Rio Loco est aujourd’hui aussi populaire, c’est grâce à l’engagement de Christine Tillie. Directrice entre 2000 et 2010, elle a su donner du sens à la fête. Retrouvailles.
Si le festivalC’est un plaisir de vous revoir. Que faites-vous depuis votre départ de Rio Loco ?
Je fais beaucoup de randonnée. Je suis partie de Toulouse pour m’installer dans les gorges de l’Aveyron à Saint-Antonin-Noble-Val et j’y suis très bien.
À votre arrivée à la direction de Rio Loco en 2000, le festival a beaucoup évolué et pris de l’importance. Quelle était votre volonté ?
Je ne vais pas critiquer le festival avant que j’arrive, il avait ses raisons d’être, mais je voulais surtout l’ouvrir, le rendre très populaire. C’était mon premier désir. Ouvrir la culture à la population toulousaine qui ne va pas au théâtre, qui va rarement au cinéma, qui n’a que la télévision comme distraction, qui ne sort pas de son quartier, de son univers, donc je voulais à tout prix qu’elle soit la première à s’intéresser à ce que je voulais lancer. Et puis, j’avais envie aussi de l’ouvrir au monde et de ne pas faire comme beaucoup de festivals où on programme un artiste qui fait une tournée en France, et chaque festival le prend, ça ne m’intéressait pas du tout. On a eu la chance, grâce à la municipalité de l’époque, d’avoir les moyens d’inviter des pays pour montrer au public toulousain une représentation de ce qu’était cette culture, dans ce pays, notamment la musique, mais pas que, aussi le cinéma, la photo, le théâtre, les arts plastiques, bref, c’était extrêmement diversifié, ça dépendait surtout de ce que le pays proposait. Avec le Brésil, c’était extraordinaire pour la musique. Pour le Mexique, c’était davantage les arts visuels, la décoration.
Comment est né le changement de nom de Festival Garonne en 1995 à Rio Loco en 2003 ?
Il fallait le personnaliser, lui donner une identité, alors nous avons cherché, à travers la communication, tous les moyens possibles pour le faire connaître et lui donner une âme. La fête de la Garonne c’était pas mal mais il manquait la connotation étrangère, signe d’une ouverture au monde, d’un festival de musique du monde. Et puis on est proche de l’Espagne, donc plutôt que donner un nom en anglais, comme c’est à la mode un peu partout, on a décidé d’aller à l’opposé, vers l’Espagne, vers l’Amérique Latine et les pays du sud, donc on l’a appelé Rio Loco, sachant qu’il s’est d’abord appelé Rio Garonne. Rio c’est à cause du fleuve, c’est toujours la Garonne, et Loco, parce qu’il fallait faire une fête un peu folle.
Qu’est-ce qui a été le plus fou ? Quelles éditions ?
Chaque édition a sa personnalité. On est toujours surpris par l’ambiance qui se crée. Par exemple, quand on a invité le Sénégal, il y avait toutes ces couleurs merveilleuses, l’Afrique du Sud aussi, et on a été éblouis par les artistes qui étaient sur scène. Le Mexique a été formidable aussi.
Et quels sont les artistes qui ont marqué le festival ?
Je retiendrai, parce que c’était extrêmement émouvant, Chavela Vargas, une chanteuse mexicaine qui a eu un passé très original, avec une très forte personnalité. Quand elle est venue, elle avait plus de 80 ans. C’est une toute petite bonne femme qui a chanté a cappella devant 10 000 personnes. Il y avait un silence religieux pour l’écouter. Elle avait tellement de charisme et de force dans sa voix. Donc ça, c’était un grand moment, inattendu, sans esbroufe. La rencontre entre le Brésilien Egberto Gismonti et l’Orchestre du Capitole a donné une création formidable. C’étaient deux cultures musicales extrêmement différentes. Cela ne s’est pas fait sans difficulté, sans tension, mais cela a été fait.
D’où vient le succès de Rio Loco ? Est-ce de la programmation ? Est-ce l’endroit ?
C’est tout à la fois. L’endroit, bien sûr, en plein air. C’est le début de l’été dans un parc en bord de Garonne, un endroit merveilleux. Pour la programmation, nous avons toujours veillé à la diversité. Nous n’avons jamais essayé de nous spécialiser dans un seul type de musique. Bien sûr, nous disposions du budget correspondant à nos objectifs. Les médias ont été très réactifs pour nous soutenir. Tout cela nous a beaucoup aidés.
Aujourd’hui, Rio Loco, c’est uniquement des bons souvenirs ?
Oui, que de bons souvenirs. Beaucoup de fatigue aussi. Beaucoup de tension. Quand un artiste comme Kusturica arrive 20 minutes avant le concert et qu’il y a 20 000 personnes qui l’attendent alors qu’il n’est pas encore là et qu’on ne sait pas s’il va arriver… On n’est pas bien. Ces 6 jours de festival chaque année étaient fantastiques et en même temps épuisantes.