La série d’animation « Astérix et Obélix : le Combat des Chefs » sortira sur Netflix le 30 avril. Ses réalisateurs Alain Chabat et Fabrice Joubert sont venus assister à une projection privée ce jeudi à Toulouse, avec les collaborateurs des studios TAT. Trois ans de travail ont été nécessaires à sa fabrication. Interview.
La Dépêche du Midi : En voyant le résultat de la série Astérix, est-ce que ça correspond à ce que vous aviez imaginé ?
Alain Chabat : Je suis très content. Je ne sais pas si ça correspond exactement à ce que j’avais en tête… Je dirais même que c’est mieux. Le projet s’est enrichi tout au long de la production, avec les apports de toute l’équipe, notamment sur l’animation. C’était très collaboratif. Même si on savait où on voulait aller, chacun a ajouté sa touche, ses petits détails.
Fabrice Joubert : Les décors ont servi la narration, et sur l’animation, notamment la comédie, les animateurs ont trouvé des choses auxquelles on ne s’attendait pas, des surprises qui marchaient super bien.

L’idée de départ était-elle une série ?
Alain Chabat : Non, on est partis sur un film d’animation. Et puis en rencontrant Netflix, ils nous ont dit : « Peu importe le format, racontez l’histoire que vous voulez raconter, et on verra ce que ça devient. » On a donc commencé avec six épisodes, et on a reconcentré sur cinq épisodes. Netflix nous a toujours suivis artistiquement.
Et avec TAT, comment s’est passée la collaboration ?
Alain Chabat : Fabrice est un cador de l’animation. Moi j’ai découvert au fur et à mesure, et c’était passionnant. TAT a été sélectionné dans le cadre d’un appel d’offres parmi trois studios. Ils devaient créer la même scène, en trois mois, et TAT a vraiment su faire la différence par son sens de la comédie. Il y avait un timing, des trouvailles, c’était le plus marrant.
C’était important, cet humour partagé ?
Fabrice Joubert : Fondamental. Si on ne rigole pas aux mêmes choses, c’est compliqué. Techniquement, on peut toujours s’ajuster, mais si l’esprit n’y est pas, ça ne fonctionne pas. Là, avec TAT, c’était fluide, naturel.
Ça a matché entre l’humour Chabat et l’humour TAT ?
Alain Chabat : Oui, c’est un mix d’humour Chabat, Benoît Oullion (le scénariste, ndlr), Goscinny, Fabrice… C’est vraiment un gros mélange, mais avec une ligne cohérente.
Dans quelle mesure avez-vous été fidèle à la BD ?
Alain Chabat : Disons entre fidélité et trahison. Il y a des vignettes reprises à l’identique, mais aussi des pans entiers inventés, qui enrichissent l’histoire. On a créé de nouveaux personnages, de nouvelles voix, des manières de bouger… C’était énorme à faire.
Fabrice Joubert : Il fallait respecter l’univers de Goscinny et Uderzo tout en apportant du neuf.
Alain, l’animation était une première pour vous, comment l’avez-vous appréhendée ?
Alain Chabat : Je l’ai appréhendée complètement inconscient (rires). J’y suis allé la fleur au fusil, en sifflotant joyeusement. Parfois, il vaut mieux ne pas savoir dans quoi on se lance ! C’était un sacré paquebot. Mais j’ai appris sur le tas, entouré de gens brillants : Fabrice, Aurélien Predal à la direction artistique, Borja Montoro pour le design des personnages, Kristof Serrand, une légende de l’animation…
Il y avait des allers-retours permanents entre TAT et vous ?
Alain Chabat : Fabrice était très présent à Toulouse, moi j’étais plus à distance. Mais le dialogue ne s’est jamais arrêté. C’était un régal de commencer à voir bouger les personnages, c’était magique.
Pourquoi avoir choisi cet album, « Le Combat des Chefs » ?
Alain Chabat : C’est un album particulier, dont les chiffres de vente avaient explosé à l’époque (en 1966, ndlr). C’est aussi celui où le village est vraiment en danger, parce que le druide ne sait plus faire la potion. Il y a un vrai enjeu dramatique, en plus de la comédie. C’était toujours le challenge de Goscinny : arriver à faire des histoires intéressantes avec des Gaulois invincibles. Et les personnages secondaires sont amusants à faire évoluer : résistants, collabos, envahisseurs…
Qu’est-ce qui vous a donné envie de revenir à Astérix ?
Alain Chabat : Après « Mission Cléopâtre », j’aurais pu en faire cinq ou six autres, tellement ces personnages sont marrants et attachants, mais je m’en suis éloigné. Il y a eu tout un enchaînement de circonstances qui ont fait que ce projet s’est présenté, tellement différent de « Mission Cléopâtre ». L’animation et le format série ont permis de creuser la psychologie des personnages, d’aller dans du cartoon pur, dans de la blague, de l’épique, de la tension, et même de créer des petits moments d’émotion.
Concernant le graphisme, quelle était votre volonté ?
Fabrice Joubert : Il y avait la volonté de rendre la 3D la moins clinique possible. Il y a eu tout un travail sur la texture pour rendre les personnages et les décors plus « palpables ».
D’où vous vient cet amour de la BD ?
Alain Chabat : J’en ai toujours lu, depuis tout petit. Pilote, L’Echo des Savanes, Hara-Kiri, Charlie Mensuel… il y a eu un âge d’or de la BD qui était ultra-riche. Mais avec toujours un grand amour pour Goscinny, qui est un auteur incroyable.
Fabrice Joubert : Moi aussi, c’est la BD franco-belge, le « Journal de Spirou » notamment, qui m’a donné envie de dessiner puis d’aller vers l’animation.
Est-ce que vous envisagez un retour d’Astérix au cinéma ?
Alain Chabat : Je n’ai pas du tout de projet dans ce sens-là. Et d’être passé par l’animation, j’ai du mal à imaginer les personnages d’Astérix autrement. S’il y avait une autre histoire à adapter, ce serait sans doute comme ça que je le ferais.