À Toulouse, dans le quartier populaire d’Empalot, des graffitis affichant les prix de la drogue rappellent la persistance des trafics malgré un ambitieux programme de rénovation. La métamorphose de ce quartier est-elle compromise. ?
Quelques plaques claires parsèment la façade d’un gris déprimant. Sur cet immeuble de la rue des Casernes, à Toulouse, le nettoyage trop appuyé, à grands jets de Kärcher, a fait sauter l’enduit. Il a aussi fait disparaître les chiffres tagués en rouge, au début du mois de juin. Les prix étaient affichés comme une formule kebab-frites-boisson, sauf que là, c’était pour de la cocaïne. 20 euros le demi, 40 le gramme.
Quelques mètres plus loin, rue de Venise, la même publicité a été inscrite sur un mur beige. Effacés en moins de 24 heures, ces graffitis dans un quartier en mutation ont suscité de vives interrogations parmi les habitants.
Camila, la trentaine, habite rue du Férétra depuis 2017. Elle passe devant le bâtiment de la rue des Casernes tous les jours. « Ils ont affiché le menu du trafic de drogue juste à côté d’une crèche. C’est dommage, le quartier, depuis ces dernières années, se transforme. La population se diversifie, il y a de nouveaux commerces, de nouvelles classes sociales, des bobos avec des enfants. L’image commençait un peu à changer. Quand on sort de chez nous et que l’on voit ce genre de choses, on a l’impression de revenir à l’époque d’’Empalot, la cité’, comme si l’on reculait de dix ans », déplore-t-elle. La jeune femme assure que les aménagements urbains comme les pistes cyclables, les terrains de foot neufs ou encore la passerelle ont permis d’accélérer la métamorphose.
« Il reste des choses à faire »
Martine s’est installée dans une des tours il y a plus de 20 ans. Cette retraitée reconnaît que la réhabilitation à grands frais de la cité a amélioré la situation. « On se sent plus en sécurité qu’avant. Il y a moins de trafics de drogue, moins de bandes de jeunes qui traînent », assure cette habitante.
L’ambitieux programme de renouvellement urbain, amorcé ces derniers mois, doit lui offrir un nouveau visage, une nouvelle attractivité. Les barres d’immeubles vétustes tombent comme des mouches ; des bâtiments neufs champignonnent. L’aménageur, Oppidéa, annonce qu’à terme, 1 200 appartements seront démolis et la reconstruction de 1 900 appartements neufs est programmée, dont près de 50 % en accession libre à la propriété. « Vu son ambition et sa localisation stratégique, le quartier Empalot peut être comparé à un projet de développement métropolitain », indique-t-il.
Une partie des nouveaux habitants aimerait que le processus s’accélère. Un collectif de riverains a adressé un courrier au maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, et au maire de quartier, Jonnhy Dunal, pour dénoncer la persistance de nuisances dans leur quotidien. Dans leur lettre, ils expriment leur « fatigue et leur colère » face « aux conditions de vie dégradées qui sont les nôtres ». « Nous sommes traités comme des citoyens et citoyennes de seconde zone », dénoncent-ils. Ils détaillent leur quotidien bruyant entre « des rodéos en mini-moto, tantôt des sound-systems et des feux d’artifice, et, encore plus troublant, le hurlement des jeunes shootés au protoxyde d’azote. » « Notre réalité est désormais celle de nuits blanches, de sommeil entrecoupé par le bruit des moteurs et les cris d’une toute petite minorité, qui fait de la vie des milliers d’habitants du quartier un enfer. »
Emilion Esnault, adjoint au maire en charge de la sécurité, rappelle que sur le plan de la sécurité, « il faut regarder l’évolution ». « Avant 2014, il n’y avait pas de police municipale dans les quartiers hors centre-ville. Depuis, il y a eu un armement, une montée en compétences et une augmentation des effectifs. On est revenus dans les quartiers prioritaires. Aujourd’hui, on intervient 24h/24. En aucun cas, le quartier est délaissé, bien au contraire. Plus de 90 % des appels à Allô Toulouse aboutissent sur une intervention. »
L’élu affirme que cette présence a des résultats : « On note un net recul des points de deal. Certes, il reste des choses à faire, mais il y a aussi de vraies victoires en termes de sécurité et de tranquillité. Leur courrier ne peut se baser que sur une nuit. Nous sommes intervenus au quatrième appel. Cette nuit-là, les services ont dû faire face à une saturation avec 99 appels enregistrés. »
Son collègue, Jonnhy Dunal, n’ignore pas qu’attirer un nouveau profil d’habitants tout en préservant l’identité d’Empalot est un travail de longue haleine. « Dans dix ans, la mutation sera achevée », prédit l’élu.