La tribune de Juliette Gaté, sur l’importance de la miséricorde à accorder aux prêtres auteurs d’agressions sexuelles, est intéressante, bien écrite, documentée, spirituelle. Tous nous aimerions que ce qu’elle écrit soit réalisable : une vraie réhabilitation et réinsertion dans la société des agresseurs et criminels et la guérison pleine et entière des personnes victimes. Juliette Gaté parle de chemin. Ce chemin, nous souhaiterions qu’il soit, qu’il puisse exister aussi pour chacune des personnes victimes, pour toutes les personnes victimes.
Il n’est interdit à personne et il est même tout à fait possible d’être ami avec un ancien agresseur. Il est possible de pardonner à un agresseur, un criminel, mais cela relève du choix de la personne victime et personne ne peut lui retirer cette liberté. Il lui en reste si peu.
Miséricorde, pardon et justice
Je travaille, je rencontre des agresseurs et agresseuses, d’anciens agresseurs sexuels et des récents, qui reconnaissent leur paraphilie, leurs difficultés, en tiennent compte et sont par ailleurs des personnes tout à fait remarquables. Je lutte pour que ces personnes trouvent un équilibre de vie et soient entourées de véritables amis, informés ; que ces amis puissent les aider sur ce chemin qu’ils n’ont pas choisi.
Mais dans la nomination par Mgr de Kerimel d’un prêtre qui a fait de la prison pour agressions sexuelles sur mineur la question ne se pose pas du tout à ce niveau-là. Il ne s’agit ni de miséricorde, ni de pardon, ni de justice (en sachant que beaucoup d’autres prêtres auraient été en capacité ou auraient aimé avoir ce poste), ni de médiation, ni de connaissance de soi… Toutes ces choses, qualités ou vertus, sont éminemment bonnes mais totalement hors sujet.
Il existe en effet bien des manières de les exercer vis-à-vis de ce prêtre et d’autres postes intéressants dans le diocèse de Toulouse sont certainement à pourvoir. La question n’est pas du tout de savoir si l’on va être gentil ou méchant avec ce prêtre, la question qui est soulevée est de savoir s’il convient d’attribuer le poste de chancelier à cet homme.
« Nous comporter en adultes responsables »
Ainsi la réflexion de maître Gâté est juste sur un certain plan et elle vient toucher notre désir le plus profond d’un retour à l’harmonie originelle mais elle se heurte au mystère de l’incarnation et de la mort du Christ. Incarnés, nous devons veiller à ce que ces actes délictueux et criminels ne se reproduisent pas. Des êtres fragiles, des enfants ont leur vie qui a basculé dans l’enfer des traumas psychiques, des familles entières ont été détruites par l’horreur de ces actes.
Nous devons nous, Église du Christ, nous comporter en adultes responsables. Nous devons en premier lieu faire de la prévention une priorité, puis toujours progresser dans l’aide que nous pouvons apporter aux victimes, et accompagner de manière humaine et professionnelle les agresseurs ou potentiels agresseurs.
L’idée n’est certainement pas de favoriser une société victimaire ou uniformisée, sans foi en la grâce. Mais on ne peut pas prendre le risque d’une telle nomination au même titre que l’on ne peut rouler à 150km/h sur des petites routes de montagne même si l’on est bon conducteur et que l’on prie beaucoup. Et on le voit bien par les réactions suscitées, la nomination au poste de chancelier, poste à la visibilité évidente, ne correspond pas aux critères d’une décision respectueuse de tout un chacun.
Lorsque la puissance du désir, désir aussi bon soit-il, devient puissance plus forte que la réalité nous tombons automatiquement dans la démonstration abusive. Il y a ainsi dans l’article de Juliette Gaté un glissement entre le début auquel on adhère bien volontiers et la suite qui néglige les situations réelles. La miséricorde est sagesse de Dieu. Elle ne fait jamais l’impasse sur les petits et le salut de tous. Personne ne peut se l’approprier. Encore moins un évêque qui a la charge de l’ensemble des âmes de son diocèse.