Le 8 juin prochain se tient au Parc des expositions de Toulouse (Haute-Garonne) un grand rassemblement sous l’égide du diocèse de Toulouse. 15.000 personnes sont attendues, prières, louanges, concerts, messes et confirmations sont au programme. Un événement aux allures de messes évangélistes à l’américaine, qui questionne.
Sur le site internet du diocèse de Toulouse, une grande flamme, des couleurs rouge et orange et la phrase « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint ! ». Tout pour annoncer un grand événement à l’américaine, et ce, au Parc des Expositions et Centre de Conventions & Congrès de Toulouse Métropole, le MEETT. Derrière le programme bien chargé entre, louanges, témoignages, messes, concerts, escape games et même flash-mobs, se cache-t-il une volonté de s’adonner à des événements à l’instar des évangéliques Américains ?
L’idée de cette journée de Pentecôte 2025 a pour objectif de « se rassembler » afin « d’invoquer ensemble l’Esprit Saint dans notre Église », avec une promesse : « recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui transformera vos yeux, votre cœur et toute votre vie ! ». Pour les catholiques, cette année est celle du « jubilé de l’espérance », un moment inspirant pour Monseigneur de Kerimel qui a décidé l’organisation de la journée.
Monseigneur Guy de Kerimel est nommé 9 décembre 2021, archevêque métropolitain de Toulouse. • © PAT BATARD / HANS LUCAS
On l’a donc bien compris, l’objectif est clair, rassembler le plus de monde et transmettre les idées de l’Église. 15.000 personnes réunies au même moment, au Parc des Expositions et Centre de Conventions & Congrès de Toulouse Métropole (le MEETT), pas de doute, l’événement ressemble fortement aux grandes messes à l’américaine. Bandas, musique, concerts, et autres événements sont prévus.
Au cours de la journée de confirmations catholiques auront aussi lieu, un sacrement que les personnes baptisées peuvent réaliser afin de « donner les dons de l’Esprit Saint pour fortifier le confirmand dans la foi ». Au total, ce sont 1000 personnes qui devraient devenir confirmées à l’issue de la journée, pour Anne-Charlotte Colombié, chargée de communication du diocèse, « ce sont des adultes, des adolescents, ils viennent de l’ensemble des paroisses du diocèse de Toulouse ».
Un moment habituellement programmé au sein des églises, dans des lieux davantage restreints et où moins de monde se retrouve au même moment. La famille d’un confirmant, voulant rester anonyme, nous a expliqué ne pas comprendre l’événement. « Les confirmations se font habituellement par secteur, là tout sera regroupé et nous avons vraiment l’impression de ne pas avoir le choix que de participer à l’événement. On se croirait chez les évangélistes aux États-Unis. Tout est fait pour faire gonfler l’impression de monde ».
Mais pour le diocèse, ces doutes sont compréhensibles : « C’est la première fois que nous décidons de réaliser un tel événement. Au début, beaucoup de personnes ont exprimé des doutes quant à la tenue de l’événement, mais par le biais de discussion, nous avons bien expliqué que l’idée est de dépoussiérer l’image de l’Église et de l’adapter au 21e siècle. »
Le diocèse, qui n’hésite pas à communiquer sur l’événement, a réalisé une vidéo postée sur la page YouTube du diocèse, dans laquelle, de nombreux confirmant témoignent de leur volonté de participer à l’événement.
La volonté de donner une nouvelle image de l’Église, insufflée par Monseigneur de Kerimel, entre pourtant en opposition avec le sentiment de plusieurs anciens membres de paroisses.
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Pour rappel, lors de l’annonce du spectacle « Le Gardien du Temps – La Porte des Ténèbres », organisé par la Halle de la Machine en 2024, l’archevêque de Toulouse, Monseigneur Guy de Kerimel avait qualifié le spectacle de « sataniste ». Il décrivait alors ainsi l’opéra urbain :« Il fait intervenir un troisième personnage : une femme-scorpion, appelée Lilith, nom d’un démon féminin dans le judaïsme, cf. Isaïe 34, 14), qui vient du Hellfest. L’affiche, le livret du spectacle, les propos de l’artiste, utilisent des symboles sataniques et ésotériques. Le Minotaure, dans cet opéra urbain, devient le protecteur de l’âme de la ville ! » Le spectacle de la machine avait finalement bien eu lieu malgré les réticences de l’Église, et avait même rassemblé 1.2 million de spectateurs.
Alors l’Église veut-elle réellement suivre son temps ?
En avril dernier, nous avions rencontré Annie Dreuille, Frédérique Pasturel et d’autres membres du groupe « Les 7 pour faire du 9 ». Un groupe de fidèles qui ont décidé de vivre leur foi autrement en s’éloignant des paroisses toulousaines qu’ils jugent trop conservatrices, outrés par l’omerta face aux abus sexuels dans l’Église et un cléricalisme qui ne laisse guère de place au partage, aux femmes et aux diverses orientations sexuelles. Réunis lors de leurs messes mensuelles, ils effectuent tous, les uns après les autres, leur demande de pardon et la prière universelle. Sylvie, une fidèle, décide de prier pour la Halle de la machine et ses créatures tant décriées par certains à Toulouse, et qui pourtant font la joie des petits et grands, rappelle-t-elle.
Cette volonté de dépoussiérer l’Église étonne ainsi Marie-Hélène Lecureux, membres du groupe « Les 7 pour faire du 9 » : « C’est exactement pour ce genre d’évènements que j’ai décidé de lâcher l’Église, que ce soit ces grandes messes ou les JMJ (journées mondiales de la jeunesse), dans lesquelles il y a un déroulé à suivre et on nous dicte ce que l’on doit faire. Ce n’est pas de cette façon dont on doit vivre sa foi. Les apôtres étaient douze et non pas 15.000. Je pense que ce n’est qu’une façade pour se rassurer, se dire qu’il reste des croyants. Quand je vois ce qu’ils disaient à propos de la Halle de la Machine, ce n’est pas du tout l’Église du 21ᵉ siècle, mais plutôt celle des heures sombre de retour au 15e siècle. »
Frédérique Pasturel, a, elle aussi, décidé de s’éloigner du diocèse de Toulouse, ne se reconnaissant plus dans les choix de ce dernier. « Nous sommes face à une Église qui veut devenir une Église de pouvoir, en proposant de grands événements pour diffuser son traditionalisme et sa nostalgie du 18ᵉ siècle et du 19ᵉ siècle où des rites similaires pouvaient apparaître. Alors que l’Église de la modernité devrait être celle qui se tourne vers les autres, une Église de partage et de solidarité. Ce n’est pas en réalisant de grands shows comme celui-ci que nous remplirons les églises. »
L’événement aux 15 000 personnes ne coûte pas moins de 450 000 euros au diocèse. Alors, pour certains fidèles comme Elisabeth Lavernhe, membre d’une paroisse, « l’Église devrait se concentrer sur d’autres sujets de société, se tourner vers les pauvres, au lieu de montrer une Église de spectacle ». Bien que membre de paroisse, Elisabeth Lavernhe a décidé de ne pas se rendre à l’événement.
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