Ancien militaire devenu pilier de Tisséo, Thierry risque aujourd’hui une sanction après avoir maîtrisé un usager agressif. Pourquoi cet agent exemplaire est-il convoqué en conseil de discipline ?
Thierry a 59 ans. Mais ne vous méprenez pas sur son physique que l’on qualifiera de « normal ». En avril 2022, ce responsable d’équipe de contrôleurs Tisséo s’oppose physiquement à un homme muni d’un couteau, puis d’un autre muni d’une machette. Il ceinture le premier, reçoit un coup du second. Tout ça pour protéger son équipe. L’un des auteurs sera condamné à de la prison ferme.
Cet homme a servi 19 ans dans l’armée, et avant d’intégrer Tisséo en 2005 comme chauffeur. Ses états de service sont impeccables. Mardi 13 mai 2025, il comparaîtra pourtant devant un conseil de discipline de Tisséo, pour une affaire « banale » intervenue sur le réseau le 24 mars. Il raconte.
Le 24 mars dernier, vous encadrez une opération de contrôle à la station de métro Ramonville. Que s’est-il passé ?
Vers 15 h, un de nos agents vérificateurs me signale qu’un client vapote sur le quai d’en face, ce qui est interdit. Malgré les rappels à la règle par gestes, l’individu continue de plus belle, en mode provoc’.
Avec un collègue de la prévention, on décide d’intervenir chacun par un côté. Quand j’arrive, la rame est à quai. Je rentre, identifie le client, et je l’invite à descendre pour faire un rappel à la règle. Il s’exécute sans souci.
Et ensuite la situation dégénère ?
Oui. Pendant que je lui explique les règles sur le quai, la sonnerie de fermeture des portes retentit. Là, il me pousse violemment et file dans la rame. Réflexe immédiat, je le suis, pour ne pas le perdre de vue. Je me retrouve seul avec lui et un ami à lui dans la rame. Il commence à me provoquer, m’insulte en me disant : « Je vais te pisser dessus, qu’est-ce que tu vas faire ? » Il finit par tenter de me frapper.
J’esquive en partie le coup et je réagis par réflexe en lui portant un coup d’arrêt. Je l’immobilise contre une porte. J’avais peur qu’il sorte quelque chose de ses poches. Je lui ai dit qu’on descendrait à la prochaine station.
La situation reste tendue jusqu’à l’arrivée ?
Oui, il continue à m’insulter tout le trajet. Les collègues appellent le PC métro pour qu’on immobilise la rame à Paul Sabatier. À l’arrivée, les deux individus descendent calmement. On met le vapoteur dos à la rampe, on attend les agents de prévention, puis on l’emmène au local de sécurité. La police intervient, l’interpelle, et m’indique qu’il est connu de leurs services. J’ai déposé plainte immédiatement à leur demande.
Et quelle a été la réaction de votre hiérarchie ?
J’ai informé mon chef de service, le jour même, par téléphone puis en face-à-face. Trois semaines plus tard, je reçois une convocation à un entretien préalable à sanction, pouvant aller jusqu’au licenciement. Mon chef a refusé de m’en dire plus à ce moment-là. Lors de l’entretien, on m’a reproché d’avoir agi seul, de m’être retrouvé isolé dans la rame, et d’avoir porté un coup à l’usager.
Comment vivez-vous cette procédure ?
Je ne comprends pas. J’ai respecté les procédures, j’ai voulu faire mon travail, je me suis retrouvé seul face à une personne agressive, j’ai réagi par réflexe, pour me protéger. J’ai toujours agi dans le cadre de mes fonctions, avec sang-froid. C’est injuste d’être mis en cause alors que j’ai simplement voulu garantir la sécurité.
Quelle est la suite de la procédure ?
Un entretien avec la DRH et le service juridique a eu lieu le 7 mai. Le conseil de discipline aura lieu le 13 mai. J’attends de pouvoir m’expliquer. Ce que je veux, c’est que mon engagement soit reconnu, pas pénalisé.
Un mot pour conclure ?
Trois jours après les faits, l’usager concerné m’a recroisé à Jeanne d’Arc et m’a présenté ses excuses. Cela dit tout. Moi, je veux juste continuer à faire mon métier avec rigueur et respect.
Le directeur général de Tisséo : « Avant tout un rappel aux règles »
Suite à la convocation en conseil de discipline de Thierry, la direction de Tisséo se veut rassurante : « Il n’a jamais été question de le licencier, mais frapper un usager reste inacceptable », a expliqué à « La Dépêche » Thierry Wischnewski, directeur général de Tisséo Voyageurs.
Pour la hiérarchie, la procédure vise un recadrage. « Certains dramatisent ou cherchent à détourner l’attention. Ce conseil de discipline est avant tout un rappel aux règles. » Le directeur général insiste : « L’important, c’est que l’agent corrige le tir. Ce n’est pas un événement grave. »
Les syndicats de Tisséo dénoncent « un exemple pour l’exemple »
Thierry, accusé d’être intervenu seul et d’avoir porté un coup à un usager violent, n’aurait fait que « réagir de façon proportionnée » selon les syndicats.
‘Il n’a fait que son travail en faisant respecter la règle », défend l’intersyndicale CGT-CFDT-FNCR et SUD, rappelant que l’agresseur lui-même est revenu présenter ses excuses quelques jours plus tard. Pour les syndicats, la direction veut « faire un exemple, envoyer un message de fermeté », au mépris du « dossier vierge » de l’agent.
L’intersyndicale dénonce une attitude « méprisante » envers les encadrants, « considérés comme de simples pions », et appelle à la reconnaissance du terrain : « L’entreprise ne se manage pas aux tableaux de bord ni aux coups de bâton. »
Elle demande l’abandon de toute sanction disciplinaire et appelle les salariés à témoigner en cas de pression ou de harcèlement.