Une tragédie qui a marqué l’histoire de Toulouse. Dans la nuit du 23 au 24 juin 1875, Toulouse vivait l’une des plus grandes catastrophes naturelles de son histoire. La crue exceptionnelle de la Garonne, provoquée par des pluies diluviennes et une fonte massive des neiges pyrénéennes, a noyé la rive gauche sous plusieurs mètres d’eau. Le quartier de Saint-Cyprien, notamment, s’est alors retrouvé submergé sous plus de trois mètres d’eau. À l’échelle du Pont Neuf, le niveau a atteint 8,32 mètres (soit dix fois son niveau habituel) : un record qui n’a jamais été dépassé depuis.
Il faudrait avoir la plume du Dante du XIXe siècle, la plume de Victor Hugo, pour décrire dans ses émouvantes péripéties, pour peindre dans son effrayante vérité ce naufrage d’une ville… », écrivait É. Bresson dans « La Réforme », le 30 juin 1875.
Place du château d’eau. © Fonds Eugène Trutat conservé par le muséum de Toulouse
Une crue régionale, des dégâts colossaux
Le bilan humain fut dramatique. À Toulouse, on dénombra 209 morts et plus de 1.400 maisons furent emportées, laissant 25.000 personnes sans abri. Dans l’ensemble du département de la Haute-Garonne, se sont 330 personnes qui perdirent la vie. À Muret, le pont suspendu fut arraché, et des villages entiers comme Pinsaguel ou Ondes furent presque entièrement rayés de la carte.
La mairie de Fenouillet après la catastrophe. © Tolosana
Mais le fléau ne s’arrêta pas aux portes de la Haute-Garonne. Dans le Tarn-et-Garonne, 116 personnes périrent, et 8.000 maisons furent détruites. Castelsarrasin comptait à lui seul au moins 50 morts. Moissac, Golfech, Verdun-sur-Garonne furent également durement frappées.
Dans le Lot-et-Garonne, 30 victimes furent recensées et la ville d’Agen fut submergée par une Garonne culminant à 11,39 mètres au-dessus de l’étiage.
Même les affluents furent en crue : l’Ariège, la Save et le Tarn participèrent au drame. À Verdun, dans l’Ariège, la rupture d’un barrage provoqua la mort de 81 personnes et la destruction de 50 des 70 maisons que comptait le village.
Le pont de Tarbes sur l’Adour a été détruit, et deux personnes furent emportées. © Christophe Cathelain – loucrup65.fr
Des mesures fortes après la catastrophe
Le désastre de 1875 poussa les autorités à agir. L’État mit alors en place de nouvelles règles pour toute construction ou reconstruction dans les zones inondées. Ainsi, les fondations devaient désormais atteindre un sol ferme, être réalisées en maçonnerie au mortier de chaux, et les murs devaient s’élever à au moins 3,50 mètres, dépassant de deux mètres le niveau atteint par la crue. Des digues furent également érigées dans Toulouse afin de prévenir de futures catastrophes.
Les digues du Pont des Catalans à Toulouse, 1968. © CC BY-SA 4.0/Fonds André Cros, conservé par les archives municipales de Toulouse
Mais la mémoire de cet événement reste gravée, renforcée par une phrase passée à la postérité : « Que d’eau, que d’eau ! », aurait lancé le président de la République Mac Mahon (notamment connu pour son manque d’éloquence) en découvrant les dégâts. Ce à quoi le préfet aurait répondu : « Et encore, Monsieur le Président, vous n’en voyez que le dessus… ! »
Un devoir de mémoire et de prévention
Aujourd’hui, dans un contexte de changement climatique où le risque de crues majeures demeure bien réel, la Ville de Toulouse n’oublie pas les leçons du passé. Ainsi, à l’occasion des 150 ans de cette crue historique, elle a organisé du samedi 5 au dimanche 6 avril un exercice de sécurité civile grandeur nature.
Objectif : tester les dispositifs d’alerte, d’évacuation et de mise à l’abri prévus dans le Plan communal de sauvegarde (PCS). Les habitants des quartiers de Saint-Cyprien, Croix de Pierre ou Bourrassol (historiquement inondés) ont été invités à se prêter au jeu.
Savoir réagir à une alerte, évacuer son logement, rejoindre un point de regroupement, être orienté vers un site de mise à l’abri, vivre une mise à l’abri dans un site d’hébergement… Autant de situations que la Mairie de Toulouse souhaite tester », explique la municipalité.
Un scénario immersif pour mieux se préparer
L’exercice a démarré vers 18 heures le samedi avec le déclenchement d’une alerte simulée, suivie d’une évacuation organisée. Les participants ont ensuite passé la nuit dans un centre d’hébergement prévu à cet effet, confrontés à des conditions volontairement réalistes.
Ce test inédit a été l’occasion pour la Ville de recueillir de précieux retours, et ce « afin de […] permettre à la collectivité d’améliorer les dispositifs opérationnels ».
En mettant en scène cette simulation, Toulouse démontre une volonté forte de sensibiliser sa population, mais aussi de faire évoluer ses pratiques. Car si la crue de 1875 appartient au passé, ses enseignements restent plus que jamais d’actualité.
>> Infos pratiques :
Du 23 au 25 juin, l’Université Jean-Jaurès accueille un colloque « Autour de l’Aïgat de 1875 dans le Sud-Ouest de la France » pour commémorer la catastrophe de 1875, et réfléchir sur les apports des grandes crues du passé sur la gestion actuelle du risque.
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