Rio Loco. Sa chanteuse Jocelyne Béroard se souvient du concert mémorable qui a enflammé la Prairie des filtres en 2013.
Kassav revient, mercredi 11 juin, pour l’édition collector des 30 ans du festivalVous souvenez-vous de la ferveur qui a accompagné votre concert en 2013 pour l’édition de Rio Loco consacrée aux Antilles ?
Oui, je me souviens de Rio Loco parce que c’était fabuleux. Comme je le fais toujours, je prends des photos. Et c’était très chaud. Mais je crois qu’il y a à Toulouse beaucoup d’étudiants et une importante communauté antillaise.
Vous avez aussi su mettre l’ambiance…
En fait, on a des titres qui donnent envie aux gens de danser et d’être ensemble, tout simplement.
Vous revenez pour les 30 ans de Rio Loco avec un hommage à Jacob Desvarieux, cofondateur de Kassav, disparu en 2021. C’est important pour le groupe de lui dédier ce concert ?
Complètement. On s’est beaucoup posé la question de savoir si on pourrait continuer sans Jacob. Et j’ai dit, de toute façon, même si on ne continue pas, on va au moins lui rendre hommage. Pour choisir le répertoire, on a pris essentiellement des morceaux qu’il avait créés ou dans lesquels il a été impliqué. Les choses qu’il a faites pour les autres, dont moi. Quand on a commencé à travailler, on s’est rendu compte que ce sont des morceaux immortels. Donc, on est condamné joyeusement, à le faire jusqu’au bout. C’est-à-dire qu’on ne pourra plus jouer sans les morceaux de Jacob, c’est clair. Le concert de Rio Loco va donc se dérouler de cette façon avec des chansons iconiques.

Votre nouvel album « Sé’w nou enmé » (« C’est toi que nous aimons ») est déjà un hommage à Jacob…
Absolument, ce n’est pas un album de chansons nouvelles. C’est le live du concert de Bercy. D’ailleurs, il n’y a pas que Jacob, qui ne soit plus sur scène avec nous, puisque Jean-Philippe Marthély a fait un AVC. On a été obligés de remplacer deux personnes, deux voix essentielles, celle de Jacob et de Jean-Philippe. Il y a des chansons, évidemment, sur lesquelles il y a des arrangements nouveaux. Je peux en chanter certaines mais d’autres pas. Donc, Jean-Claude Naimro qui est notre pianiste s’est prêté au jeu. À présent, il chante également et il a pris à bras-le-corps toutes les chansons de Jacob. On a invité aussi un chanteur de Guadeloupe qui s’appelle Patrice Hulman. Et puis un guitariste, évidemment, puisque Jacob était d’abord et avant tout un guitariste. C’est également un jeune de Guadeloupe Karim Verger qui nous a rejoints.
Depuis 45 ans, vous faites danser la planète au son du zouk que vous avez rendu populaire. C’est une fierté ?
Nos musiques sont dansantes mais d’ailleurs la musique en général fait danser. On n’est pas originaux. Je veux dire, quand vous écoutez du rock’n’roll, les gens dansent. Même la musique classique se danse. La musique est faite pour s’exprimer, pour faire passer des émotions. On a choisi de faire des chansons gaies. Mais ce ne sont pas des chansons uniquement pour amuser la galerie. C’était au départ des chansons pour pouvoir exister. Parce qu’en fait, on vient d’un petit pays isolé où il n’y a pas d’école de musique mais où les gens aiment la musique qu’ils apprennent souvent seuls. Alors, sans les meilleurs studios du monde, sans les meilleurs ingénieurs du monde, il était question pour nous de nous mettre au niveau mondial, tout simplement. De dire, on est tout petits mais on existe. C’était ça le challenge. Trouver un nouveau style. Être original.
À quoi attribuez-vous ce succès qui a perduré malgré le renouvellement du groupe ?
Je pense que c’est surtout l’originalité de notre musique. Le zouk a été bien trouvé quelque part parce qu’on se sert de la sonorité du ti-bois qui est une percussion en bambou. C’est ce qui tient la plupart des rythmes de chez nous et qui est utilisé dans un tas de musiques dans le monde aujourd’hui. C’est-à-dire que le zouk a ouvert des portes et il y a plein de gens qui composent, qui appellent leur musique autrement, mais quand j’écoute, je souris parce que je sais d’où ça vient.
Je voudrais dire aussi qu’on est toujours là parce qu’on a choisi de faire des morceaux gais pour rassembler les gens. Parce que ça fait du bien. On a envie de faire de ce monde un monde un peu plus vivable. Qu’on se regarde et qu’on se dise que c’est possible avec une musique qui va donner aux gens envie de se lever, envie de danser, envie d’avancer. Tout en sortant de l’image des cocotiers, des jolies filles, de la biguine, doudou, oui, c’est bon, c’est sucré, ça sent la vanille. Et il fallait sortir de ça.