Figure tutélaire du hip-hop hexagonal, Cut Killer participera vendredi à la soirée de clôture de l’exposition « Le musée imaginaire d’Oli » aux côtés du rappeur, de Jiddybruh, de Veekee et de Julien Granel. Interview.
La Dépêche du Midi : Pourquoi vous retrouvera-t-on vendredi soir au musée Les Abattoirs ?
Cut Killer : C’est grâce à Oli ! Il me parle de l’expo au musée depuis un moment et quand elle a commencé je suis venu la voir, il ne le savait pas. Un jour, il m’appelle pour me dire : « On fait la clôture ! » J’ai accepté tout de suite.
L’exposition a-t-elle une valeur politique pour vous ?
Bien sûr ! Que ce soit pour Bigflo & Oli ou les autres acteurs du rap en général, la valeur de base, c’est de pouvoir s’exprimer. La différence avec les années 1990, c’est qu’on le revendiquait. Cette exposition revendique une expression, elle véhicule l’idée que l’art n’est pas réservé à certaines et certains. Elle est politique dans ce sens, oui.
Quel regard portez-vous sur le duo Bigflo & Oli ?
Ce sont des garçons qui travaillent beaucoup, je les connais depuis 7-8 ans et je les voyais souvent quand je venais à Toulouse. La ville est particulière parce que quand j’ai commencé mes Mixtapes au milieu des années 1990, c’était l’endroit de prédilection grâce au groupe KDD et à Dadoo qui faisaient parler d’eux et de la région. Il y avait un vivier important ici et Toulouse a été une plaque tournante pour le rap français, aussi grâce à l’action des MJC. C’est pour cela que Bigflo & Oli ont émergé plus que d’autres. Quand j’ai vu arriver ces gamins avec leur ferveur, ça m’a poussé à leur donner la force sur leurs premières représentations. Pour moi, c’est le hip-hop qui prime donc j’ai ressenti dans cette vibe-là des gamins qui sont comme on était. Ils ont encore cette fraîcheur, cette innocence et en plus de ça ils ont cette méthodologie grâce à leur papa musicien. Alors c’est plus simple, entre guillemets, mais il fallait trouver la bonne mécanique. C’est la relève aujourd’hui !
À l’époque, vous aviez dû économiser pour acheter du matériel, les temps ont changé…
La technologie n’est pas la même, la manière de consommer est complètement différente. Aujourd’hui, avec un téléphone, on peut faire de la musique, on plie le game sans avoir à acheter du matériel haut de gamme. Ce n’est pas la même approche, la même vision que la nôtre mais, en revanche, c’est la créativité qui prime. Alors, évidemment, l’intelligence artificielle bouscule tout mais la créativité est humaine, après on verra… Mais j’ai gardé mes collections de walkmans et de boombox ! (rires)
Votre créativité passe-t-elle toujours par la composition de musiques de films ?
Toujours ! Je suis sur la musique de la troisième saison de la série de TF1 avec JoeyStarr, « Le Remplaçant » et sur d’autres projets d’écriture de scénarios et de production. Puis, on est en train de travailler sur les illustrations d’un deuxième livre qui sortira aux éditions Les Belles Lettres, qui traite de la façon dont le hip-hop a changé les mœurs dans la politique, dans le cinéma, la mode, la société. C’est Adel Abdessemed qui a créé une dynamique assez visuelle pour essayer de trouver des liens entre l’écriture et l’art. Ce sont des gens comme Oli ou JR qui nous stimulent et nous poussent à aller plus loin.
Tout comme Mathieu Kassovitz qui proposait une version scénique de « La Haine », tout récemment ?
Oui, dans tout art, il faut une évolution. Et on est en plein dedans en essayant d’atteindre des choses qui n’étaient pas permises avant. L’élitisme dominait et c’était difficile d’imaginer qu’on allait créer une comédie musicale ou accéder au théâtre avec de l’urbain, ce mouvement qu’on a créé dans la rue dans les années 1990 avec les graffitis artists pour dire « On existe ! » Aujourd’hui, en 2025, la jeune génération dit : « Nous aussi on est là, nous aussi on a une créativité et voilà ce qu’il en est ! » Donc forcément, ça va dans les musées, les théâtres, les cinémas, un peu partout…
Et aussi tous les samedis soirs sur Skyrock !
Oui et je suis toujours ébahi de voir que le Cut Killer Show existe encore depuis plus de 30 ans. On a fédéré les générations et j’ai fait en sorte que cette émission soit toujours relativement dans une même bonhomie, une même envie. En 1995 sur Nova et depuis 1997 sur Skyrock, le but était de diffuser des nouveautés. Puis on a évolué en proposant les musiques du passé, du présent et du futur. Aujourd’hui on accueille du public et on essaie de créer des dynamiques comme si on partait tous en soirée le samedi. En fait, c’est un rendez-vous festif de musique, une sorte d’apéro, un moment convivial pendant lequel on écoute et on découvre des choses avec des guests.