Quand la ville devient laboratoire. Imaginez une allée transformée en organe vivant. C’est le pari audacieux du projet « Olfacto Mov' », orchestré par Julie Batut, directrice de recherche au CNRS, et son équipe du Centre de Biologie Intégrative de Toulouse. Le temps d’une après-midi, le cœur de la ville de Rieumes va se transformer en une métaphore grandeur nature de l’organe olfactif du poisson zèbre.
L’équipe de scientifiques à l’origine du projet « Olfacto Mov' ». De gauche à droite et de haut en bas : Julie Batut, David Sanchez, Pascale Dufourcq, Frédérique Gaits-Iacovoni, Anne Pizzoccaro, Vincent Demont, Clément Cazorla, Hannah Makhlouf, Céline Figueiredo Aurélie Millaud et Samantha Poirson. © David VILLA-SCIENCEIMAGE-CBI-CNRS
Une expérience unique en son genre
Cette initiative de science « incarpative » (contraction d' »incarnée » et « participative ») inédite mêle rigueur scientifique et immersion ludique.
Chaque participant et participante va devenir une cellule olfactive, pour recréer la morphogénèse de l’organe olfactif, c’est-à-dire son processus de construction, au cours du développement embryonnaire », explique Julie Batut, à la rédaction.
60 participants, guidés par des indices sensoriels, évolueront dans l’espace urbain à l’image des signaux moléculaires qui orientent les cellules dans un embryon. Leurs déplacements, enregistrés notamment à l’aide de drones, seront ensuite analysés et comparés aux migrations cellulaires réelles observées chez le poisson zèbre.
© DR
Le jeu au service de la recherche
Ce projet, à la fois sérieux et ludique, s’inscrit dans une démarche scientifique de pointe. L’objectif : mieux comprendre les mécanismes complexes à l’œuvre dans la formation de l’organe olfactif.
Chaque consigne est issue de la biologie, notamment des lois de formation des organes, celle de la migration collective ou de la migration individuelle », précise Julie Batut.
Ce sont bien les données issues de cette mise en scène qui alimenteront la recherche, mêlant biologie cellulaire, modélisation mathématique et expérimentation collective.
Nous essayons de comprendre les lois de construction des organes pour pouvoir les réparer en cas de problème. C’est comme pour une maison : si l’on a une fuite, on ne peut pas la réparer sans connaître les plans des canalisations », illustre la scientifique.
Une synergie entre disciplines et citoyens
L’innovation du projet repose également sur sa richesse collaborative. En plus de l’équipe scientifique, l’association Les Chemins Buissonniers apporte une dimension pédagogique, artistique et citoyenne à l’événement. Cette alliance crée un pont entre science, société et culture.
Nous avons choisi Rieumes pour sa topologie, mais également parce que c’est en zone rurale. Nous voulons rendre la recherche fondamentale accessible à tous », souligne la chercheuse toulousaine.
En rendant les habitants acteurs de la recherche, Julie Batut espère sensibiliser un public souvent exclu de la médiation scientifique. Un combat qu’elle prolonge tout au long de l’année via Les Chemins Buissonniers, mais également au travers de l’association Femmes et Sciences.
Les Chemins Buissonniers organisent également « Les Buissonnances », un parcours itinérant à travers les villages de Cœur de Garonne. © Alexia Anfry – Les Chemins Buissonniers
Une première mondiale à suivre…
L’expérience, fruit de deux ans de préparation, constitue une première mondiale dans sa forme et son ambition. Une première restitution des résultats est prévue en juin, mais Julie Batut envisage d’ores et déjà de reproduire l’expérience au moins trois fois, afin d’en tirer des conclusions solides.
À notre connaissance, c’est la première fois qu’une telle chose est reproduite. Je ne sais pas si elle sera réussie du premier coup, mais c’est le propre d’une première », indique-t-elle.
À travers « Olfacto Mov' », il ne s’agit donc pas seulement d’observer la science, mais d’y prendre part pleinement. Une aventure qui redéfinit les frontières entre le laboratoire et l’espace public.
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