Face à la baisse de la présence de la police nationale et à une société jugée plus violente, les communes de Haute-Garonne s’orientent massivement vers l’armement de leurs policiers municipaux. Dernière en date, Tournefeuille, longtemps réticente, annonce l’équipement de ses agents d’ici 2026. Ce virage sécuritaire illustre une mutation profonde du rôle et des missions de la police municipale.
Jusqu’ici, Tournefeuille faisait figure d’exception. Dans cette commune paisible de l’ouest toulousain, aux airs de grande banlieue résidentielle, les policiers municipaux patrouillaient sans arme à feu. Mais ce temps touche à sa fin : d’ici à mi-2026, les onze agents de la police municipale seront armés. L’un des derniers bastions non armés de Haute-Garonne tombe. Et avec lui, une certaine idée de la sécurité locale.
En mars dernier, le maire Frédéric Parre a officialisé la décision. La formation débutera dès le mois de juin. Un virage sécuritaire justifié, selon l’élu, par la baisse de la présence de la police nationale sur le terrain : « La police nationale ne peut plus assurer de permanence suffisante. » Une réaction au sentiment croissant d’insécurité et à une société perçue comme plus violente, où la dissuasion influence désormais fortement les décisions politiques.
Mais Tournefeuille n’est pas un cas isolé. La tendance est nationale. En 2024, plus de 4 500 communes disposent d’une police municipale. Leurs effectifs ont doublé depuis 2002, atteignant aujourd’hui 28 000 agents, dont 56 % portent une arme létale. Et cette progression s’accélère. En 2008, à peine 22 % des policiers municipaux étaient dotés d’une arme à feu. Ils sont aujourd’hui plus de la moitié, selon les chiffres du CNFPT.
Dans le département, le nombre de dossiers d’armement de policiers municipaux est croissant mais contenu, note la préfecture de Haute-Garonne, qui délivre les autorisations. « Les municipalités évoquent la sécurisation du territoire de la commune, et notamment le maintien de l’ordre au niveau des établissements scolaires, les grands événements… afin de justifier leur demande », indiquent les services de l’État, précisant qu’aucun refus n’a été opposé à ce jour à une commune.
L’armement, un argument pour le recrutement
Cette militarisation progressive est aussi un enjeu de ressources humaines. Pour Brigitte Ségard, présidente de l’Association des maires de Haute-Garonne, l’armement est devenu un critère d’attractivité pour recruter dans un métier en tension : « Dans une période de pénurie de candidatures, ne pas armer ses agents peut freiner le recrutement. »
Du côté des premiers concernés, les opinions sont nettes. Nicolas Romero, délégué Force Ouvrière de la police municipale de Toulouse, est catégorique : « C’est une évidence. » Face à l’explosion des délits et à la montée de la violence, il estime que l’État « se décharge » sur les collectivités. « On est les premiers à intervenir, et la société est de plus en plus violente. L’arme est là pour répondre à une atteinte vitale. C’est une question de légitime défense. »
Le « Beauvau des polices municipales », qui s’est clôturé en mars dernier, a mis en lumière une autre mutation : celle des compétences. Une proposition de loi, actuellement à l’étude, envisage de confier des pouvoirs de police judiciaire aux directeurs de police municipale. La police municipale va-t-elle devenir un véritable corps de substitution ?