîneur des gardiens au Havre. On est arrivés ensemble au Tef été 2004. Pour l’anecdote, quand je quitte Auxerre, Lionel Mathis me fait une petite fête surprise deux semaines auparavant. Et Douche arrive avec mon autre copain, David Vandenbossche, formé à l’AJA, avec qui il jouait à Châteauroux. Parce que Douche était prêté à Châteauroux par Le Havre. Et donc, il débarque avec VDB chez Lionel pour mon pot de départ. Je ne le connaissais pas. On fait l’après-midi, la soirée, et, un mois après, on se retrouve à signer ensemble à Toulouse. Notre histoire commence comme ça… Allez, un autre petit secret ! Avec Douche, c’est un truc de fou, de toute façon. Il débute vraiment sa carrière sous le maillot toulousain en Ligue 1 à Marseille, nous sommes le 12 février 2006 – vous allez comprendre pourquoi je connais la date par cœur. Car le match précédent, Totof s’est blessé et Nico est donc titularisé pour la tout première fois en L1. Le lundi avant, on part tous les deux avec nos compagnes à l’époque à Laguiole en Aveyron sur le plateau de l’Aubrac, et on va skier, enfin avec des patinettes. Sur la place du village, tu as une statue de taureau. Et la légende veut que, si tu touches les couilles du taureau, ça te porte bonheur. Nous, évidemment on le fait. Et pim la carrière de Douche explose à partir de ce match au Vélodrome (0-0). Tandis que moi…
Oui…Je me pète la jambe ! En fin de match. Fracture péroné droit, ligaments de la cheville arrachés, en voulant tacler Oruma. Je le rate, je me plante le pied dans le gazon et je passe par-dessus. Dingue, non ? Douche s’envole et moi j’en prends pour sept mois !
« Bryan, je l’adore mais on s’était bien chauffés… »
Inversement, avec qui vous vous êtes embrouillé ?Franchement, je n’ai jamais vraiment eu de différent. Bon, s’il faut en donner un : avec Bryan (Bergougnoux). On s’est chauffés, un décrassage lendemain de match, avec toute la frustration qu’il peut y avoir avec. À chaque ballon, boum : quelques très bons contacts ou tampons, on va dire ; ça n’a pas été plus loin, voilà. Bryan, c’est un mec que j’adore. Ceux qui te laissent indifférents, tu ne te frites pas avec… En tout cas, c’est ma façon d’être. Cette année-là, la deuxième d’Élie (Baup), c’était chaud. Chaud-bouillant. Des bonshommes dans le groupe. On a comptabilisé huit gros accrochages dont la bagarre Mansaré/César (lire ci-dessous).
Justement, vous nous aviez affirmé lors d’une précédente interview que le sauvetage en 2016 était plus fort que la C1 en 2007 (qualification tour préliminaire).Absolument. En plus, je devais arrêter à l’issue de cette saison (mai 2016) ; c’est Pascal (Dupraz) qui m’a poussé à faire une année de plus. Nos destins s’entremêlent en quelque sorte. J’étais au club depuis douze ans : finir sur une descente et laisser le Téfécé en Ligue 2, ça m’aurait torturé. Maintenant, ce sont deux émotions totalement différentes. Car ce fameux match face à Bordeaux (J38, 3-1), reste un super souvenir aussi à titre personnel puisque je jouais. J’en garde une drôle – ce n’est pas le terme – de sensation au demeurant : c’est la seule fois de ma carrière où, quand je sors du tunnel, je sais qu’on va gagner. Je ne saurais comment l’expliquer : l’atmosphère du Stadium, plein à craquer, les petits drapeaux partout… c’était un ensemble. Mais j’y reviens : le maintien, c’est davantage qu’un titre. Avec un Pascal littéralement habité…

Développez…Tout le monde parle de la célèbre causerie d’Angers (NDLR : dernier match de la saison où Toulouse sauve sa tête en L1, vainqueur 3 à 2, après avoir compté 10 points de retard sur le 1er non-relégable à 10 journées de la fin). Pour moi, tout part de son premier speech. Le lendemain de son arrivée. Il réunit joueurs, staff et dirigeants dans la salle de muscu. Deux thèmes et deux phrases dans son discours : 1) Le président Sadran me parle de préparer la L2, mais, les gars, jusqu’à preuve du contraire on est encore en L1, non ? 2) Il nous reste 10 matchs ; les gars, faites le job pendant les 9 premiers ; le dernier, il est pour moi, je m’en occupe, je sais faire… Il nous a persuadés que c’était possible. Il nous a comme envoûtés. Déjà, à la mise en place la veille d’aller jouer à Marseille (1-1, 06/03/2016), il tombe en syncope. Puis il va se passer plein de trucs… Je repense au fil conducteur : le petit montage vidéo qu’il nous repassait avant d’entrer sur la pelouse à chaque match. Dans le noir. La victoire avec l’incroyable remontée – elle était loin, loin et elle grignote, grignote jusqu’à virer en tête coupant la ligne d’arrivée – de Floria Gueï en dernier relais de la finale du 4x400m féminin français au Championnat d’Europe 2014. Franchement, ce fut un truc incroyable à vivre. Même Pascal, plus personne ne revivra ça. Tu le vis une fois dans ta vie, cela reste unique. Irrationnel, quoi.
