À Toulouse, la Jonction Est, un projet d’échangeur routier très contesté, sera bientôt au menu du prochain conseil métropolitain, qui aura lieu le 26 juin 2025. L’enjeu est de taille puisque les 133 élus de l’agglomération toulousaine devront se prononcer en faveur ou non de ce projet dont les travaux pourraient démarrer dès 2026. Défendu bec et ongles par Jean-Luc Moudenc et sa majorité depuis de longues années, ce projet fait en revanche l’unanimité contre lui chez les écologistes, qui ont décidé d’organiser une réunion publique* afin « d’informer les Toulousains » sur « ce vieux projet qui date des années 80, mais qui « reste pourtant méconnu » selon eux. Ce projet de nouvel échangeur sur le périphérique pourrait même à l’avenir être attaqué en justice, à la manière de l’autoroute A69. Explications.
« Un projet périmé » pour les écologistes
« Ce projet est écocide, coûteux et inutile ! », dénoncent en chœur Régis Godec et Hélène Cabanes, les deux chefs de file désignés par leur parti pour mener à bien les épineuses négociations avec les autres partis de gauche en vue d’une éventuelle liste d’union.
« Cet échangeur routier va provoquer un bétonnage important, une destruction des espèces protégées, de la faune, de la flore… Tout ça pour gagner 2 à 3 minutes en voiture d’ici 2030 », fulmine Hélène Cabanes, qui pointe également un coût « qui n’a fait qu’augmenter au fil des années », et qui s’élève aujourd’hui à 95,5 millions d’euros. « Cet argent pourrait être utilisé autrement ! », estime-t-elle.

C’est quoi, la Jonction Est ?
Ce projet consiste à créer un nouvel échangeur sur le périphérique à l’Est de Toulouse, qui sera situé entre les sorties actuelles de Lasbordes (17) et de Montaudran (18), juste en face la Cité de l’Espace. Il a pour objectif de « soulager les deux autres échangeurs de la zone, mais aussi de « délester » la route de Revel du trafic automobile. Il doit donc permettre de mieux desservir la zone d’activité de la Grande Plaine, mais aussi les communes de l’Est toulousain que sont Balma, Quint-Fonsegrives ou encore Saint-Orens, avec une nouvelle liaison à 2X2 voies sur 1,2 km entre la rocade toulousaine et la RD16 au niveau du quartier Entiore, à Quint-Fonsegrives. Ce projet a reçu, après enquête publique, un avis favorable sans réserve des commissaires enquêteurs, purement consultatif, mais qui ouvre la voie à une déclaration d’utilité publique que devrait rapidement prendre le préfet sur ce projet controversé, pour lancer le chantier. Selon le calendrier établi, les porteurs de projet prévoient la déclaration d’utilité publique, les acquisitions foncières et le démarrage des travaux en 2025, dans la perspective d’une mise en service en 2028.
Régis Godec cible Jean-Luc Moudenc « et son logiciel des années 1980 »
Potentiellement tête de liste aux Municipales 2026, Régis Godec n’épargne pas Jean-Luc Moudenc, le maire-candidat, sur ce sujet : « Ce projet est même un peu plus vieux que l’arrivée au Capitole de Jean-Luc Moudenc ! » (le maire actuel a fait son entrée au conseil municipal en 1987, ndlr), raille-t-il.
« La Jonction Est, c’est un projet symbolique car il montre que Jean-Luc Moudenc n’a pas changé sa vision du développement urbain de la Métropole depuis les années 1980 ».
Pour les écologistes, ce projet va renforcer « la dépendance à la voiture »… au détriment d’un « report modal » qu’ils appellent de leurs vœux. « Est-ce que les échangeurs qui ont été créés ces dernières années sur le périphérique au niveau du Palaÿs, de Borderouge, ou le passage de 2 à 3 voies à Rangueil, ont fluidifié le trafic ? La réponse est non ! Les automobilistes toulousains perdent chaque année 51 heures dans les bouchons… et une étude a récemment démontré que la part des transports en commun n’a pas progressé entre 2013 et 2023. Il est donc urgent de trouver des solutions alternatives au tout voiture ! ».
Que proposent Les Écologistes en guise d’alternative à ce projet ? S’ils ne souhaitent pas développer leurs propositions avant la réunion publique, prévue jeudi 5 juin, Régis Godec esquisse quelques pistes, comme « la création d’une halte ferroviaire à Malepère qui s’insérerait dans le RER Métropolitain ».

« Un projet anachronique » en passe d’être adopté
« Les maires en place défendent un projet anachronique. Les études montrent, malgré les investissements financiers monstrueux, qu’à chaque fois qu’une infrastructure routière et créée, on encombre encore plus. Or, aujourd’hui, l’enjeu, c’est le report modal », estime Jean-François Robic, conseiller d’opposition à Balma (dont le maire, Vincent Terrail-Novès, est un des principaux défenseurs du projet).
« Dans les années 80, ce projet avait été motivé par le contournement de l’est d’agglomération, de Balma à Labège. Mais ce projet de deuxième rocade est tombé à l’eau depuis ! », rappelle-t-il.
Alors, quelles seraient les solutions pour contester ce projet qui, sur le plan administratif, a reçu le feu vert des services de l’État après une enquête publique qui avait recueilli plus de 4 000 avis (dont 56,5 % défavorables à ce projet), et qui, sur le plan politique, a de grandes chances d’être adopté par les élus le 26 juin prochain, ce qui pourrait définitivement lancer la Jonction Est, sous réserve de l’adoption par le préfet de la déclaration d’utilité publique et des autorisations environnementales.
Vers un recours comme pour l’A69 ?
Sur le plan politique, « nous allons écrire, une fois de plus, à chacun des conseillers métropolitains pour les inciter à bien réfléchir sur ce projet car l’enjeu énorme. On a tout intérêt à suspendre ce projet écocide », défend Hélène Cabanes, qui indique que si les Écologistes n’instruiront pas eux-mêmes de recours, certaines associations pourraient attaquer la Jonction Est en justice si ce projet venait à être définitivement adopté à la fin du mois de juin. Rappelons qu’un collectif, « Non à la Jonction Est », a été monté pour s’opposer à ce projet.
« On n’est pas sur cette optique-là (de porter un recours, ndlr) mais il est fort probable que des associations puissent aller sur ce terrain-là et porter des recours judiciaires. Cela s’est vu sur d’autres projets, comme avec l’autoroute Castres-Toulouse, qui fait beaucoup parler en ce moment. Il y a d’ailleurs des similarités frappantes dans la façon dont a été construit ce projet de Jonction Est. Il n’y a aucune alternative sérieuse qui n’a été étudiée pour limiter l’impact environnemental. Cela pourrait être un angle d’attaque au niveau judiciaire ».
*Une réunion publique sur la Jonction Est est organisée par Les Ecologistes à 20h30, jeudi 5 juin, à la salle Roseraie, au 9 avenue du Parc.