C’était il y a presque deux ans, en pleine Coupe du monde de rugby. Pour que tous les supporters puissent suivre l’évènement, plusieurs grandes villes avaient aménagé des « fan zone » où les matchs étaient retransmis sur écrans géants. Il fallait aussi veiller à la sécurité de chacun.
C’est dans ce cadre que Bordeaux Métropole avait passé un marché avec une entreprise de Toulouse pour installer le dispositif nécessaire dans sa fan zone. Et sans même attendre le coup de sifflet final de la compétition mondiale, une enquête avait été ouverte pour travail dissimulé dès le 23 septembre 2023. De faux agents avaient été embauchés pour assurer la sécurité du public.
Après plusieurs mois de travail, les enquêteurs comprenaient qu’il ne s’agissait que de la partie émergée de l’iceberg. Six dirigeants d’entreprises ont été condamnés par le tribunal de la Ville rose ce lundi 2 juin.
Des agents avec de fausses cartes professionnelles
Afin de remplir ses missions, la société toulousaine avait employé « des personnes étrangères en situation irrégulière […] frauduleusement munies de papiers d’identité et de cartes professionnelles correspondants à des agents de sécurité dûment habilités », détaille le tribunal de Toulouse ce mardi.
L’enquête confiée à l’Office de lutte contre le trafic illicite de Migrants (OLTIM) a démontré que le dirigeant de la société avait également recours à des intermédiaires chargés de les recruter, à Toulouse et à Bordeaux. La liste des mis en cause s’allonge…
Soustraction massive des déclarations sociales
En creusant l’affaire, avec l’aide des enquêteurs financiers du Groupe interministériel de recherches (GIR) de Toulouse et de l’URSSAF, les agents mettent en lumière « un circuit habituel de sous-traitance en cascade, en partie fictive, avec cinq autres sociétés dont la gestion administrative était assurée par une même société de conseil et assistance administrative ».
L’objectif ? Soustraire massivement les « déclarations sociales des heures travaillées des agents de sécurité employés », explique le tribunal.
Un préjudice d’un million d’euros
Le préjudice pour les finances publiques est majeur : il est évalué à plus d’un million d’euros.
Le parquet de Toulouse avait alors procédé à de nombreuses saisies et requis auprès du juge des libertés et de la détention un placement sous contrôle judiciaire de plusieurs dirigeants, avec notamment une interdiction de gérer et d’exercer dans le domaine de la sécurité privée.
Six dirigeants condamnés
Six dirigeants d’entreprises, dont cinq exerçant dans le domaine de la sécurité privée, devaient s’expliquer devant les magistrats lors d’une audience qui aura duré deux jours, les 28 et 29 avril derniers.
Ce lundi, ils ont été condamnés pour travail dissimulé. « L’un d’entre eux a également été condamné pour des infractions d’aide au séjour, et d’emploi d’étrangers sans titre de travail », détaille le tribunal. À ses côtés, « trois agents de sécurité et deux personnes en situation irrégulière ont été condamnés pour complicité de ces deux infractions. Deux d’entre eux ont, au surplus, été condamnés pour des faits de blanchiment aggravé ».
De 6 mois à 3 ans d’emprisonnement…
Les peines prononcées vont « de 3 ans d’emprisonnement, dont 2 ans de sursis probatoire et 1 an à exécuter sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique pour les deux dirigeants les plus impliqués dans le système frauduleux, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis ».
Tous les dirigeants d’entreprises déclarés coupables ont été condamnés à une interdiction définitive de gérer ou de diriger toute société. Interdiction assortie d’une exécution provisoire.
Les personnes en situation irrégulière ne peuvent plus se rendre sur le territoire français pendant trois ans.
…et diverses saisies
Trois véhicules, un local professionnel, une maison d’habitation, ainsi que des sommes en numéraire découvertes aux sièges de sociétés ou aux domiciles des dirigeants ont également été saisis.
Les mis en cause ont dix jours pour faire appel de ce jugement.