Avec six représentations à guichets fermés, « Le Vaisseau fantôme » vogue sur le succès au Capitole. La puissance de l’opéra de Wagner sublime l’intensité des voix et de la musique, jusqu’au 27 mai.
Avec de faux-airs de Jack Sparrow et une vraie voix de baryton dramatique, Aleksei Isaev incarne à merveille le personnage principal du Hollandais et entraîne le spectateur du « Vaisseau fantôme » dans une épopée maritime et fantastique digne de « Pirates des Caraïbes », le frisson en plus. Car l’opéra de Wagner hérisse le poil tant les chants sont intenses et la musique puissante. Condamné à errer éternellement sur les mers pour avoir invoqué l’aide de Satan au passage du Cap de Bonne espérance, le Hollandais maudit peut accoster tous les sept ans pour chercher son salut dans la fidélité absolue d’une femme.
C’est cette rédemption par l’amour que Wagner explore tout au long de cette œuvre de jeunesse dans laquelle les sentiments ne manquent toutefois pas de force. Senta, promise à un autre, sera-t-elle résister à la tentation diabolique ? Éprise d’amour pour le navigateur, la jeune femme fait face au dilemme dans des arias à couper le souffle auxquels la soprano Ingela Brimberg donne une âme. La cantatrice suédoise ne faisait pas partie de la production initiale. Grande spécialiste de Wagner, elle a accepté de remplacer quelques jours avant le début des représentations la jeune Marie-Adeline Henry, contrainte de se retirer pour des raisons personnelles. Les amateurs ne s’en plaignent pas tant son engagement pour le rôle est total et l’amplitude de sa voix exceptionnelle. Pour lui donner la réplique, le ténor espagnol Airam Hernandez joue Erik, l’amoureux meurtri, qui dénonce l’emprise diabolique avec beaucoup de convictions et un timbre de voix lumineux. On a hâte de le retrouver la saison prochaine dans les opéras « La Passagère » et le célèbre « Carmen » où il jouera Don José.
Tout pour la musique
Si ce « Vaisseau fantôme » est aussi captivant c’est certainement parce que Michel Fau, en homme de théâtre avisé, a su préserver l’essentiel dans sa mise en scène respectueuse de l’œuvre. Les décors signés Antoine Fontaine racontent l’histoire, les costumes de Christian Lacroix identifient les personnages, la lumière de Joël Fabing crée l’atmosphère de l’intrigue. Chacun est à sa place au service des voix et de la musique.
Et quelle musique ! Un personnage central a elle-seule. On entend le déchaînement de la mer et des esprits d’autant que dans la fosse, on retrouve le grand chef allemand Frank Beermann. En 2024, il avait su donner toute sa plénitude à l’Orchestre national du Capitole dans « La Femme sans ombre » de Richard Strauss. Avec « Le Vaisseau fantôme », il défend corps et âme la musique de Wagner. Le public ne s’y trompe pas lors des saluts. À son entrée sur scène, il commence à se lever.