L’attribution de certains marchés de la ligne C du métro de Toulouse a-t-elle donné lieu à des malversations ? Sept prévenus sont jugés depuis lundi 12 mai 2025 devant le tribunal correctionnel pour des soupçons de favoritisme, parmi lesquels Jean-Michel Lattes, président de Tisséo Collectivités. Place ce mardi aux réquisitions du parquet.
Le marché public de 4 millions d’euros accordé à la société lyonnaise Algoé, dans le cadre de la construction de la ligne C du métro de Toulouse, est-il entaché de favoritisme ? Depuis lundi 12 mai 2025, le tribunal correctionnel juge plusieurs cadres dont Jean-Michel Lattes, président de Tisséo Collectivités, et Jean-Michel Evin, ex-directeur général des services de Tisséo avec en toile de fond, des soupçons d’irrégularités voire de prise illégale d’intérêts.
18 000 documents saisis lors de l’enquête, 63 gigaoctets de données et une question : Algoé aurait-elle dû être mise en concurrence pour ce marché, comme le pense la chambre régionale des comptes, à l’origine de la procédure pénale ? L’embauche du fils de l’ancien DGS de Tisséo au sein d’Algoé aurait-elle fait office de renvoi d’ascenseur ? Dans ce dossier très technique, les avocats des sept prévenus ont tiré à boulets rouges sur la qualité de l’enquête lundi, contestant toute forme d’infraction en des termes parfois virulents. Les réquisitions du parquet, ce mardi, n’en étaient que plus attendues.
« En 2017, Tisséo gérait un budget propre de 770 millions d’euros. Quand on manie des fonds publics d’une telle ampleur, on a un devoir d’exemplarité. Et le devoir de se comporter de manière intègre », cingle la procureure Véronique Benlafquih.
Elle s’appuie notamment sur l’explosion des coûts du fameux marché passé avec Algoé (150 000 euros minimum par an sur cinq ans, ndlr), qui a finalement coûté 4,3 millions d’euros au contribuable. « Tisséo n’a jamais établi une estimation de ce marché, pas même en interne ».
Pour elle, la concurrence a été faussée dès le départ. La société Algoé a toujours eu « un coup d’avance » sur ses deux adversaires. Et en a largement profité. Ainsi que sept sous-traitants qui ont pu intervenir dans le projet sans jamais avoir été soumis à un appel d’offres.
Une fois le marché initial conclu, « on ajoute des bons de commande, 66 au total, couvrant tout et n’importe quoi, parfois même signés postérieurement à la prestation », s’effare la représentante du ministère public.
Libre accès à la commande, égalité traitement candidats : « la violation de ces principes fondamentaux caractérise délit de favoritisme selon la Cour de Cassation », rappelle Mme Benlafquih. L’élément intentionnel est quant à lui « constitué par le simple fait d’avoir de l’expérience et d’avoir contribué au marché litigieux ». Premier visé, « Jean-Michel Lattes, élu depuis 1992, ex-premier adjoint maire, président de Tisséo, docteur en droit, maître de conférences… ».
Après avoir balayé toute notion de prescription – « totalement infondée » – elle a requis contre chacune des personnes morales Tisséo collectivités – « le plus gros responsable du désastre de ce marché » et Algoé, 400 000 euros d’amende dont 300 000 avec sursis pour prévenir la récidive. Et la confiscation des sommes saisies.
À l’encontre de Jean-Michel Lattes, 8 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende et une peine « obligatoire depuis 2016 pour assainir la vie politique » de 2 ans d’inéligibilité. « Car à cause de lui, Tisséo s’est potentiellement appauvri ».
La procureure a requis 12 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende et 2 ans d’inéligibilité contre Jean-Michel Evin qui a « quasiment tout signé ». « Il savait parfaitement ce qu’il se passait. Un DGS efficace dont l’objectif était de satisfaire les élus dans les meilleurs délais sans oublier son intérêt familial. Il était le fusible parfait, celui qui part quand les choses tournent mal pour protéger les autres. Il a parfaitement joué son rôle ».
Son fils, embauché par Algoé, « a accepté son contrat par facilité. Il a pris de mauvaises habitudes en entrant dans la vie active. J’espère que ça lui servira de leçon », a-t-elle dit, requérant 3 000 euros d’amende.
Contre Gaël Vilotitch (responsable de mission chez Algoé), poursuivi pour recel de favoritisme, elle a réclamé 12 mois avec sursis et 10 000 euros d’amende. Enfin, à l’encontre de l’agence Campana (recel de favoritisme), 200 000 euros d’amende dont 150 000 sursis et confiscation des sommes saisies ont été requis.
Place désormais aux plaidoiries de la défense.