Infirmière libérale, Lydia a découvert une aiguille oubliée dans son mollet depuis plusieurs décennies. Happée par son travail, et alors que les conditions des soignants se détériorent, elle avait mis de côté cette douleur, qui aurait pu lui coûter cher.
Infirmière libérale à Toulouse, Lydia soigne sans relâche, sept jours sur sept, sans jamais se plaindre. Jusqu’au jour où sa douleur, longtemps ignorée, révèle un fait aussi invraisemblable que douloureux : une aiguille médicale vieille de plusieurs décennies logée dans son mollet. Une histoire surréaliste, mais bien réelle, qui met en lumière les manquements du système de soins, l’épuisement des professionnels et la double peine que subissent les libéraux en arrêt de travail.
« Je ne m’arrête jamais pour un rhume ou un bobo, je n’ai qu’une semaine de vacances par an et un week-end de temps en temps », confie Lydia, les larmes aux yeux. Infirmière libérale à Toulouse, elle sillonne la ville sans ménagement, au chevet de ses patients, dans une tournée qui laisse peu de place à la fatigue ou à la douleur. Mais en mars dernier, un hématome fulgurant derrière le genou, « comme un coup de couteau », l’immobilise brutalement. Ce qu’on croyait être un banal kyste poplité s’avère être une aiguille. Une aiguille de 4 centimètres oubliée là, dans son corps, depuis plusieurs années.
« Je sentais comme un cordon dans ma cuisse, et des bulles étranges dans la jambe, comme les « Pop It » jouets antistress des enfants, à chaque fois que je touchais ma jambe », raconte-t-elle. Ce n’est qu’après deux mois d’attente pour une simple échographie du genou que le verdict tombe : présence d’un corps flottant dans une veine. « Rien d’urgent, avait-on dit quand je suis allée prendre le rendez-vous. Heureusement qu’on a pu faire avancer le rendez-vous à début avril. La radiologue, en état de choc, me dit que je suis en urgence vitale », raconte encore émue Lydia.
Une aiguille dans le muscle, un véritable mystère
Branle-bas de combat, la suite s’enchaîne comme un mauvais film. Le Dr Nadia Bouhzam, médecin vasculaire à la clinique Médipôle à Toulouse alerte : « Ce n’est pas une phlébite, me dit-elle. Dans un premier temps, elle ne voit rien, puis en insistant, elle voit bien un objet dans la jambe. Je vis un véritable ascenseur émotionnel. », raconte Lydia.
Le Doppler ne ment pas : « Une aiguille telle un mandrin de cathéter, est coincée dans la veine jumelle du mollet », précise l’infirmière. Son médecin demande alors une radio de confirmation. « Grâce à une secrétaire médicale, Fany, empathique et très à l’écoute, j’ai pu faire la radio le jour même, au lieu du lendemain comme prévu. Sans elle, mon parcours de soins aurait été retardé », souffle Lydia.
Personne ne voulait se risquer à l’opération jamais réalisée. Le Dr Cherif Ibrahim, chirurgien vasculaire à la clinique Croix-du-Sud à Quint-Fonsegrives, a su dissiper ses doutes et a retiré l’aiguille ressemblant à un trocart de cathéter, début avril, mais surprise : « Elle n’était pas dans la veine comme prévu, mais enfouie dans le muscle », précise-t-il. « C’est un mystère total, jamais vu ça. Elle n’a pas pu entrer par simple piqûre, elle était trop profondément ancrée. L’opération s’est bien passée, sans signe d’infection, ce qui est rare, car les corps étrangers provoquent souvent une réaction infectieuse, surtout après plusieurs années. »
Deux radios à quelques jours d’intervalle montrent même que l’aiguille a bougé.
Des soignants à bout, des remplaçants pénalisés
Aujourd’hui, Lydia continue de panser ses plaies. Physiquement, les suites postopératoires et les phlébites qui en ont découlé l’handicapent. Moralement, le choc reste présent. « J’en ai vu des histoires farfelues chez mes patients, mais jamais je n’aurais cru vivre ça moi-même. Je voudrais alerter sur le fait qu’il faut vraiment prendre en considération toute personne qui se plaint de ses maux alors qu’elle ne se plaint jamais à l’accoutumée. »
Entre délais d’examen, erreurs humaines et absurdités administratives, ce drame personnel met en lumière l’état critique de notre système de santé. Lydia en est consciente : « Je ne blâme personne, les praticiens font ce qu’ils peuvent. » Et comme si cela ne suffisait pas, l’infirmière se heurte à une « double peine ». Obligée de se faire remplacer à la hâte, elle se voit réclamer des contrats instantanés pour percevoir ses indemnités journalières. « On me dit que sans contrat, je devrais payer mes remplaçants de ma poche, sans recevoir un centime d’indemnité. C’est inhumain. »
Lydia se serait bien passée d’avoir l’amour de son métier jusque dans la peau.
Un cas rarissime
Les cas d’extraction de corps étrangers en France restent rares : entre 400 et 600 par an, selon les données 2024-2025 des registres de signalement d’événements indésirables en milieu hospitalier. Le plus souvent, il s’agit de compresses ou de petits instruments.