Le plus vieux site hospitalier de soins dentaires au monde se trouve à Toulouse, à l’Hôtel-Dieu. Entièrement rénové après 9 mois de travaux, il poursuit sa mission initiale d’accueil des plus précaires. Et innove pour la prise en charge des patients fragiles et porteurs de handicap.
Derrière les murs repeints, les fauteuils neufs et les microscopes de pointe, ce sont presque 250 ans d’histoire dentaire qui se racontent entre les pierres de l’Hôtel-Dieu. Dans la cour des filles de la charité, au premier étage, le service d’odontologie du CHU de Toulouse vient d’être entièrement réhabilité. Neuf mois de travaux et 1,7 million d’euros ont été nécessaires pour revoir et réorganiser les 600 m2 de ce lieu répertorié comme le plus ancien site de soins dentaires hospitaliers au monde.

La première trace d’un odontologiste y remonte à 1780 avec Pierre Delga, un chirurgien-dentiste connu pour avoir soigné Marie-Antoinette et Voltaire.
« Il y a toujours une petite guerre avec les États-Unis mais on s’accorde à dire que la France a inventé la chirurgie dentaire avec Pierre Fauchard et que Baltimore a ouvert la première faculté. D’après les recherches publiées par notre équipe en 2022 dans Journal of Dental History, et non contestées à ce jour, l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques est le plus ancien site de soins dentaires hospitaliers encore actif », déclare le Professeur Jean-Noël Vergnes, responsable du service dentaire de l’Hôtel-Dieu (1).
« S’occuper d’une carie, soulager la douleur, c’est noble »
Depuis le départ du service d’orthopédie, en 1986, les chirurgiens-dentistes sont les derniers soignants en exercice à l’Hôtel-Dieu, devenu le principal site administratif du CHU de Toulouse.
« C’est une fierté de continuer à proposer une offre de soins ici et, notamment, de soigner les plus précaires ou ceux qui se trouvent en errance thérapeutique. La chirurgie dentaire peut être très technique (implantation, chirurgie orale) mais elle implique aussi des soins primaires et ils sont très importants dans une grande ville comme Toulouse. S’occuper d’une carie, d’une dent qui bouge, soulager la douleur, soigner une personne âgée pour qu’elle puisse se nourrir correctement, c’est aussi noble », pose le Pr Jean-Noël Vergnes.

Des trois sites du service d’odontologie du CHU de Toulouse (avec Rangueil et l’Hôpital des enfants), l’Hôtel-Dieu est le seul à proposer la « dentisterie sociale ». En 2023, il a accueilli 1 200 patients en situation précaire via la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS), soit 1700 consultations (rendez-vous médico-social pour l’ouverture des droits inclus). « Ce sont des soins d’urgence pour des personnes sans papiers, qui n’ont jamais vu un médecin et qui ont très mal aux dents. On ne leur dit pas qu’il fallait venir plus tôt ou prendre rendez-vous. On les soigne, c’est tout, et c’est notre mission hospitalière », explique le responsable du site.
Chaque jour, du lundi au vendredi, entre 80 et 100 patients sont reçus, dont près de 60 pour des urgences. « Nous refusons des patients, les créneaux se remplissent en 30 minutes le matin. Ouvrir 7 jours sur 7 ? On aimerait bien, le besoin est là. Mais, pour l’instant, la perspective, c’est d’améliorer le réseau hôpital/ville parce que si la PASS dentaire est du ressort de l’hôpital, les autres patients doivent pouvoir trouver des rendez-vous chez un dentiste de ville, nous n’avons pas vocation à être un méga cabinet dentaire », ajoute le Pr Jean-Noël Vergnes.
Première en France avec un box dédié aux personnes fragiles ou porteuses de handicap

Parmi les nouveautés, un espace unique en France : le box 56. Plus grand, il ne possède pas de fauteuil fixe. Ici, le patient arrive comme il est, dans son fauteuil ou sur un brancard. Ce sont les soignants qui tournent autour de lui et s’adaptent à son besoin spécifique (handicap moteur ou physique, fragilité liée à l’âge, troubles cognitifs majeurs, poids supérieur à 180 kg). « Il peut même choisir la fenêtre vers laquelle regarder ou tourner le dos au matériel si ça génère de l’angoisse. Après le transport en ambulance, les embouteillages, les ascenseurs, ils ont besoin d’un lieu calme et sécure », glisse le Dr Marie-Hélène Lacoste-Ferré, chirurgien-dentiste, qualifiée en médecine bucco-dentaire.
« Chez les patients en grand âge ou atteints de certaines pathologies, la bouche se dégrade rapidement. Notre objectif est qu’ils n’aient plus mal, qu’ils ne déclenchent pas d’infection et qu’ils puissent à nouveau s’alimenter », complète sa consœur, Lucie Rapp.