À Toulouse, le quartier Arnaud-Bernard est secoué par une vive querelle entre un bar emblématique et des associations, assignées en justice pour concurrence déloyale. Ce bras de fer révèle une fracture entre acteurs culturels et économie locale. Certains bénéficient-ils de passe-droits ?
À Toulouse, quartier Arnaud-Bernard, la guerre des bars est déclarée. Un conflit agite en effet les rues animées de ce quartier populaire : celui entre un bistrot historique et deux associations voisines. Fayssal Naceur, gérant du bar « Le Txus » depuis 2019, accuse ces structures de vendre de l’alcool sans licence, provoquant une chute brutale de son chiffre d’affaires. L’affaire est désormais entre les mains de la justice.
Des bars déguisés en associations ?
Selon lui, l’Escabel, situé juste en face de son établissement, ainsi que la Maison Blanche, émanant d’un collectif d’associations historiques du quartier, fonctionnent tous les jours comme « des bars déguisés ». « Sous couvert d’une association de lutte contre l’isolement et pour l’aide aux seniors, ils organisent des soirées où la bière coule à prix cassés grâce aux happy hours, tout en bénéficiant de subventions publiques », affirme-t-il. Il estime qu’elles utilisent leur statut associatif pour contourner les règles que doivent respecter les bars classiques, « les clients, au lieu de boire la pinte chez moi à 5 euros, ils vont à l’association et la consomment à 3 euros » s’insurge-t-il.
Un constat d’huissier a d’ailleurs révélé l’absence de licence pour vendre de l’alcool dans ces lieux, où les boissons sont proposées en échange d’une cotisation symbolique, « aucun événement associatif n’était en cours » peut-on lire dans son rapport sur l’Escabel.
Moins 40 % de chiffre d’affaires
Fayssal dit avoir perdu entre 30 et 40 % de son chiffre d’affaires, au point de devoir se séparer de ses deux employés. « Il faut que tout le monde joue avec les mêmes règles, moi je paie mes charges, mes impôts, tandis qu’eux bénéficient de subventions pour me faire concurrence », insiste-t-il, dénonçant un montage frauduleux et des tensions croissantes entre lui et les associations du quartier. Le tribunal de commerce de Toulouse examine actuellement l’assignation qu’il a déposée avec son avocat Me David Nabet Martin. Ils demandent une lourde indemnisation pour compenser les pertes économiques et faire interdire la vente d’alcool dans les deux associations visées.
Les deux associations contestent
Face à ces accusations, l’Escabel se défend. D’après des documents auxquels nous avons eu accès, l’association estime que la plainte arrive trop tard et rappelle qu’elle ne fonctionne pas comme un bar commercial, mais comme un espace culturel réservé à ses membres. Elle rejette toute faute et accuse à son tour Le Txus d’abuser de la justice, réclamant plusieurs milliers d’euros en compensation. Même argument de Me Valérie Séguier, qui représente la Maison Blanche. Le conseil pointe « des arguments ubuesques » soutenus par le Txus, qui est, selon lui, « le seul bar du quartier à se plaindre d’une concurrence déloyale des associations culturelles », « la baisse du chiffre d’affaires du Txus n’a aucun lien avec l’activité des cafés culturels historiques de ce quartier ».
Interrogée, la mairie de Toulouse assure qu’à son niveau, aucune infraction n’a été relevée. « Il y avait un cahier de présence dans les bars associatifs et aucun alcool fort » indique l’adjoint au maire, Emilion Esnault. S’agissant de la question d’une présumée concurrence déloyale, « c’est du ressort de la justice de le déterminer ». Le tribunal de commerce rendra sa décision dans les mois à venir.
Un conflit qui a déjà dégénéré ?
Ce bras de fer entre les deux associations et le commerçant touche à des questions sensibles : droit à l’animation culturelle, égalité devant la loi, survie économique des établissements indépendants. Et ce contentieux pourrait même être lié à des violences subies en 2020 par Fayssal Naceur, agressé alors qu’il filmait une terrasse de « La Maison Blanche » bloquant un accès pour le fauteuil roulant de son neveu. Après une altercation verbale avec le gérant, un homme l’a menacé et frappé. Le quartier, lui, observe cette bataille de près.