Une promotion qui passe mal. Début juin, Mgr Guy de Kerimel, archevêque de Toulouse, avait choisi de nommer Dominique Spina chancelier de son diocèse. Un poste clé, à la fois administratif et symbolique, confié à un prêtre lourdement condamné en 2006 pour le viol d’un adolescent de 16 ans, survenu en 1993. La justice l’avait alors sanctionné de cinq ans de prison, dont un avec sursis.
Cette nomination n’est pas passée inaperçue. En interne, de nombreux évêques ont rapidement exprimé leur malaise. Et à l’extérieur, collectifs de victimes et associations n’ont pas tardé à dénoncer ce qu’ils percevaient comme une gifle infligée aux survivants d’abus sexuels dans l’Église.
L’archevêque fait marche arrière
Dans un communiqué diffusé samedi 16 août, le diocèse de Toulouse a officialisé le retrait de Dominique Spina. « À ma demande, le Père Dominique Spina a renoncé à la charge de chancelier avec une réelle disponibilité de cœur. Je l’en remercie », écrit Mgr Guy de Kerimel.
Conscient du tollé, l’archevêque reconnaît une erreur de jugement :
Ma décision avait été interprétée par de nombreuses personnes comme un camouflet envers les victimes d’abus sexuel, j’en demande pardon aux victimes. »
Pression de l’épiscopat et indignation des victimes
Le 10 août, la présidence de la Conférence des évêques de France avait publiquement invité Mgr de Kerimel à revoir sa copie.
Nous avons engagé un dialogue constructif avec Mgr Guy de Kerimel […] l’invitant à reconsidérer la décision qu’il avait prise quant à la nomination du chancelier de son diocèse », indiquait-elle dans un communiqué.
Les évêques insistaient :
Une telle nomination à un poste aussi important, canoniquement et symboliquement, ne peut que raviver des blessures, réveiller des soupçons et déconcerter le peuple de Dieu. »
Un évêque, cité dans la dépêche, jugeait la situation « très dommage » pour l’ensemble de l’Église, rappelant qu’ »un prêtre condamné pour des actes sexuels graves ne peut pas avoir à nouveau un poste de responsabilité. On devrait pouvoir le dire ».
Du côté des associations, le ton était tout aussi ferme. Le collectif des victimes de Notre-Dame de Bétharram avait dénoncé dès le 8 juillet une décision « inacceptable » et « un manque de respect flagrant envers les victimes ».
Entre miséricorde et division
Pour justifier son choix initial, l’archevêque de Toulouse avait expliqué avoir « pris le parti de la miséricorde » en confiant à Dominique Spina une « fonction administrative », estimant n’avoir « rien à reprocher » au prêtre depuis sa condamnation.
Mais face au risque de fracture, il a fini par reculer.
Pour ne pas provoquer de division entre évêques, et pour ne pas en rester à un face à face entre les ‘pour’ et les ‘contre’, j’ai décidé de revenir sur ma décision », indique-t-il désormais.
Un nouveau chancelier nommé
Le diocèse a d’ores et déjà tourné la page :
Après concertation, c’est à présent l’abbé Léopold Biyoki qui est nommé chancelier du diocèse de Toulouse, à partir du 1er septembre 2025″, a précisé l’archevêque.
Cette affaire intervient alors que l’Église catholique tente encore de panser ses plaies après le rapport de la Ciase, publié en 2021, qui a mis au jour l’ampleur des violences sexuelles commises par des clercs depuis plusieurs décennies.
Elle a aussi éclaté en pleine actualité sensible, au moment où de nouvelles accusations visaient la figure de l’abbé Pierre, symbole de solidarité et de fraternité en France.
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