Ce week-end, les automobilistes d’Occitanie sont nombreux à vouloir atteindre l’Espagne depuis Toulouse. Et pour ce faire, certains empruntent la route vers le Val d’Aran et traversent le village de Saint-Béat. Un passage toujours obligé alors qu’une déviation de la commune aurait dû entrer en service il y a déjà plusieurs années selon le calendrier initial. Le début du chantier date en effet de novembre 2011. Et 14 ans plus tard, aucune ouverture totale du contournement n’est en vue.Une partie de la déviation a, certes, été ouverte en 2018, mais il resteà réaliser un tronçon de trois kilomètres qui doit permettre de contourner la fin de Saint-Béat et le village d’Arlos. C’est cette partie du chantier de la déviation qui n’en finit pas d’accumuler les avaries depuis des années. « Elle est maudite », en plaisantent même certains habitants qui n’ont pourtant plus envie de rigoler depuis longtemps.Actu Toulouse vous en a parlé début avril, le chantier est en effet partiellement à l’arrêt entre Saint-Béat et Arlos, au niveau de la route qui permet d’accéder au petit village d’Argut. Sur ce tronçon précis du chantier, qui fait l’objet de déblais importants, « les travaux sont à l’arrêt depuis le 12 mars 2025 », précise la préfecture. Dans le courant du mois de mai, les services de l’État ont, au cours d’une réunion, enfin informé les élus locaux des raisons exactes de l’arrêt du chantier. On ne peut pas dire que ces derniers soient sortis rassurés par les infos qu’ils leur ont été communiqués. On fait le point.
« La montagne risque de s’effondrer »
« La montagne risque de s’effondrer ». Depuis le début de l’année 2025, c’est l’information qui circule parmi les habitants. La crainte est fondée :
Dès l’automne 2023, la DREAL Occitanie évoque « un aléa géotechnique majeur », qui retarde les opérations de déblais au niveau du Massif du Hournech, un massif en éperon qui doit être entaillé sur 75 m de hauteur pour faire passer la déviation.
À cette époque, les autorités décident de retarder le chantier plusieurs mois pour préciser la nature du terrain. Le risque de provoquer un grand glissement de terrain apparaît alors nettement.
Alors que 2024, devait voir la mise en circulation de la déviation, cette année là est finalement dédiée aux études, notamment une étude géologique du massif du Hournech. Un rapport est rendu par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Service géologique national.
La roche se fend sous la pression
Cette étude conclut que « les terrains concernés par l’emprise des travaux présentent des faciès lithologiques très contrastés ». Et « chaque catégorie rocheuse présente des caractéristiques différentes de résistance des matériaux aux contraintes et aux déformations, ce qui aura un impact sur le déroulement des travaux ».
Une partie de l’éperon « est fortement affectée par une schistosité » avertissent les auteurs de l’étude. En clair, la roche se fend sous la pression…
« Fin 2024, on a cru à un redémarrage »
Pourtant, fin 2024, des camions effectuent de nombreux mouvements qui laissent penser que le chantier de la déviation est reparti pour de bon. De la terre et de la roche sont enlevés du site. « En décembre, quand ils ont mis un coup de collier sur l’évacuation des matériaux issus de la montagne, on y a cru », indique à Actu Toulouse, Anna Changeux, la maire de Saint-Béat. Mais l’édile, dont la commune est lourdement handicapée par ce chantier qui s’éternise, a dû rapidement déchanter. En mars, élus et habitants s’aperçoivent que le chantier est à nouveau à l’arrêt. Puis, c’est le silence radio pendant plusieurs semaines. Les habitants du coin se perdent en conjectures. Arrive enfin la réunion des élus avec les services de l’Etat.
« Un bout de montagne pourrait se détacher »
« Mon adjoint s’est rendu à cette réunion et les services de l’État nous ont confirmé pourquoi le chantier est à l’arrêt : il y a un écaillage de la roche qui pourrait faire qu’un bout de montagne pourrait se détacher. Le résultat des études en cours doit être communiqué avant l’été. Mais la situation n’est confortable pour personne. Tout le monde est embêté. C’est une situation très complexe et un sujet qui est douloureux pour tout le monde », explique Anna Changeux qui déplore la situation.
Contactée, la préfecture de Haute-Garonne confirme :
« Les travaux du déblai du Hournech sont à l’arrêt depuis le 12 mars 2025 à la suite de la mise en évidence d’un plan de glissement situé au niveau quasi fini de la future RD44E. La zone située en contrebas de ce secteur a été immédiatement sécurisée dans l’attente des conclusions des nouvelles études géotechniques qui ont été lancées. Ce plan de glissement résulte des caractéristiques géologiques du massif du Hournech et non des travaux réalisés.
La préfecture poursuit :
« Le maître d’œuvre et le groupement en charge des travaux réalisent des études géotechniques complémentaires pour déterminer le périmètre du massif concerné par le risque de glissement ainsi que les modalités techniques pour stabiliser le plan de glissement et permettre une poursuite des travaux en toute sécurité ».
L’Etat confirme que « les conclusions de cette étude seront produites pour la mi-juin 2025 ».
« La déviation ne doit pas être remise en cause »
Que vont dire ces conclusions ? Quelle solution pourra-t-elle être apportée pour consolider la montagne ?
Pour l’élu, « il faut trouver une solution et il ne faut pas que la déviation soit remise en cause. Il n’y a pas le choix avec une circulation qui tend à s’intensifier vers l’Espagne ».
Un calendrier qui reste flou, et sous conditions
Le calendrier reste quant à lui flou. En avril, la préfecture se bornait à dire à Actu Toulouse que « le calendrier du chantier de Saint-Béat est en cours d’évolution ». Ce 28 mai 2025, elle précise un peu les choses, donne un cap, sans pouvoir assurer que son objectif, « que ce chantier soit terminé rapidement », puisse être tenu :
« La mise en œuvre des solutions de confortement pourraient démarrer à l’été 2025 afin de reprendre les travaux de terrassement du Hournech à l’automne 2025. Le traitement de ce plan de glissement n’a pas d’incidence sur le tracé de la RD44e ni sur celui de la RN 125. Le chantier de la déviation de Saint-Béat / Arlos se poursuit sur les autres postes sans interruption depuis le mois de mars 2025. Le calendrier général de l’opération sera actualisé en fonction du résultat des études en cours pour tenir compte de la gestion de cet aléa de chantier. L’objectif est bien que ce chantier soit terminé rapidement. Le résultat, à la mi-juin 2025, des études techniques complémentaires commandées, permettra d’affiner ce calendrier prévisionnel ».