À l’école maternelle Joseph Niel de Muret, plusieurs enfants auraient été victimes d’attouchements répétés par un camarade de 5 ans. Les parents, bouleversés, dénoncent le silence de l’établissement privé, qui refuse de réinscrire les victimes pour la rentrée prochaine.
Beaucoup de parents aimeraient savoir ce qui se passe à l’école ou dans la cour de récréation. Les parents que notre équipe de reportage (Aude Chéron et Elsa Leroy) a rencontrés à Muret (Haute-Garonne), eux, ont été abasourdis de le découvrir. Leurs enfants leur ont rapporté qu’un petit camarade de 5 ans leur touchait les « parties intimes ». Après l’effarement de la découverte des faits, les parents des enfants concernés se mobilisent.
C’est dans la cour de récréation de l’établissement Joseph Niel à Muret, pendant la pause médiane de la cantine, que les faits se sont déroulés à plusieurs reprises. Pour l’instant, 6 à 7 enfants de maternelle auraient été victimes des pratiques du petit garçon selon plusieurs parents.
Une maman a accepté de témoigner de ce que sa fille âgée de 4 ans lui a raconté : « La première fois qu’elle m’en a parlé, elle m’a dit « il a touché mes parties intimes » parce que je lui avais parlé de son corps, elle sait que ça, on n’a pas le droit. « Mais là, il a mis la main dans le pantalon », j’ai prévenu l’école et elle a arrêté de m’en parler. Jusqu’au jour où elle m’a dit « il a commis la grosse bêtise, il a refait la grosse bêtise », j’ai réussi à lui faire comprendre qu’elle pouvait me parler parce qu’elle avait peur et quand elle m’a dit « c’est lui qui dit qu’il faut mettre ça dans la nénette, mais il ne faut pas le dire, c’est le secret, je vais me faire gronder…mais il a mis les doigts, les doigts oui, mais tu ne le dis pas c’est le secret, c’est le secret. »
Les faits ont été réguliers, sa fille ne veut plus aller à la cantine. Il y avait, visiblement, différents jeux mais plusieurs relevant d’attouchements, parmi lesquels le « jeu de faire la morte », que la petite fille a montré à sa maman. Cette dernière raconte : « elle s’est allongée sur le ventre, a remonté un petit peu les fesses, et là elle m’a dit « là tu te tais, chut, tu ne dis rien, tu ne pleures pas, tu ne cries pas et tu te tais et tu attends » très étonnée je lui ai demandé « tu attends quoi » et là, elle a soulevé le doigt. »
Si le « touche-pipi » est normal pour un enfant de 3-4 ans, selon David Bichet, psychologue clinicien, spécialiste du suivi de l’enfant et des adolescents, les faits rapportés dans le cas présent vont au-delà. Dans un « touche-pipi » il n’y a pas d’intrusion, de rapports de force. C’est important que les jeux puissent s’arrêter.
« On peut parler d’attouchement dans le sens où il y a fixation et que ce n’est pas un plaisir de découverte, rapporte le psychologue. Ce n’est plus une exploration naïve de l’enfant, c’est une fixation d’un enfant qui rencontre des problèmes très importants et qu’il fait subir aux autres, il se décharge sur les autres enfants. Ça a toujours des conséquences parce que c’est un geste intime de toucher le sexe de l’autre, ça a des impacts dans la vie de l’enfant. Selon l’intensité et les gestes ce sont des traumatismes… quand il y a une fixation, ça a un impact destructeur. C’est important, pour les enfants, à travers la scène qui s’est passée de resituer ce qui est possible et ce qui est interdit, ça, c’est avec la présence des adultes et des professionnels qu’on aborde la problématique : son corps est important, aider un développement plus classique et recréer un climat de confiance. »
Ce qui interroge également David Bichet, psychologue clinicien, c’est le fait que cela apparaisse très jeune (3 à 6 ans). Et d’insister sur le fait que « les enfants de cet âge-là sont très (trop) vite insérés dans la société avec toutes ses problématiques, c’est important de traduire ce qu’on voit à l’école, sur les écrans ou dans la famille, les enfants ne le comprennent pas, c’est important de protéger les enfants pour qu’ils puissent grandir. »
Pour le psychologue David Bichet, « quand la parole se libère, c’est important de prendre en compte ce que son enfant raconte de ce qu’il vit à l’école en particulier quand ça touche le sexe de son enfant et celui des autres enfants, parce que là il y a une problématique qui est sous-jacente dans la question de l’attouchement, de l’intrusion. Il y a une intervention à faire, à prendre au sérieux et pouvoir leur dire que ce n’est pas normal.«
J’attends toujours que ça vienne d’elle, d’un coup ça sort. Pendant des mois, elle n’a rien dit et maintenant qu’elle a compris qu’elle avait le droit, et ça lui fait du bien, elle sait qu’on l’écoute. J’essaie de prendre suffisamment de recul pour encaisser tout çà, même si c’est dur en tant que parent.
