Certains agriculteurs n’ont pas encore reçu la totalité de leur indemnisation malgré l’expropriation des terrains situés sur le tracé de l’A69, il y a deux ans. Reportage à Saïx dans le Tarn.
Deux mois mois après la décision du tribunal de Toulouse, le 27 février dernier, de suspendre l’autoroute Castres-Toulouse, certains expropriés attendent toujours des mesures d’indemnisation. À Saïx, à l’ouest de Castres, le lieu-dit La Crémade est désormais traversé par une large bande de terre terrassée et des ouvrages d’art. C’est dans cette ferme expropriée, transformée temporairement en ZAD, que s’était déroulée la conférence des opposants en octobre 2023.
Les deux agriculteurs qui occupaient les lieux avant l’expropriation sont dans le flou après l’arrêt des travaux. La ferme familiale de Rémi Niel a été rasée, ses champs coupés en deux, mais l’agriculteur de 82 ans à la retraite, attend toujours une partie de son indemnisation. Il assure être sans nouvelles d’Atosca, le concessionnaire de l’autoroute, depuis un an et demi. Pour lui et ses quatre frères et sœurs qui vivaient sur la ferme, c’est la double peine : « Tout est compliqué depuis l’expropriation. Mon père avait donné un terrain à chaque enfant pour bâtir, tout a été démoli, toute la famille a éclaté. «
« Mes champs sont plus secs »
Bruno Cabrol est éleveur de vaches, en fermage sur ces terres. Il ne sait pas s’il pourra un jour réutiliser ces terrains agricoles expropriés. Selon lui, les travaux autour du tracé ont fait baissé les nappes phréatiques sous ses champs. Il explique : « Dès qu’on fait un fossé à six mètres, on baisse le niveau de l’eau et donc les plantes que je fais, elle ne sont plus en mesure d’aller attraper l’eau. » L’eau coule directement de ses champs dans les tranchées creusées de chaque côté du tracé, d’ailleurs inondé en cette période de pluies. « Je me retrouvais avec des champs plus secs et cette eau, elle va se retrouver dans des champs qui vont avoir plus d’eau en hiver. »
En attendant l’examen du sursis à exécution et celui de la proposition de loi déposée par des parlementaires du Tarn, le 15 mai prochain, Bruno Cabrol se réjouit de voir la nature reprendre ses droits. Un lièvre traverse tranquillement le terrain terrassé. Les plantes repoussent malgré la chaux déversée avant le terrassement : « Il y a des plantes qui aiment spécifiquement le ph élevé comme les luzernes, les fèverolles, les lotiers. Quand c’est un sol calcaire c’est plus facile à détruire parce que les plantes libèrent des acides qui dissolvent la pierre », précise l’éleveur.
« C’est le pot de terre contre le pot de fer »
Le propriétaires de ces terres, Rémi Niel, dénonce aussi des pratiques abusives de la part du concessionnaire , lors de l’expropriation, il y a deux ans. Il raconte : « J’ai été payé à hauteur de 90% des bâtisses. On m’avait donné rendez-vous l’après-midi, on a passé tout l’après-midi à la salle à manger avec une table de camping et quelques sièges à attendre que quelqu’un d’Atosca vienne. Il a fallu signéer vite et les compensations je ne les ai jamais eues. » Selon lui, Atosca lui a donné une somme inférieure de plusieurs milliers d’euros par rapport à ce qui avait été convenu à l’oral. « Je l’ai signé parce que j’étais pas apte de lire tout le machin et le soir quand je l’ai lu tranquille, je me suis dit « tu t’es fait avoir. » Quand j’ai téléphoné on m’a dit que c’était trop tard, que j’avais signé. »
Aujourd’hui l’agriculteur exproprié et son locataire évincé regrettent que leurs intérêts ne soient pas représentés au sein d’un collectif. « Chacun se débrouille comme il peut, ce n’est pas évident. On aurait dû monter une association pour se défendre mais ça n’as pas été fait. C’est le pot de terre contre le pot de fer« , soupire Rémi Niel. Parmi les 820 propriétaires expropriés sur le tracé de l’autoroute A69, une centaine sont des agriculteurs.
Ici Occitanie a sollicité le concessionnaire Atosca qui n’a pas souhaité réagir pour le moment.
https://www.francebleu.fr/occitanie/haute-garonne-31/toulouse-31555