« Il va y avoir une hécatombe sur ce type de structure alors qu’il y a des besoins pour la population », déplore Jean-Pierre Pailhol, directeur général de Cap’Rempart à Toulouse. Depuis le 10 juin 2025, le centre de santé pluridisciplinaire, installé au 1 rue d’Austerlitz, a définitivement fermé. Placé en liquidation judiciaire, plusieurs facteurs ont précipité sa fermeture. Le directeur général, en compagnie du président de Cap’Rempart, David Ollivier et de la directrice adjointe Sandrine Tourillon, tirent la sonnette d’alarme.
Un déficit de 500 000 euros en 2024
Une population grandissante et vieillissante, des pathologies chroniques chez les plus jeunes et un manque de médecins… L’ouverture du centre de santé pluridisciplinaire Cap’Rempart semblait une bonne idée sur le papier.
Avec près de 3 000 patients différents « qui ont consulté au moins une fois par an », et une moyenne de 25 000 consultations en 2024, ce besoin « légitimait l’ouverture en centre-ville ». Pourtant, « le démarrage n’a pas été des plus favorables », regrette Jean-Pierre Pailhol.
Entre les manifestations des Gilets jaunes et des retraites en 2019 lors du lancement et le Covid-19 l’année d’après, la suite n’a pas permis de redresser la barre. L’année 2024 s’est conclue avec un déficit de 500 000 euros. « Il était difficile d’envisager un retour à l’équilibre de manière durable. »
Des obligations qui contraignent et un manque de moyens
Le directeur, le président et la directrice adjointe ont pourtant tout tenté pour sauver la structure qui employait médecins généralistes, dermatologue, psychologue, kinésithérapeute, orthophoniste ou encore podologue.
Sollicitant d’autres structures, ils n’ont « pas eu de retours », confie David Ollivier. Et pour cause, selon Jean-Pierre Pailhol, « le modèle est défaillant ».
« La loi n’est peut-être pas suffisamment forte. Les centres de santé actuellement, avec les obligations et les moyens qui sont les leurs, ne sont pas viables. Nous ne sommes pas les seuls à fermer. Il va y avoir une hécatombe sur ce type de structures. »

« Le problème vient de la rémunération », dit Sandrine Tourillon
Dans le centre de santé, les praticiens étaient salariés et facturaient à l’acte. « D’un côté, on fait face à un souci de temps pour garantir une meilleure qualité de soins et de l’autre, on est face à un souci de rentabilité inatteignable », explique le directeur général.
En effet, les praticiens ne pouvaient pas dépasser 3 à 4 consultations par heure. « L’ensemble de nos créneaux ouverts étaient remplis. Le problème vient de la rémunération de la structure : c’est compliqué de la gérer quand on a des obligations, des envies aussi alors qu’on reste sur un mode économique de libéraux », précise Sandrine Tourillon.
Autres contraintes qui ont précipité la fermeture du centre de santé Cap’Rempart : les frais fixes et les charges plus élevés, des amplitudes horaires nécessitant trois secrétaires médicales ou encore la pratique du tiers payant dans sa totalité qui obligeait « à aller chercher le recouvrement par la suite ».
Le magasin d’optique et audio qui appartenait à Rempart Santé a également fermé en raison d’une concurrence grandissante.
Catégoriser Toulouse en zone prioritaire ?
Cette fermeture pourrait précipiter un changement concernant Toulouse. « Depuis 2022, on attend le nouveau zonage : on ne sait pas où se situe Toulouse et peut-être que la fermeture du centre va précipiter la catégorisation en zone prioritaire. »
Pas considérée par l’ARS comme zone prioritaire pour lutter contre la désertification médicale, cette catégorisation aurait pu aider le centre Cap’Rempart, notamment par l’attribution de subvention plus importante.
« On espère que ça sera acté d’ici la fin de l’année pour aider les autres structures. »
Miser sur la rémunération forfaitaire
Il faut dire que les centres de santé sont en plein essor. Jérémie Malek-Lamy, délégué régional de la Fédération nationale des centres de santé, rapporte qu’en Occitanie, 61 centres de médecine générale ont ouvert en 2024 et 54 centres de santé pluridisciplinaires.
Lui aussi alerte sur ce modèle de rémunération. « La facturation à l’acte n’est absolument pas adaptée à nos pratiques. Le modèle est obsolète : il faudrait faire plus d’actes pour gagner plus. Nous, on fait le choix de faire une consultation complète de 20 minutes. »
Selon lui, une rémunération forfaitaire, déterminée en fonction de la pathologie du patient, serait viable et permettrait à ce type de structures de fonctionner. Des discussions sont en cours avec la Caisse nationale de l’Assurance Maladie après une expérimentation de ce modèle économique dans deux centres de santé.
« Elles ont fait leurs preuves avec une possibilité d’augmenter le chiffre d’affaires sans augmenter le nombre de patients. Il est temps de sortir de ce paiement à l’acte », martèle Jérémie Malek-Lamy.