À Toulouse, la colère et la tristesse s’expriment. À l’appel du syndicat FSU-SNUipp 31 et de l’intersyndicale, un rassemblement est prévu ce jeudi 12 juin à 17h30 devant le rectorat de Toulouse. En solidarité avec la victime du collège Françoise-Dolto de Nogent, mais aussi pour dénoncer un climat scolaire devenu « irrespirable », les enseignants, personnels de l’Éducation nationale et parents d’élèves sont invités à venir nombreux. Le syndicat souhaite « exprimer collectivement [son] soutien à la communauté éducative et à la famille de la collègue, mère d’un enfant de quatre ans, tuée alors qu’elle faisait son travail ».
La mobilisation toulousaine s’inscrit dans un élan national. À Chaumont (Haute-Marne), une centaine de personnes se sont déjà réunies ce mercredi 11 juin. À Lille, enseignants et syndicats ont également battu le pavé pour faire entendre leur détresse.
Les enseignants étaient sidérés. Toute la communauté éducative est choquée », témoigne Jean-Luc Cornesse, du Snes-FSU à nos confrères de l’AFP.
Un meurtre sans mobile personnel
Le crime survenu mardi 10 juin à Nogent choque par son caractère arbitraire. Mélanie, assistante d’éducation depuis septembre 2024, a été poignardée par un élève de 14 ans. Le garçon, placé en garde à vue, a déclaré aux enquêteurs qu’il voulait « s’en prendre à une surveillante », précisant que cela aurait pu être « n’importe laquelle ».
Le procureur Denis Devallois souligne que le garçon « n’avait pas de grief particulier », envers la victime, chargée ce jour-là de vérifier les carnets à l’entrée du collège. Le geste aurait été mûri dès le week-end, après un incident survenu vendredi dernier : une autre surveillante l’aurait « sermonné » pour avoir embrassé sa petite amie dans l’établissement.
Ce meurtre n’a donc rien d’un acte isolé sous le coup de l’émotion. Il a été prémédité, froidement exécuté avec « un couteau de cuisine de 34 cm avec une lame d’une longueur de 20 cm ». Durant sa détention, l’élève a fait part « d’une certaine fascination pour la violence et la mort », n’exprimant « pas de regrets, ni aucune compassion pour les victimes », selon le procureur. Ce dernier dresse le portrait glaçant d’un adolescent « en perte de repère ».
Une victime « solaire », une communauté brisée
Les hommages pleuvent pour Mélanie, 31 ans, ancienne coiffeuse reconvertie en assistante d’éducation. Mère d’un petit garçon, elle était aussi conseillère municipale dans son village de Sarcey, à quelques kilomètres du collège.
« C’était une personne tellement gentille », se souvient Laurence Raclot, une ancienne collègue du salon de coiffure. « On est stupéfaits… dans une petite ville tranquille, jamais on n’aurait pensé ça ».
Sur les réseaux sociaux, ses proches la décrivent comme « solaire », « douce et gentille ». Devant les grilles du collège Françoise-Dolot, les bouquets de fleurs s’amoncellent. Des roses blanches, des mots d’enfants, des larmes silencieuses. L’établissement a repris ses cours ce jeudi 12 juin, après une journée de stupeur.
L’école en crise : un malaise profond
Au-delà de l’émotion, ce drame réactive de vives inquiétudes sur la violence en milieu scolaire. Deux sanctions disciplinaires avaient déjà été infligées à l’élève en cause pour des faits de violence en novembre et décembre 2024. Pourtant, rien n’a permis d’anticiper l’irréparable.
Le gouvernement a rapidement réagi. La ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, a annoncé une minute de silence ce jour dans tous les établissements scolaires. Emmanuel Macron, quant à lui, a dénoncé « les épidémies de violences » nourries selon lui par l’accès non régulé aux réseaux sociaux, se disant prêt à les interdire aux moins de 15 ans « si cela ne se fait pas au niveau européen d’ici quelques mois ».
Mais pour les enseignants sur le terrain, le mal est plus ancien et plus profond.
Notre gouvernement a mis en avant la santé mentale grande cause nationale, mais les élèves vont mal, parfois les enseignants vont mal, et il n’y a pas de psychologue », regrette Sonia Berramdane, professeure d’histoire-géographie à Lille.
Une réponse à construire, collectivement
Ce meurtre tragique a mis à nu les failles d’un système scolaire sous tension. Si certains responsables politiques évoquent déjà l’interdiction de couteaux aux mineurs, ou l’expérimentation de portiques de sécurité, d’autres appellent à une approche plus globale. « Il n’y a pas de solution magique », rappellent les voix du camp présidentiel et de la gauche. La droite, de son côté, insiste sur « la sanction ».
À Nogent, une marche blanche est organisée ce vendredi à 18 heures au départ du collège. À Toulouse, la mobilisation de ce jour résonnera comme un cri collectif : celui d’une école qui n’accepte pas l’inhumain comme nouvelle norme.
Il ne s’agit pas de réagir à chaud mais de construire un avenir pour notre jeunesse. […] Très vite, il faudra construire collectivement les réponses pour que de tels actes ne se reproduisent plus », conclut le syndicat toulousain.
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