Sélectionneur de la Roumanie après avoir officié du côté de Béziers, Lyon, Montauban et du Portugal, David Gérard (47 ans), ancien deuxième ligne bordelais (1997-2000) et toulousain (2000-2005) donne son éclairage sur le duel en touche.
Son avis
Pour l’ancien deuxième ligne, cela ne fait aucun doute, « en régularité, Toulouse est un cran au-dessus ». Toutefois, s’il concède que « Bordeaux est moins régulier en championnat », il relève en revanche une équipe « très bonne et pertinente en Champions Cup », avec Guido Petti (3e meilleur preneur de balle de la compétition) comme « plaque tournante de l’alignement ».
Et si l’incertitude plane un peu plus du côté des « rouge et noir », « plus armés » dans ce secteur avec « un peu plus de garçons aux profils aériens comme Thibaut Flament et Alexandre Roumat, deux sauteurs de très haut niveau, et François (Cros, NDLR) en sauteur d’appoint » quand l’UBB présente « un profil d’équipe, avec les troisième ligne notamment, de joueurs de soutien mais aussi des N.4 ou N.5 denses, plus terriens qu’aériens », les deux alignements qui s’opposeront dimanche « se ressemblent parce qu’ils misent tout sur la vitesse et la hauteur ».
Le paradoxe girondin
Dès lors, comment expliquer que l’UBB, pire touche du Top 14 (3,19 perdues en moyenne par match), soit la meilleure sur la scène continentale (93 % de réussite) ? Les adversaires étrangers se désintéressent-ils à ce point de la conquête ? Les chiffres tendent à le démontrer puisque les cinq premières équipes depuis le début de la saison sont tricolores (le Stade est 4e avec 89 %). « Je pense que Bordeaux est aussi en train d’aligner ce qu’il a de mieux après avoir été handicapé pendant un long moment par l’absence de Petti, complète Gérard. Il a régulé les choses, que ce soit offensivement ou défensivement, c’est plutôt pertinent. »
Les talonneurs
Ce n’est pas une surprise : sur le papier, le boss, c’est Julien Marchand. « En termes de régularité au niveau du lancer, c’est du très, très haut niveau. Du très très haut niveau », insiste le sélectionneur de la Roumanie. Il ne tarit toutefois pas d’éloges sur Maxime Lamothe, celui qui lui fera face dans les rangs de l’UBB. « Il a vraiment progressé dans ce secteur-là mais aussi dans tous ceux de la conquête. Il était très bon dans le jeu courant avec son punch et sa vitesse. Après, dès qu’il y a du turnover, cela descend d’un cran côté bordelais. Benjamin Sa est encore friable sur son lancer, Romain Latterrade aussi. » Quid de Guillaume Cramont, – à qui l’UBB avait transmis une proposition plus avantageuse financièrement avant qu’il ne prolonge jusqu’en 2026 en janvier 2024 –, désormais appelé à faire office de doublure en l’absence de Peato Mauvaka.
« C’est leur fils spirituel, sourit l’ancien Toulousain. Il a appris dans leur ombre depuis bien longtemps, il connaît tous les systèmes. » Et pour lui, cela ne fait aucun doute qu’il est prêt à assumer ce rôle : « C’est un garçon assez complet, propre sur les basiques même s’il est moins dense que Peato, mais il est tout à fait capable de tirer son épingle du jeu et surtout de pallier son absence longue durée. Il a beaucoup progressé en mêlée fermée et son lancer est plutôt bon. Il faudra le mettre en confiance sur les zones qui vont être touchées. »
La bataille tactique
En quart de finale à Toulon, le Stade a buté dans un premier temps sur le poison Esteban Abadie avant de trouver les solutions. « Il leur avait complètement bloqué le milieu d’alignement, analyse Gérard. Il montait tellement haut qu’il contrait les ballons. Les Toulousains aiment bien lancer le jeu et on sait tous que c’est plus facile sur des blocs milieu ou arrière. Encore faut-il que tu aies un ballon de qualité dans ces zones-là. »
Si l’UBB devra forcément s’inspirer du modèle varois, Gérard loue la capacité d’adaptation des Stadistes quand ils sont contrés : « Ils trouvent vite des solutions, régulant tout en modifiant les options, en allant plus vite, en étant plus « smart » (intelligents). Ils ont commencé à lancer en courtes très fort devant sur les 5 m, au fond, à mettre de la réduite, à prendre les ballons en reculant plutôt qu’en avançant pour tomber sur des zones intermédiaires entre deux blocs et ont donc posé des problèmes. »
Le piège Meafou
Des nœuds au cerveau, les hommes d’Ugo Mola n’en créent pas uniquement en l’air. Car avec Emmanuel Meafou, destructeur de maul en chef – Clément Vergé n’est pas mal non plus –, ils possèdent une arme redoutable au sol. « Ils ont cette capacité à te bloquer des zones et à t’en libérer d’autres, livre Gérard. Et souvent, la zone libérée est celle où il y a Meafou. Tu as tendance à vouloir y aller pour les ballons portés et le problème, c’est que tu tombes sur le meilleur défenseur du championnat de France dans ce secteur. Donc le ballon en l’air, tu vas l’avoir mais ce n’est sûrement pas une zone qui est très pertinente pour lancer le jeu. C’est souvent du premier sauteur et à la redescente, tu as le feu de suite parce que tu dois contrer Meafou. Et quand tu veux faire un ballon dévié devant, tu forces ton N.9 à faire une passe très, très longue. Et le temps de latence où le ballon est en l’air, la défense a le temps de monter. Plus les Bordelais vont réduire, plus ils auront de possibilités. Je n’invente rien en disant ça parce que tu as beaucoup plus d’espaces. »
Conclusion
« Il va falloir se surprendre. Ils se connaissent tellement bien qu’il ne faut pas avoir peur de créer des choses sur ce match-là. On peut tenter différents alignements. Des fois, on peut être surpris par des choses qui paraissent très simples. Aujourd’hui, prendre un ballon porté sur une touche réduite, c’est rare, mais quand c’est bien fait, tu amènes tout de suite du danger. Des solutions, il y en a mais des fois, cela nous force, nous coachs, à prendre des risques. »