Le 27 novembre 2023, Philippe Pourquier, un mécanicien de 54 ans, a perdu la vie lors d’une intervention pour une panne de bus Tisséo, à Toulouse. Le procès s’est tenu ce lundi 5 mai 2025. L’entreprise été condamnée pour manquements graves à ses obligations en matières de sécurité.
« Vous avez mis par terre 38 ans de vie commune. Vous m’avez détruite. » Au bord des larmes, la veuve de Philippe Pourquier s’est tenue devant les juges en s’adressant au directeur général de Tisséo Voyageurs. A la barre du tribunal correctionnel de Toulouse ce lundi 5 mai 2025, elle a témoigné contre l’entreprise qu’elle tient responsable de la mort de son mari. Il est décédé le 27 novembre 2023 lors d’une opération de réparation de bus.
À tout juste 54 ans, Philippe Pourquier, un père de famille passionné de rugby, a perdu la vie sur son lieu de travail. Appelé pour intervenir sur un bus en panne, il perd la vie écrasé entre le véhicule et le camion venu le remorquer, devant le lycée polyvalent du Mirail, à Toulouse. Un an et demi plus tard, Tisséo est condamné pour graves manquements à ses obligations en matières de sécurité.
Une opération jugée à risque sans encadrement de Tisséo
Trois personnes sont intervenues pour la panne d’un bus fin novembre 2023. Après avoir décelé une fuite d’air au niveau du circuit pneumatique, le mécanicien Tisséo, Philippe Pourquier, a participé au remorquage du véhicule, à quelques pas d’un rond-point. Une opération jugée à risque par le parquet et les avocats de la famille.
Aux côtés de la victime se tenaient un remorqueur et son stagiaire, présent sur les lieux pour son premier jour. Selon le représentant de l’inspection du travail participant à l’audience, aucun d’entre eux n’était correctement formé au remorquage d’un bus. Si des cales en bois et en métal ont été disposées pour réaliser l’opération, le camion était dépourvu d’engin de levage et aucune barre de remorquage n’a été utilisée.
Sans recevoir d’indication de leurs supérieurs, le mécanicien et le remorqueur ont procédé au remorquage du bus. « Livrés à eux-mêmes », d’après le parquet, M. Pourquier s’est positionné entre le camion et le bus pour l’opération. Ce dernier véhicule, dont le moteur était allumé pour la manœuvre, a avancé et écrasé le cinquantenaire contre l’autre engin.
L’inspection du travail relève une absence d’indication quant à la procédure de sécurité qu’impose un remorquage. Les avocates de la défense comme le parquet reconnaissent une accumulation d’erreurs humaines, mais accusent Tisséo de ne pas avoir suffisamment formé et informé ses équipes en matière de sécurité
Parmi les collègues de la victime présents au procès, Eric Chavegrand, mécanicien chez Tisséo depuis 15 ans, ne comprend pas qu’on ait pu leur demander de participer aux remorquages de véhicules : « C’est pas notre métier. Si y a pas de formation derrière, il y a forcément les dégâts qu’on constate aujourd’hui. » Depuis le drame, Tisséo fait appel à une société spécialisée pour les remorquages de véhicules.
« La question est de savoir si Tisséo a permis d’éviter des erreurs lourdes de conséquences »
Evoquant à plusieurs reprises l’absence de formation et d’information des employés sur le dépannage et le remorquage, l’inspection du travail et les avocates de la famille dénoncent des manquements graves en matière de sécurité.
Thierry Wischnewski, le directeur général de Tisséo Voyageurs et représentant légal de l’entreprise, rappelle que c’est en pratique les plus anciens salariés qui forment les suivants à ces opérations. « C’est un drame vécu par l’entreprise, un accident qui n’aurait jamais dû se produire« , ajoute-t-il.
« On ne peut pas considérer que le règne du plus ancien suffise à prévenir des accidents, alors qu’on parle d’une entreprise qui gère 2600 salariés » s’indigne Me Clémence Doumenc, l’avocate des parties civiles. Selon un argumentaire similaire, le parquet dénonce un « amateurisme » alarmant de la part d’une aussi grosse structure. « La question est de savoir si Tisséo a permis d’éviter des erreurs lourdes de conséquences« , résume la représentante du ministère public.
160.000 euros d’amende
Le tribunal correctionnel de Toulouse a reconnu la responsabilité pénale de Tisséo Voyageurs dans le décès du mécanicien. L’entreprise a été condamnée à 160 000 euros d’amende, dont 80 000 euros avec sursis, pour « homicide involontaire« , « mise à disposition d’équipement de travail sans information ni formation adaptée » et « emploi de travailleurs sans organisation du travail ni transmission d’instructions pratiques appropriées.«
La famille dénonce le manque d’humanité de Tisséo
« Aujourd’hui je suis dépressive, je vis recroquevillée sur moi-même« , confie la veuve d’une voix tremblante aux juges. En colère face à la défense du directeur général de l’entreprise, elle raconte que personne de l’administration ne l’a informée du décès de son mari. Elle a appris la nouvelle plusieurs heures après l’accident, en recevant des messages de condoléances de la part de connaissances.
Au bord des larmes, elle poursuit. « J’ai dit que je ne voulais pas de bus à son enterrement. Vous êtes venus avec quatre bus », blâme-t-elle l’entreprise, en évoquant ses nœuds d’estomac à la vue des bus Tisséo depuis le drame.
Dans une dernière prise de parole, l’avocat de Tisséo, Me Michel Jolly, présente des excuses à la mère endeuillée. « Lorsque l’accident s’est produit, la responsables des ressources humaine était en attente d’informations de la police« , explique-t-il pour justifier l’asymétrie d’informations suite à l’accident.
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