Trois mois après l’histoire de prétendus massages délivrés le jour de la Saint-Valentin à des détenus de la prison de Seysses près de Toulouse (Haute-Garonne), le Conseil d’État est revenu sur l’interdiction des activités ludiques décidées sur le moment par le garde des Sceaux, Gérald Darmanin.
Les activités « ludiques » pourront reprendre en prison, a décidé lundi 19 mai le Conseil d’État en annulant une mesure d’interdiction prise en février par le garde des Sceaux Gérald Darmanin, qui avait suscité des critiques.
Les activités « provocantes » de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes peuvent être légalement interdites, mais pas les activités « ludiques » car cela serait contraire au code pénitentiaire, a tranché le Conseil d’État.
La plus haute juridiction administrative a relevé que si le garde des Sceaux pouvait fixer les conditions d’exercice des activités proposées par l’administration pénitentiaire, il ne pouvait « interdire, par principe, des activités conformes au code pénitentiaire, simplement parce qu’elles auraient un caractère ludique« , selon un communiqué de presse. Le code pénitentiaire prévoit pour les détenus condamnés l’organisation d’activités permettant leur réinsertion.
Dans le sillage d’une polémique autour de prétendus soins du visage prodigués à des détenus à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, le garde des Sceaux avait annoncé, à la mi-février, avoir ordonné l’arrêt de toutes les « activités ludiques » en prison qui ne concernent pas l’éducation, la langue française ou le sport.
Dans une lettre au directeur de l’administration pénitentiaire, le ministre avait insisté sur le fait que la mise en œuvre des activités en détention devait prendre en compte « sens de la peine » et « respect des victimes« . « Aucune de ces activités ne peut être ludique ou provocante« , ajoutait le texte du ministre.
Dans sa décision, le Conseil d’État a décidé d’annuler la mention « ludique ou » présente dans l’adresse du garde des Sceaux.
La décision du Conseil d’État est « excellente », a dit la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, interrogée sur RTL.
« La prison doit punir, elle doit mettre à l’écart, mais elle a aussi une mission de réinsertion« , a rappelé Mme Simonnot. « Il y a une obligation de préparer les détenus à la sortie« .
S’agissant des activités « provocantes« , le Conseil d’État précise que seules pourront être interdites les « activités qui sont, en raison de leur objet, du choix des participants ou de leurs modalités pratiques, de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes« .
« Je constate que le Conseil d’État n’a pas annulé l’essentiel de la circulaire qui consiste à interdire les activités provocantes, rappelez-vous, c’était notamment les massages dans les lieux de détention« , a réagi Gérald Darmanin en marge d’un déplacement au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, en Guyane.
Pourtant, comme l’indiquait France 3 Occitanie en février dernier, il n’y a jamais eu de massages et de soins du visage offerts aux détenus à Toulouse-Seysses. Il s’agissait de donner gratuitement des conseils de soins de la peau à des détenus ayant une piètre estime d’eux-mêmes dans le but d’aider à leur réinsertion, ont expliqué des syndicalistes après la polémique.
« Le Conseil d’État, dans son arrêt, évoque l’annulation des activités ludiques. Qu’entend-on par ludique ? Je n’ai jamais interdit les bibliothèques, ni les cours de français, ni les sorties culturelles en lien avec l’insertion (…). Quand on va en prison, il faut accepter que ce soit un lieu de détention difficile (…) Si jamais la loi n’est pas bonne, je proposerai des modifications législatives« , a assuré M. Darmanin.
Plusieurs organisations, dont l’Observatoire international des prisons (OIP), avaient saisi le Conseil d’État pour suspendre la décision du garde des Sceaux d’interdire les « activités ludiques » en prison.
« Le Conseil d’État remet à sa place le ministre de la Justice », s’est félicité dans un communiqué l’OIP avant d’appeler à « la reprogrammation immédiate des activités illégalement suspendues« .
Selon l’organisation, la décision de M. Darmanin a « entraîné l’annulation ou la suspension de plus de 150 activités dans au moins 74 établissements pénitentiaires, au mépris total des objectifs de réinsertion des personnes incarcérées« .
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