Si la Ville rose s’est depuis mise à l’abri des caprices du fleuve, le lien entre Toulouse et la Garonne, c’est aussi une longue histoire tumultueuse, jalonnée de crues dévastatrices. Entre le XIIIe et le XIXe siècle, le fleuve est sorti de son lit à près de 50 reprises. Et en ce terrible 23 juin 1875, il y a 150 ans jour pour jour, une inondation historique de la Garonne ravageait même toute la vallée, faisant alors 476 morts dans la région, dont près de la moitié dans la seule Ville rose, où les dégâts étaient colossaux, comme le rapportait Actu Toulouse voici dix ans.
209 cadavres sous les décombres
Un siècle est demi plus tard, des images saisissantes des Archives municipales de Toulouse remémorent ce jour noir. Le bilan avait été effroyable : plus de 1 200 maisons détruites. Selon les estimations, environ 25 000 personnes s’étaient retrouvées sans logement. Et surtout, après la décrue, quelque 209 cadavres avaient été retrouvés sous les décombres.
Le record balayé en quelques heures
À leur réveil, ce 23 juin au matin, les Toulousains découvrent, effarés, l’étendue des dégâts. Le triste record de montée des eaux établi le 17 septembre 1772 (8,50 m) est balayé en quelques heures. Le fleuve tourbillonne à une vitesse vertigineuse, atteignant plus de 2,5 millions de litres à la seconde. À midi, les neuf mètres sont dépassés.
Pour les annales : une crue historique de 8,32 m sera officiellement enregistrée à l’échelle du Pont Neuf. Un record pulvérisé et, fort heureusement, jamais égalé depuis (le niveau habituel est de 0,80 m).

Des digues de fortune et des ponts qui s’écroulent
Plutôt que d’évacuer les populations sur les hauteurs de la ville, face à la Garonne en furie, l’armée pare au plus pressé, en édifiant à la va-vite des digues de fortune, comme au débouché de l’avenue de Muret.
En début de soirée, le pont Saint-Michel s’écroule. Par ricochet, la digue du Cours Dillon, la plus solide de la ville, cède à son tour… Le pont d’Empalot est emporté aussi. Les dégâts seront colossaux. Et si de nombreux ouvrages seront emportés par la crue, le pont Saint-Pierre (alors en bois) et qui avait résisté, sera finalement détruit.

Saint-Cyprien dévasté par les eaux
Un quartier a été particulièrement touché par cette catastrophe : celui de Saint-Cyprien. En témoigne la fontaine « commémorative de la grande inondation de 1875 » sur la place Olivier (anciennement place Chairedon), qui demeure encore aujourd’hui, un hommage emblématique.

Si les bas quartiers de Saint-Michel et de l’île du Ramier avaient été rapidement submergés ce jour-là, c’est bien Saint-Cyprien qui paiera le plus lourd tribut. Ici vivaient de nombreux habitants dans de modestes maisons aux murs en terre crue. Et la nuit, des habitations ont cédé, précipitant dans les flots les familles réfugiées sur les toits…
« Que d’eau, que d’eau ! », dit le président
L’histoire raconte qu’en visite à Toulouse pour constater les dégâts de l’inondation, Mac Mahon, le président de la République de l’époque, n’aurait rien trouvé à dire de plus que la phrase entrée dans la légende : « Que d’eau, que d’eau ! »
Le faubourg inaccessible pendant deux jours
Il aura fallu attendre deux jours et la décrue pour que les secours puissent pénétrer, le 25 juin au matin, dans le faubourg Saint-Cyprien. Et qu’ils ne découvrent, stupéfaits, le dramatique bilan humain.
150 ans plus tard, cela reste, aujourd’hui encore, la pire crue jamais enregistrée à Toulouse depuis 1632.
