Le phénomène extrême avait été annoncé par Météo France qui avait placé la Haute-Garonne en vigilance orange aux orages. La soudaineté et l’intensité des supercellules qui se sont développées au sud-ouest de Toulouse, lundi 19 mai 2025, ont tout de même surpris. Certaines communes ont reçu un déluge de grêle quand d’autres ont vu des seaux d’eau se déverser en quelques minutes. Ce mardi, les dégâts enregistrés dans le secteur du Muretain sont considérables. Et les questions sont nombreuses. Dans quelles conditions se sont formées ces supercellules ? Pourquoi l’orage s’est-il déplacé sur un aussi vaste périmètre géographique ? Pourquoi la grêle s’est transformée en pluie pour certaines communes avant de redevenir de la grêle un peu plus loin. Pascal Boureau, ancien prévisionniste de Météo France à Toulouse, et mémoire de la météo pour le midi toulousain, explique les raisons de ce phénomène rare par sa violence.
Pourquoi les cellules orageuses ont été si intenses ?
Ce lundi, un peu avant 16h, les premières images commencent à circuler sur les réseaux sociaux. Des grêlons de plusieurs centimètres de diamètres sont tombés dans le secteur du Fousseret quelques minutes plus tôt. Très vite, des images en provenance d’autres communes sont partagées : Le Fauga, Longages, Eaunes… Le phénomène paraît d’emblée exceptionnel. Ce qui est rapidement confirmé par les dégâts enregistrés. Les perturbations sont énormes sur les routes, notamment sur l’A 64. Mais pourquoi l’orage s’est-il déclenché avec tant de force ?
Pour Pascal Boureau, ce lundi, « tous les ingrédients étaient réunis pour avoir phénomène intense » en Haute-Garonne. Il détaille :
« Ce phénomène est lié à la présence d’air chaud dans les basses couches, et à l’arrivée d’une goutte froide en altitude. Après une journée de dimanche durant laquelle on a atteint les 30° en Haute-Garonne, dans le Tarn et dans le Tarn-et-Garonne, il faisait encore 25° lundi après-midi avec de l’air chaud centré sur la Haute-Garonne. La goutte froide est alors arrivée avec des températures de -20° à 5000 mètres d’altitude. En plus de ce contraste thermique, des vents contraires chauds se sont rencontrés au niveau du sol en Haute-Garonne. Pour simplifier, cette confrontation de vent a fait comme si deux véhicules se percutaient de face. L’air chaud s’est élevé avec une accentuation des phénomènes convectifs. Le contraste thermique entre des températures élevées au sol et les températures froides en altitude liées à la goutte froide, associé au phénomène convectif qui a fait remonter l’air chaud en altitude, a accentué les phénomènes tourbillonnaires avec des nuages qui ont grossi et sont montés jusqu’à 12 000 mètres d’altitude. C’est ce double choc qui a provoqué la violence du phénomène ».
Pourquoi les grêlons ont été si gros ?
Ce lundi, vers 15h30, au sud-ouest de Toulouse, l’air chaud chargé en humidité remonte donc par un phénomène de convection en direction d’un air très froid en altitude. Des nuages énormes se forment jusqu’à 12 000 mètres d’altitude. Sauf que l’air glacial qu’ils rencontrent ne leur laisse pas le temps de se décharger sous forme de gouttes de pluies. C’est la grêle qui tombe. La suite, c’est Pascal Boureau qui la raconte :
« Ces nuages sont entrés dans l’air froid et c’est de la glace qui est retombée car la vapeur d’eau s’est tout de suite congelée. Par la force de la convection, de petits grêlons se sont agglomérés tout en montant en altitude. Ils ont formé de plus gros grêlons, et, quand ils sont retombés, ils étaient gros et très lourds. Ils ont certes un peu fondu en redescendant vers le sol, mais pas suffisamment. Quand ils ont touché le sol, ils faisaient toujours 4 à 5 centimètres de diamètre ».
Pourquoi certains ont eu de la grêle, d’autres des seaux d’eau ?
Pendant près 4 heures, les cellules orageuses se sont déplacées sur une diagonale allant de Saint-Gaudens, en Haute-Garonne, à Réalmont dans le Tarn.
« Les cellules se sont effectivement déclenchées dans ce couloir. Cela a provoqué un déluge de grêle du Fousseret à Lacroix-Falgarde. Il a grêlé à certains endroits de l’agglomération de Toulouse, mais les grêlons étaient déjà moins gros. La grêle a de nouveau concerné le secteur de Puylaurens dans Tarn. À quelques kilomètres de là, certaines communes ont reçu des seaux d’eau, comme Saint-Félix-Lauragais, « où il est tombé 75 mm entre 18h45 et 20h ce qui est rarement atteint dans un tel laps de temps et près de 17 mm en 6 minutes entre 19h12 et 19h18 », rapporte Pascal Boureau.

Il poursuit :
« À l’intérieur de ce phénomène météo étendu et régit par le double choc que nous avons évoqué, il y a eu ce que j’appellerais des micros confrontations de masse d’air. Pour simplifier, sur cette diagonale allant de Saint-Gaudens à Réalmont, l’air chaud a rencontré des minipoches d’air qui sont plus froides que d’autres. C’est souvent le cas à l’intérieur d’une goutte froide. Ce lundi, ces minipoches froides ont réaccentué le phénomène à certains endroits, transformant des précipitations pluvieuses en chutes de grêles très importantes. Ce qui explique que d’un kilomètre à l’autre, on a pu avoir de la pluie ou de la grêle », explique l’ancien prévisionniste.
Un couloir propice à la formation d’orages violents ?
Hasard ou terrain à risques ? Ces derniers mois, certains des plus gros orages qui ont touché le Midi Toulousain, se sont déclenchés au sud-ouest de Toulouse avant de remonter en diagonale.
En juillet 2023, un violent coup de vent avait frappé le sud du Lauragais, et causé des dégâts considérables sur son passage, en particulier dans les communes de Cintegabelle et Auterive.
Au début du mois de septembre 2022, en fin d’après-midi, un orage intense avait frappé au sud de Toulouse apportant de la pluie, du vent et parfois de la grêle.
En juin 2019, une rafale de 137 km/h avait été enregistrée par la station météorologique de Francazal, au sud-ouest de Toulouse. Un record absolu pour cette station, avec une mesure plus forte que lors de la tempête de 1999.
Déjà, à l’époque, les secteurs principalement impactés étaient les suivants : du sud de l’agglomération toulousaine à l’est du département vers le Lauragais (Toulouse, Tournefeuille, Cugnaux, Plaisance-du-Touch, Auzeville, Villeneuve-Tolosane, Portet-sur-Garonne, Ramonville St Agne, Balma, Auzielle, Escalquens, Lauzerville…).
En avril 2012, peu après 19h, c’était une tornade qui s’était formée sur la commune de Muret (Haute-Garonne) avant de s’avancer à vive allure vers Seysses (Haute-Garonne), suivant une courbe, allant du sud vers le nord.
Pour Pascal Boureau, le secteur qui a été touché ce lundi par les violents orages se trouve effectivement « sur une ligne de confrontation avec arrivée du vent d’ouest et de l’air froid de l’Ariège ».
DE ce fait, il constitue donc malheureusement un bon terreau pour la formation de phénomènes météo violents.