Neuf personnes transgenres ont attaqué en justice différentes Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour contester le refus de prise en charge de leurs opérations de transition. La voie judiciaire devient de plus en plus utilisée pour obtenir gain de cause. Parmi elles, deux sont en Occitanie, à Cahors (Lot) et à Toulouse (Haute-Garonne).
Elles sont neuf en France. Neuf personnes transgenres, soutenues par différentes associations, à avoir décidé de poursuivre la CPAM pour refus de prise en charge des soins, avec demande de dommages et intérêts au titre des discriminations subies, et atteinte à la vie privée.
Les dossiers, tous représentés par l’avocate Laura Gandonou, sont répartis dans plusieurs régions de France dont deux en Occitanie, un à Cahors et à un Toulouse. Ce sont les pôles sociaux des tribunaux qui se saisissent de ce type d’affaires.
La période de transition est longue et difficile à traverser autant mentalement qu’économiquement pour les transgenres. Beaucoup sollicitent la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) pour effectuer une demande de remboursement partiel de leurs opérations de transition. Mais, parfois, la CPAM refuse la prise en charge de ce parcours de soins. De plus en plus de jeunes doivent alors se tourner alors vers la voie judiciaire.
Mercredi 14 mai, un homme trans qui contestait en justice le refus de la CPAM du Bas-Rhin de prendre en charge sa mastectomie (une intervention chirurgicale consistant à retirer tout ou partie du tissu mammaire) a obtenu gain de cause au tribunal de Strasbourg. La CPAM a été condamnée à prendre en charge l’intervention chirurgicale. « C’est la première fois qu’un juge français vient reconnaître le caractère discriminatoire du refus de la CPAM et l’atteinte à la vie privée. C’est inédit », s’est félicité Me Laura Gandonou, l’avocate du requérant, auprès de l’AFP.
Quand leur prise en charge du parcours de soins est refusée, peu de personnes ont l’énergie pour démarrer une action en justice, tant la charge administrative de la transition est déjà importante. Des associations comme SOS homophobie ou Fransgenre permettent ainsi d’accompagner ces profils en les encourageant à se tourner vers la justice. Mathis* est un membre actif de ces groupes de travail, il suit les neuf recours formulés dans toute la France.
Lui-même s’est vu refuser une prise en charge de ses frais dans le cadre de sa transition à l’été 2022. « Ce refus a été motivé parce que je n’avais pas deux ans de suivi psychiatrique et pas d’accord tripartite transdisciplinaire entre un chirurgien, un endocrinologue et un psychiatre », explique-t-il aujourd’hui. Il avait alors décidé de poursuivre la CPAM du Rhône.
Pour se justifier, la CPAM invoquait un protocole de la Haute Autorité de Santé datant de 1989. Ce protocole est pourtant considéré comme obsolète depuis 2009. Mathis a obtenu gain de cause auprès du tribunal. « Le problème est qu’il n’y a pas d’harmonisation des CPAM sur la question en France. C’est au petit bonheur la chance si un dossier de remboursement peut passer ou pas. Cela dépend du médecin-conseil de la CPAM », pointe Mathis, en espérant qu’un cadre plus clair pourra être mis en place.
Mathis explique avoir reçu de nombreux témoignages de personnes se trouvant dans la même situation. « Beaucoup ne sont pas au courant des demandes illégitimes et parfois abusives de la CPAM. Pourtant, ces remboursements sont très importants pour ceux qui sont dans des situations financières difficiles », poursuit Mathis.
Dans certains cas, ces rejets de la part de CPAM interrogent les associations sur leur aspect discriminatoire. « Nous avons l’impression que cette société nous met des bâtons dans les roues, cela demande beaucoup d’énergie », souffle Mathis. À Strasbourg, le caractère discriminatoire a été retenu par le tribunal pour la première fois dans ce type de dossier.
Cette décision invite à l’optimisme pour Mathis et les autres personnes transgenres : « il y a déjà une évolution, plusieurs amis ont pu obtenir une prise en charge plus simplement ces derniers temps. J’espère que ces décisions feront jurisprudence à l’avenir. »
* Le prénom a été modifié.
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