À Toulouse, les jeux de rôles n’ont jamais cessé d’attirer des passionnés d’imaginaire, en quête d’un moment d’évasion. Ces jeux, légers, divertissants et très immersifs, peuvent être dévastateurs pour les joueurs en détresse psychologique, souhaitant échapper à la réalité.
La nuit est tombée sur Toulouse. Dans les ruelles désertes aux murs de briques rouges, la lumière des lampadaires vacille et dessine des ombres mouvantes. Soudain, un homme vêtu d’une cape noire s’élance dans une course effrénée, poursuivi de près par un chevalier en armure, brandissant une épée imaginaire. Leurs pas résonnent sur les pavés et brisent le silence de la Ville rose à deux heures du matin. Cette scène n’est pas tirée d’un film ni d’un rêve éveillé, mais bien une partie de jeu de rôle grandeur nature, où l’imaginaire s’empare du réel et transforme la cité en un théâtre d’aventures nocturnes.
« Ce que j’aime dans les jeux de rôles, c’est cette échappée vers un monde totalement fictif, tout en partageant ces moments avec des amis », confie Hector, 20 ans, passionné par l’univers des jeux de rôles. Pour lui, comme pour beaucoup, le jeu de rôle est un refuge, un espace de liberté.
Bertrand, Toulousain, se souvient avec émotion de ses années lycée en 1990, où il a plongé dans l’univers des jeux de rôles. Il se rappelle que, « j’ai joué pendant cinq ou six ans. Il existe plusieurs formes de jeux de rôles. Certains sont libres, d’autres guidés par des scénarios. On jouait entre amis, chacun créait son personnage. Parfois autour d’un plateau, parfois en pleine ville, costumés, en pleine nuit ». Il ajoute que, « une fois, on courait déguisés en trolls, sous les réverbères. Même si c’était la nuit, il y avait tout de même des passants. Ils nous regardaient, intrigués ».
Mais derrière ces souvenirs joyeux, légers, se cache une expérience intense, bouleversante.
Les dérives du jeu de rôle
Lors de certaines parties, appelées « campagnes », l’histoire peut durer des années et les joueurs incarnent le même personnage. « Une fois, j’étais une sorte de garde du corps chargé de protéger la fille d’un homme très haut placé. Mon personnage tombait amoureux d’elle. Je suis sûr que, si je la croisais aujourd’hui, je la reconnaîtrais à travers ce personnage », raconte-t-il. La frontière entre fiction et réalité s’efface et les émotions vécues dans le jeu laissent une trace profonde.
Pourtant, cette immersion totale peut comporter des risques. « Une année, on a appris qu’un joueur était parti en dépression sévère. Son personnage était mort après plusieurs années de campagnes et il ne l’a pas supporté. Si on s’attache trop à ces univers, cela peut devenir très dangereux. Il faut savoir garder la distance », avertit Bertrand.
Malgré tout, la passion perdure et se transmet. Il confie qu’aujourd’hui, dans son groupe de musique, « un jeune nouveau membre fait des jeux de rôles. Le concept a toujours du succès ».
Le jeu de rôle, qu’il se joue autour d’une table ou dans les rues endormies, reste un art de l’imaginaire. Dans ce fragile équilibre entre évasion et réalité, il continue d’enchanter ceux qui osent franchir le pas, cape au vent, vers l’aventure. Mais lorsque l’imaginaire devient refuge permanent, les conséquences peuvent être profondes. On peut devenir quelqu’un d’autre… pour un soir, ou pour toujours.