Le blocus et les bombardements se poursuivent dans la bande de Gaza. Mardi 13 mai, le président de la République Emmanuel Macron a répondu aux questions du médecin toulousain Khaled Benboutrif sur cette guerre. Cet humanitaire, qui s’est rendu deux fois en mission dans la bande de Gaza en 2024, a voulu alerter sur l’urgence de la situation sanitaire des Gazaouis.
Mardi 13 mai, lors de l’allocution d’Emmanuel Macron sur TF1, un médecin toulousain Khaled Benboutrif a interpellé le chef de l’État sur le conflit à Gaza.
Ce médecin urgentiste a effectué deux missions humanitaires dans la bande de Gaza en 2024 pour l’association PALMED. Il a demandé hier soir au président de la République d’intervenir au plus vite pour obtenir un cessez-le-feu le plus rapidement possible.
» Par rapport à la situation à Gaza, je pense qu’il y a une prise de conscience générale sur la gravité de la situation. Mais la réponse du chef de l’État hier était trop vague et décevante, elle n’a pas été à la hauteur des enjeux et du drame humain qui se joue. Il n’a pas souhaité employer le mot de génocide, or pour moi tout ce qui se passe sur place est un génocide caractérisé », nous explique ce médecin franco-algérien qui s’est rendu à deux reprises dans la bande de Gaza.
Depuis l’interruption du cessez-le-feu il y a deux mois, les bombardements ont repris et le blocus est de nouveau mis en place depuis le 2 mars. Plus aucune aide humanitaire n’entre dans Gaza. Je devais y retourner le mois dernier, mais les autorités israéliennes m’ont refusé l’accès. Selon mes contacts sur place, les Gazouis n’ont plus d’eau potable, plus de nourriture, plus de médicaments et plus de gazole. La situation devient très très critique. Il faut agir au plus vite. C’est un drame sanitaire absolu.
Khaled Benboutrif, médecin urgentiste toulousain
Mais même si le Chef de l’État s’est refusé à employer le terme de génocide, Emmanuel Macron a tout de même haussé le ton hier face à la stratégie du gouvernement de Benjamin Netanyahu.
Ce qui se passe à Gaza, c’est un drame et c’est horrible. Moi, mon boulot, c’est de tout faire pour que cela s’arrête. Ce que fait Benjamin Netanyahu est inacceptable (…) C’est une honte !
Emmanuel Macron, le 13 mai sur TF1
Des mots plus forts que d’habitude. « Pour la première fois le chef de l’État a utilisé le mot de « honte », c’était important. Je ne mets pas en doute son honnêteté, mais la France ne fait pas assez. Ce qu’il se passe là-bas n’est plus soutenable, c’est inimaginable. C’est une crise humanitaire extrême » nous explique le médecin Khaled Benboutrif.
» Les mots ne sont pas suivis d’actes. Il n’y a toujours pas de sanctions économiques envers l’État d’Israël, ni de condamnations juridiques, alors que la Cour pénale Internationale a condamné les actions du premier ministre israélien ». Un refus de sanctions qui choque ce médecin urgentiste qui a dû mal à trouver les mots pour qualifier la situation à Gaza.
Le 5 mai, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a en effet exprimé la volonté d’Israël de mettre en place un plan pour « la conquête de Gaza ». L’objectif est de lancer une offensive à grande échelle et d’occuper durablement l’enclave palestinienne. « Nous avons décidé d’intensifier l’opération à Gaza », a confirmé Benjamin Netanyahu.
Vous décrire ce qui se passe là-bas est très difficile tant la situation sanitaire est grave. On a des médecins sur place qui ont perdu entre 15kg et 20kg. Moi j’ai perdu 7 kg lors de mon premier voyage qui n’a duré que trois semaines. La deuxième fois, j’ai perdu 8kg. On ne mangeait que du riz et une fois par jour. Pour nous, on les tue, on les déplace et on les prive d’eau et de nourriture, on essaye de faire fuir les Gazaouis. Selon les autorités palestiniennes, 1200 noms de famille ont totalement disparu de la Bande de Gaza depuis le début du conflit.
Khaled Benboutrif, médecin toulousain
Ce médecin toulousain est en contact quotidien avec ces confrères, équipes et amis sur place. Tous confirment qu’il y a des morts à cause de la malnutrition ou par manque de soins. « Les gens atteints de cancers ne peuvent pas se soigner, ni les insuffisants rénaux ou les autres atteints de maladies chroniques. Quant à la malnutrition, elle est généralisée. On est au paroxysme de ce conflit, on arrive à une famine », se désespère cet urgentiste franco-algérien.
» En tant qu’humanitaire, nous sommes dans une forme de gravité. C’est ce que j’ai dit hier devant des millions de Français. Nous, les humanitaires, nous pouvons sauver quelques vies, mais lui en tant que président de la République, il peut en sauver des milliers. Je pense que la France peut peser beaucoup plus sur Israël pour obtenir un cessez-le-feu, notamment avec l’Europe ».
Ce médecin a travaillé notamment à l’hôpital de Khan Younès. Hôpital qui a été bombardé hier par Tsahal. Une attaque ciblée contre des membres « clés » du Hamas selon l’armée israélienne qui aurait fait plusieurs morts selon les médias palestiniens.
« Mes amis gazaouis me demandent souvent comment je vais ?! Ce qui me surprend toujours car se sont eux qui vivent une guerre atroce. De mon point de vue, Israël se venge sur les civils et ce n’est pas acceptable. Les hôpitaux, des médecins et des journalistes sont devenus des cibles. Les associations juives françaises avec qui nous travaillons condamnent aussi cette stratégie. Ça dépasse l’entendement« , poursuit Khaled Benboutrif.
Les propos du chef de l’État hier n’ont pas été appréciés par les autorités israéliennes. Le Premier ministre israélien a accusé ce mercredi le président français de se ranger du côté d’une « organisation terroriste ».
« Macron a de nouveau choisi de se ranger du côté d’une organisation terroriste islamiste meurtrière et d’en relayer la propagande ignoble, accusant Israël de crimes rituels », a dit Benjamin Netanyahu dans un communiqué de ses services.
Un gouvernement israélien qui poursuit son offensive militaire dans la bande de Gaza avec l’objectif déclaré de contraindre le Hamas à libérer tous les otages qui y sont encore retenus depuis l’attaque sans précédent perpétrée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre 2023.
Benjamin Netanyahu est donc loin d’un cessez-le-feu. Il a même déclaré « vouloir entrer avec toute notre force pour achever l’opération et vaincre le Hamas ». Il a ajouté que ses services s’employaient à trouver des pays prêts à accepter des habitants de Gaza, se disant convaincu que « plus de 50% » partiraient, et « même bien davantage ».
Des propos qui inquiètent encore plus les humanitaires. « Je pense que tous ceux qui demandent la paix, la justice et l’application de sanctions sont du bon côté de l’Histoire », conclut le médecin toulousain qui aimerait retourner dans la bande de Gaza le plus vite possible, mais qui reste suspendu aux autorisations des autorités israéliennes.
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