Il paraît que Braithwaite et Ben Yedder ne s’entendaient pas forcément…Là aussi Pascal avait été bon : il ne pouvait se passer d’aucun des deux. Il avait laissé Wissam à son poste axial de prédilection et exilé Martin côté gauche… en lui confiant le brassard de capitaine. De la sorte, la pilule avait été mieux digérée.

L’entraîneur qui vous a le plus marqué est donc Pascal Dupraz…Naturellement. J’ai beaucoup aimé Élie (Baup) aussi, on en a déjà parlé. Je l’ai connu, j’avais entre 26 et 28 ans ; les meilleures années, celles de la maturité, pour un footeux. Avec Pascal, ce sont des coachs qui savent te transcender. Des meneurs d’hommes ; ça me correspondait. Sans doute parce que je marche à l’affect. Et puis, c’était mon style de jeu. Moi, il fallait que ça envoie, je n’étais pas un mec ultra-technique.
Et avec lequel ça n’a pas « matché » ?Érick Mombaerts. La première année j’avais du temps de jeu ; la deuxième année, il ne comptait pas du tout sur moi. Avec zéro explication à la clé, il se défilait. À l’entraînement, je mettais exprès des chandelles de partout, pour qu’on discute, il ne venait pas me voir. Je devenais dingue. D’ailleurs, je crois ne l’avoir jamais dit mais j’ai failli partir au bout d’un an et demi. J’avais ordonné à mon agent : « Même en Ligue 2, je m’en fous, tu me trouves un club ; il faut que je me barre d’ici… » Une veille de match avant la trêve hivernale (10/12/2005, face à Troyes), alors que je n’étais pas du tout dans les plans, Mombaerts me met titulaire à la mise en place. Les collègues me chambrent : « Oh Panche, tu vas jouer. » Moi j’étais remonté comme une pendule. Le lendemain, à l’annonce de la compo, je suis sur le banc ! Il avait ça pour piquer Achille (Emana) en fait… Puis vient le match : un changement, deux changements, trois changements ; il ne me fait même pas rentrer. Donc là, j’ai pété un plomb. Il m’a tendu la main, j’ai refusé, et Olivier (Sadran) l’a vu. Le lendemain matin, j’arrive, je franchis la porte du Centre, Casa qui était adjoint me cherchait. Convoqué. Olivier m’explique que mon geste est inadmissible. Je tutoie Mombaerts : « Tu ne me fais pas ça, tu ne te sers pas de moi ! » Au match d’après, je serai titulaire. Jusqu’à ce que je me blesse à l’OM (8 rencontres, 7 fois aligné d’entrée).
Le but que vous auriez aimé marquer ?Une Papinade. Une grosse volée qui claque, à l’horizontale. J’étais fan de l’Olympique de Marseille, je vous rappelle.
La rencontre qui vous reste en travers de la gorge ?La demie de Coupe de France contre Guingamp, au Stadium, en 2009 (1-2). L’occasion de monter au Stade de France était tellement belle…
Un mot sur votre formation auxerroise et Guy Roux pour finir.Quelqu’un de brillant, très intelligent. Mais il avait son 11. Et si tu n’étais pas dedans, tu ne jouais pas de l’année. À moins de blessures. Après, tout ce qu’on a lu, dit ou écrit sur lui, est vrai. Le relevé de compteur kilométrique de Djibril (Cissé) quand il partait à Paris ; à l’époque, il y avait des mecs qui étaient au péage encore, Guy avait des indics. Les videurs de boîtes de nuit, il leur filait une petite pièce dès qu’ils lui donnaient un nom (sourire).
Mansaré/César, les dessous de la bagarre
« C’est la saison où on avait joué la Ligue des champions, en Championnat ça partait un peu en sucette [le TFC se sauvera à la dernière journée au Stadium face à Valenciennes avec le but vainqueur signé Sirieix !]… On faisait de petits jeux à 4 contre 4. Fodé était énervé, il s’était déjà chopé avec quelqu’un avant. Je lui pique le ballon, je marque et il me met une balayette, complètement volontaire. On se retrouve face à face. C’est tout, j’allais dire. On commence à s’étirer. Je suis à côté de Paulo (César), il me dit : « Moi, il me fait ça, je le démonte ! » Fodé entend et répond : « Qu’est-ce que tu dis, Paulo ? » Paulo à nouveau : « Tu prononces mon nom ! » Là, il y avait 30m qui les séparaient, Paulo se lève et marche tranquillement vers Fodé qui était à genoux. Et bing : il lui assène une reprise de volée cou du pied pleine tête ! Fodé vacille ; on les sépare. » Mansaré sera recousu au visage (8 points) et César mis à pied une semaine.





















