« J’ai du mal à me retenir, mais il faut rester calme », souffle Pierre N., un habitant de la commune de Tournefeuille, près de Toulouse, particulièrement en colère contre la mairie de sa commune. Depuis près de 30 ans qu’il occupe son domicile, ce retraité a observé une prolifération de rats depuis 2010. En cause, un ouvrage pluvial sur le domaine communal où une mare les attirerait. Mails, photos, courriers, Pierre N. a multiplié les alertes sans action à ce jour… Au point d’interpeller la mairie avec une action choc !
Un geste choc pour se faire entendre
Le 24 décembre 2024 et le 21 février 2025, Pierre N. a pris la décision de déposer un rat mort « bien enveloppé » à l’accueil de la mairie de Tournefeuille. « À l’intention du Maire et de deux adjoints, en pointant du doigt l’agent d’accueil et en la sommant de ne pas l’ouvrir », précise la mairie. Face à un colis fermé, la police municipale s’est rendue sur place et a évacué les lieux dans le cadre du plan Vigipirate Urgence Attentat.
La mairie n’est donc pas restée sans réagir. Dès le lundi 24 février, Pierre N. a été convoqué au commissariat de police pour une garde-à-vue aux motifs de « menace de crime ou délit contre les personnes et les biens à l’encontre d’un élu public » et « menace, violence ou acte d’intimidation envers un élu public pour qu’il accomplisse d’acte de son mandat ».
Une perquisition a alors eu lieu à son domicile, « après qu’il a déposé le colis suspect afin d’effectuer des vérifications suite à son comportement répétitif menaçant », détaille la mairie de Tournefeuille. « Ça a été bizarre de les voir ouvrir tous les placards de ma maison », avoue Pierre N. Une plainte a été déposée à son encontre et un procès se tiendra le 12 janvier 2026.
Un ras-le-bol alimenté par un contexte sanitaire
Mais comment Pierre N. en est-il arrivé à commettre ce geste ? « J’étais véritablement excédé. Je sortais de onze jours d’hospitalisation où l’on m’a diagnostiqué de la Sepsis, dont les symptômes sont proches de la leptospirose, transmise par le rat. » Mais il ne peut aujourd’hui affirmer avec certitude que la Sepsis lui a été transmise par le rongeur.
Dans son récit, il relate les innombrables relances depuis 15 ans auprès de la mairie de Tournefeuille :
« J’ai reçu une fois, une visite inopinée à mon domicile, en 2021, de deux élus. L’un d’eux m’a confié que ce n’était pas dans ces compétences de gérer cette situation. » Un autre lui aurait conseillé de se débarrasser de ses poules, ce que confirme la mairie à Actu Toulouse : « Un poulailler peut être responsable de la présence des rats, comme la Ville a mentionné à cet habitant dans un courrier ».
Un argument qui désole Pierre N. : « Déjà, il existe des moyens pour donner à manger sans déposer les graines au sol et puis ce ne sont pas mes quatre poules qui posent problème. Ce sont les rats. Je ne suis pas le seul à Tournefeuille à me plaindre de la présence des rats ».
Une mare au coeur du conflit
Si Pierre N. s’en prend à ce point à la mairie, c’est parce qu’il l’accuse de ne pas entretenir une mare, située sur le domaine communal, qui jouxte son terrain.
« Ils y ont réalisé un ouvrage pluvial en retirant la vase, posant une bâche et en ajoutant des galets. Depuis, l’eau ne fait qu’y stagner, c’est une vraie aubaine pour les rats, les moustiques et les serpents. »
Ce retraité ne demande qu’une chose : que la mairie éradique les rats et entretienne cet ouvrage pluvial. « Je suis excité comme un vieux pou parce qu’ils ne font pas leur travail et doivent respecter leurs obligations. »
De son côté, la mairie explique avoir saisi Toulouse Métropole, l’entité compétente en matière de gestion des eaux pluviales « afin d’effectuer une vérification technique ». « Toulouse Métropole a procédé à l’entretien des abords du bassin 2 fois en 2024, conformément à ses obligations contractuelles (les 23 juillet et 9 novembre). La Ville procède à des entretiens semestriels des espaces verts attenants. »

Des solutions proposées, sans réponse concrète
Pour lui, la solution est d’une simplicité : faire appel à un éleveur de furets, qui pourraient se glisser dans les galeries de l’ouvrage pluvial afin d’éliminer les rats.
Sans solution à ce jour, Pierre N. dépense quotidiennement en produits de dératisation. Poison, tapette, tout y passe, mais les rats parviennent tout de même à saccager son domicile.
Véhicules, plafond, aménagement électrique, abreuvoir… Le mobilier de Pierre N. a été rongé par les rats. Des dégâts estimés par l’assurance, dont Actu Toulouse a pu consulter les documents, à 5 800 euros.
Comment la mairie de Tournefeuille et la Métropole agissent contre les rats ?
« La Ville et Toulouse Métropole mènent des actions pour réguler la présence de rats avec des opérations de dératisation dans l’espace public (Ville) et dans les réseaux d’assainissement (Toulouse Métropole). La Ville de Tournefeuille a enregistré 26 signalements dans l’espace public en 2024. Chaque signalement a systématiquement donné lieu à une action curative, en complément de la politique de prévention mise en place.Au-delà des échanges réguliers que l’administré a pu avoir avec la Ville (avec les élus, avec le cabinet du Maire), il est primordial de préciser que la législation ne permet pas aux communes d’intervenir sur cette problématique dans les propriétés privées. En matière de réglementation, plusieurs textes encadrent la lutte contre les nuisibles, notamment l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales et l’article 119 de la circulaire du 9 août 1978. Ceux-ci rappellent que la responsabilité de la prévention et du traitement des infestations chez les particuliers incombe aux propriétaires, qui doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter l’introduction de rongeurs et assurer leur éradication. »
Des autorités alertées, mais toujours pas de résolution
L’ARS a également été informé de la situation. Dans un mail, consulté par Actu Toulouse, l’Agence Régionale de Santé a répondu aux sollicitations de Pierre N. le 21 février 2025.
« Nous avons transmis vos signalements au maire de Tournefeuille, en lui rappelant son obligation d’intervenir au titre de ses pouvoirs de police. En cas d’inaction de la part du maire, vous pouvez saisir le préfet de la Haute-Garonne qui est l’autorité de tutelle du maire de Tournefeuille. »
Le Tournefeuillais a d’ores et déjà saisi la préfecture de Haute-Garonne et a également lancé une alerte auprès du Défenseur des droits. Le 3 avril dernier, Colette Gayraud, la déléguée du défenseur des droits à Toulouse, s’est saisie de l’affaire et a saisi la mairie de Tournefeuille.
« Sollicitée, la Ville leur a apporté une réponse en bonne et due forme à l’ARS et au Défenseur des droits », confirme la mairie de Tournefeuille.