Maman d’une petite victime de 4 ans
La psychanalyste, Zeynep Ulu nous explique : « On peut parler de jeux d’enfants entre enfants, on peut parler d’attouchement quand c’est un adulte qui touche un enfant. Je comprends que les enfants, la famille, les parents souffrent. C’est un jeu d’enfants, oui parce qu’il y a certainement du mimétisme. Il reproduit inconsciemment ce qu’il aurait vu ou subi, sans avoir subi d’attouchement des fois, mais juste de voir, d’être présent, c’est un traumatisme. Je ne dis pas de minimiser ni d’ignorer cet attouchement qui a été subi comme un traumatisme mais sans dramatiser aux yeux de l’enfant. »
Pour la maman, « c’est très très dur surtout quand l’école dit que ce n’est qu’un jeu de touche-pipi et que c’est nous, en tant qu’adultes, qui interprétons mal. » « Nous avons demandé que la directrice fasse un signalement parce qu’à cet âge-là, faire ça, ce n’est pas normal, rapporte-t-elle. On a demandé à ce qu’elle effectue un changement de classe et qu’elle prévienne les parents dont les enfants avaient vu ce que le petit faisait. On avait demandé à ce qu’il y ait une semaine d’exclusion. Elle nous a dit qu’elle ne ferait pas de signalement pour rien. On était abasourdi mais on était loin d’imaginer qu’il y avait eu d’autres enfants qui avaient subi aussi des choses. »
Un parent a porté plainte contre la direction de l’école. « Une psychologue du diocèse est intervenue dans l’école mais pour minimiser les faits » selon une des mamans encore bouleversée. Rien, d’après les parents, n’a été mis en place pour soutenir les enfants.
Nos enfants savent que c’est interdit et c’est pour çà qu’ils nous en ont parlé. Nous, la direction de l’école nous a dit que ce n’était pas un viol ! Mais y a quand même eu pénétration digitale. J’ai proposé à la directrice une médiation avec les parents, elle m’a répondue que les parents étaient en colère, mais nous, on a pas le droit d’être en colère ? Nous sommes parents de victimes !
Maman d’une autre petite victime
La psychanalyste, Zeynep Ulu, estime qu’il aurait fallu « un espace d’écoute pour les parents et les élèves pour pouvoir libérer cette parole et que les enfants puissent comprendre, ils étaient face à quelque chose d’inconnu. L’enfant, s’il n’est pas écouté, cela crée un espace insécure pour lui. »
Les parents qui se sont manifestés auprès de l’école n’ont pas la possibilité de réinscrire leurs enfants pour la prochaine année scolaire dans l’établissement concerné. Ils considèrent que leurs enfants subissent une double peine de la part de cette école privée catholique. Les parents nous indiquent avoir écrit, sans réponse reçue, au rectorat, au chef d’établissement, au diocèse. Les faits se sont déroulés en janvier.
Pour l’instant, l’école et le rectorat n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
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