Cette semaine, deux affaires de prostitution de mineurs devaient être jugées au Tribunal correctionnel de Toulouse. Signe d’un phénomène qui prend de l’ampleur et que la justice prend très au sérieux.
« Il y a quelques années, on parlait de prostitution de cité, quand on parlait des mineurs. Aujourd’hui, c’est un phénomène, qui s’est étendu. Il touche tous les quartiers de Toulouse, même des petites villes dans les environs ». David Charmatz, le nouveau procureur de Toulouse dresse un constat inquiétant.
C’est lui qui a pris l’initiative de médiatiser une affaire qui devait être jugée aujourd’hui,lundi 12 mai 2025, devant le Tribunal correctionnel de Toulouse, et qui finalement a été renvoyée. Un jeune de 19 ans, sans casier judiciaire et sans emploi, niveau terminale, accusé d’avoir prostitué deux femmes. L’une d’entre elles est mineure. À peine 17 ans, ballotée de foyer en foyer, et qui après une fugue, s’est retrouvée dans les griffes de ce jeune proxénète.
Le nouveau procureur de Toulouse, David Charmatz. • © LIONEL BONAVENTURE / AFP
Un exemple parmi tant d’autres de ces mineurs qui vendent leurs corps, pour vivre, parfois pour survivre. Surtout quand elles n’ont plus de cadre familial structurant. « La réalité, c’est que ce sont des femmes fragiles, qui souffrent de carences éducatives, affectives, qui, pour certaines ont subi des violences dans des familles défaillantes », souligne David Charmatz, le procureur de Toulouse.
Un phénomène qui prend de l’ampleur. « Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’affaires, de mineurs qui se prostituent. C’est un fait. » souligne le magistrat.
Guillaume Léguevaques, lui, connaît bien cette problématique. Cet avocat toulousain, défend les intérêts de plusieurs mineurs, qui ont glissé dans la prostitution. « On assiste à une « ubérisation » des relations sexuelles aujourd’hui. C’est nouveau et de plus en plus de jeunes filles se lancent dans la prostitution. Beaucoup ne se rendent pas compte qu’elles sont exploitées. D’ailleurs certaines, refusent de dénoncer leur proxénète, le couvrent et ne voient pas où est le mal à vendre leur corps, pour de l’argent » explique-t-il.
Maitre Guillaume Léguevaques, avocat au barreau de Toulouse, s’occupe des intérêts de plusieurs mineures, tombées dans la prostitution. • © Christophe Neidhardt /FTV
« De nos jours, l’acte sexuel pour ces jeunes filles est banalisé. On est dans un produit de consommation rapide, avec des tarifs, des appartements loués exprès pour ça. Pour certaines d’entre elles, c’est presque un travail comme un autre. » déplore Maitre Guillaume Leguevaques.
Le procureur de Toulouse David Charmatz fait le même constat. Qu’il s’agisse des mineurs qui se prostituent, ou des proxénètes, qui parfois sont très jeunes. « Le rapport au corps et au sexe a changé. Aujourd’hui, pour ces jeunes, il y a une déconnexion entre le corps et les sentiments. Les jeunes femmes, elles, sont chosifiées » souligne le magistrat.
« Les « passes » s’organisent souvent par internet. Grâce à des sites de rencontres plus ou moins spécialisées. Parfois par les réseaux sociaux » détaille Maitre Léguevaques. L’une des jeunes femmes qu’il défend aujourd’hui, touchait entre 45 et 200 euros. Selon la durée et le type de prestation. L’acte sexuel quant à lui se déroule soit dans des appartements loués à cet effet, ou chez le proxénète lui-même.
La justice prend ce phénomène très au sérieux. Et tente, avec ses moyens, de mettre un frein à la prostitution des mineurs. Mais c’est loin d’être évident. « Il faut que tout le monde soit vigilant, soit sensibilisé à cette question, qu’on arrive à décoder les signes avant-coureurs » explique le procureur de Toulouse. Mais cela reste très difficile à déceler. « Sur internet, ce n’est pas inscrit sur leurs annonces qu’elles sont mineures, et les photos ne sont pas toujours parlantes sur leur âge. » rappelle David Charmatz, le procureur de Toulouse. Difficile pour la brigade des mineurs de les prendre en flagrant délit ou de les « piéger » en se faisant passer pour un client.
La justice fait ce qu’elle peut pour enrayer le phénomène de la prostitution des mineurs. (illustration) • © Clementz Michel / MAXPPP
« Souvent, ces jeunes femmes sont victimes d’actes de violences par leur proxénète. Ou se sentent en danger. Certaines appellent alors 17, et c’est souvent comme ça que ces affaires éclatent et qu’on se rend compte, qu’il y avait aussi de la prostitution et qu’elles étaient sous emprise » souligne le magistrat.
Et de conclure sur une évidence, qu’il semble pourtant bon de rappeler. « S’il n’y avait pas de clients pour ces jeunes femmes, elles ne feraient pas commerce de leur corps » constate David Charmatz. En matière de prostitution, les peines sont alourdies lorsque la personne est mineure. Elles peuvent atteindre 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende pour le client.
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