À 105 ans « et demi », Marius Garrigues est le plus vieux joueur du Stade Toulousain, mais il continue d’en suivre l’actualité avec son œil avisé et sa mémoire infaillible. Rencontre avec un homme rare.
Il est tombé dans la marmite tout petit, et cela fait un bon moment du coup : un peu plus d’une centaine d’années environ. « Enfant, mon père m’emmenait tous les week-ends voir jouer le Stade Toulousain et c’est à cette époque-là que je me suis promis de devenir un jour un des leurs », rembobine Marius Garrigues, aujourd’hui 105 ans et « demi ». Il tiendra parole en 1941. Interdit de se rendre à Paris, alors en zone occupée, pour poursuivre ses études dans « l’administration coloniale », il trouve finalement refuge au sein de la famille « rouge et noire » où un poste… d’instituteur lui est proposé à Grenade-sur-Garonne.

Après avoir évolué à la « Violette », l’équipe de son « bahut », puis au Toulouse Université Club (TUC), il hérite du numéro 13 au sein d’un club qui cultive certaines valeurs qui lui sont chères. « Dès que je suis arrivé au Stade, j’ai immédiatement senti ce sens du collectif, cette solidarité », affirme celui qui évolue aux côtés de « ses grands amis » Henri Dutrain et Jean Lassègue et réalise alors « son rêve ». « Il y avait des questionnements autour de ma taille, de mon poids, mais avec la volonté j’ai été – je le crois – un trois-quarts centre de bonne qualité, assez rapide et avec un bon coup d’œil », sourit notre fringant interlocuteur, tiré à quatre épingles dans son fauteuil d’une maison de retraite de la banlieue toulousaine où il séjourne dans une chambre ornée de drapeaux de son « club de cœur ».
Dupont ? « il n’a que des “+” «
« Le rugby a beaucoup changé : à mon époque, on insistait plus sur la défense. Il fallait d’abord être un bon plaqueur. C’est un international gallois, John, qui m’a appris à plaquer bas, aux chevilles », raconte-t-il en évoquant « ces chocs déjà bien présents mais moins violents qu’aujourd’hui ». « Offensivement, on misait déjà beaucoup sur la vitesse et j’adorais cela, je pense que je me serais régalé dans le rugby d’aujourd’hui », confie également ce fan d’Antoine Dupont : « quand on regarde sa fiche, il n’a que des “+” et il y ajoute des qualités morales exceptionnelles. C’est la quintessence du rugby à la toulousaine, une vraie fierté ».

Parti à Mazamet en 1947, Marius Garrigues manquera le titre de champion de France du Stade Toulousain la même année, mais y fera la rencontre de Lucien Mias, son « ami cher », dit-il de l’emblématique capitaine du Sporting Club Mazamétain et de l’équipe de France. C’est là-bas, dans le Tarn, qu’il apprend également un nouveau métier qu’il va finalement privilégier au détriment du rugby en 1952, quand le « manque de temps pour s’entraîner » le conduit à raccrocher les crampons. Devenu secrétaire général de la fédération du textile, il découvre alors le syndicalisme et le début des conventions collectives en parcourant la France.
« Les valeurs du rugby m’ont beaucoup influencé dans ma vie professionnelle : le courage, coopérer en équipe, le sens du collectif, toutes ces qualités de rapprochement », énumère cet arrière dont les meilleurs amis étaient des avants car « sans eux, on ne peut rien faire ».
« Ils ont de quoi calmer les Bordelais »
C’est cette osmose parfaitement orchestrée qui lui fait dire que Toulouse « a la plus belle équipe du monde ». Et si ce n’était pas la meilleure, dimanche dernier, en demi-finale de la Champions Cup face à l’Union Bordeaux-Bègles (35-18), Marius s’est consolé avec la réussite du manager girondin Yannick Bru, un « illustre » ancien toulousain.

« S’ils parviennent à digérer cette défaite, ils ont de quoi calmer les Bordelais pour le Brennus », rajoute-t-il tout de même dans un large sourire en détaillant les qualités de chaque joueur un par un, et notamment celles de Thomas Ramos, le « Mazamétain » avec qui « il aurait aimé jouer ».
Tout au bout de ces savoureuses confidences, nous n’avons pas résisté à la tentation de demander à notre conteur hors pair le secret de cette longévité épanouie. « De l’amour et de l’amitié », a-t-il garanti de son sourire éclatant. Promis, on va tous s’y atteler Monsieur Garrigues.
SA VIE EN DATES
1919 : naissance le 19 août de Marius Garrigues à Toulouse.
1941 : Débute sous le maillot du Stade Toulousain. Marius évolue au poste de trois-quart centre avec son numéro 13 « porte-bonheur ». Il y restera jusqu’en 1946
1952 : Joueur de Mazamet depuis 1947, Marius met alors un terme à sa carrière de joueur pour privilégier son avenir professionnel.
2019 : Il reçoit l’Ordre Nationale du Mérite à l’occasion de son centenaire, notamment pour son rôle joué dans la modernisation de l’industrie du textile.
2025 : À 105 ans Marius donne le coup d’envoi fictif de la rencontre entre Toulouse et Pau au stade Ernest Wallon le 29 mars 2025 accompagné de ses arrières petits-enfants, Jules et Maxime.