Le 27 avril 2005, à 10 h 29, l’A380 décollait de l’aéroport de Toulouse-Blagnac pour son tout premier vol d’essai. L’équipage était composé de deux pilotes, trois ingénieurs et un chef mécanicien navigant d’Airbus, Gérard Desbois. Ce dernier revient, pour La Dépêche, sur ce vol historique et nous livre son sentiment sur l’arrêt de production du gros-porteur. Interview.
Quels souvenirs gardez-vous du premier vol de l’A380, il y a tout juste vingt ans ?
J’en garde un souvenir très ému, car c’était la première fois que le plus gros avion de transport de passagers au monde décollait. Jamais un quadriréacteur de cette taille n’avait volé. On avait, bien évidemment, passé plusieurs semaines à tout mettre au point au sol et on s’était bien entraînés sur simulateur.
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Pour ce premier vol, nous étions six à bord, trois à l’avant et trois à l’arrière. En cabine, il y avait trois ingénieurs navigants qui surveillaient les systèmes et les moteurs. Et dans le cockpit, il y avait les deux pilotes et moi, assis juste derrière, entre eux. J’étais chargé de la gestion des systèmes : hydraulique, électricité, moteurs, etc. Les pilotes s’occupaient, eux, d’apprécier le comportement de l’avion, de la sécurité et de la radio. Concernant les 40 000 personnes venues assister au décollage, pour être honnête, on n’a pas vraiment eu le temps d’y prêter attention. On était tous très concentrés sur notre tâche. Et à 10 h 29, ce 27 avril 2005, on a poussé les manettes et l’avion a décollé.
En quoi consistait ce premier vol exactement ?
Le premier vol, c’est l’ouverture du domaine de vol puisque, par définition, l’avion n’a jamais volé. Il faut donc avancer prudemment. On commence en « loi directe », c’est-à-dire que les réactions de l’avion sont ressenties directement par les pilotes, sans assistance électronique poussée. Cela permet de jauger son comportement brut, sans filtre. Au bout d’un moment, quand on a vu que l’avion réagissait même mieux que ce qui se passait au simulateur, on a commencé à actionner des systèmes et on a décidé de rentrer le train d’atterrissage. Le train est très bien rentré, mais on a eu une alarme qui indiquait que la trappe de train droit n’était pas complètement verrouillée. Nous avons donc décidé de ressortir le train, parce qu’il valait mieux qu’il soit dehors que dedans pour l’atterrissage (Rires). Globalement, tout s’est donc très bien passé. Il s’agissait en fait juste d’une histoire de réglage de trappe qui a été corrigé par la suite. Le vol a duré au total 3 heures et 51 minutes.
C’est finalement à l’issue de ce vol que vous avez pris pleinement conscience de la popularité de l’A380…
Absolument. Compte tenu du gabarit de l’avion, on s’est garés devant une grande tribune. Et lorsqu’on a ouvert la porte, on a vu cette foule en liesse. Je me souviens très bien de Noël Forgeard, le PDG de l’époque, et d’Arnaud Lagardère qui sont venus nous féliciter. Il y avait aussi un très grand nombre de journalistes venus du monde entier. C’était impressionnant !
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’A380 et sur l’arrêt de sa production ?
Pour moi, c’est une grande tristesse. J’ai passé une grande partie de ma carrière sur cet avion et je pense que c’est un avion extraordinairement bien réussi. Il est d’ailleurs plébiscité par tous les passagers du monde, quelle que soit la compagnie aérienne. Je trouve ça très très dommage. Je ne vais pas revenir sur les décisions qui ont été prises par Airbus, car je ne connais pas les tenants et les aboutissants, mais je suis sûr que si on avait eu la volonté de poursuivre sa production pour diverses raisons, on aurait pu améliorer les moteurs, l’aérodynamique… On avait tout ce qu’il fallait dans les cartons pour en faire un avion encore meilleur que ce qu’il est actuellement en lui faisant bénéficier de toutes les nouveautés technologiques.
À l’occasion des 20 ans du premier vol de l’A380, une rencontre est prévue aujourd’hui à Blagnac avec le grand public. Vous pouvez nous en dire plus ?
Je serai effectivement avec Claude Lelaie, l’un des deux pilotes du premier vol de l’A380, chez boutique.aero à Blagnac ce mardi 29 avril de 14 h 30 à 18 h 30. C’est LE lieu incontournable des passionnés d’aéronautique de la région toulousaine. Ce sera l’occasion d’échanger, de parler de nos carrières et de dédicacer nos ouvrages respectifs, comme mon dernier livre, « Le bonheur est dans l’avion« , sorti en 2022, qui parle de mes aventures en A380, en A340-600, mais aussi en tant que pilote privé.